"Salafiste", "racaille", "King Kong" : que risque Christophe Galtier, accusé de discrimination et de harcèlement par plusieurs témoins ?

"Salafiste", "racaille", "King Kong" : que risque Christophe Galtier, accusé de discrimination et de harcèlement par plusieurs témoins ? L'ancien entraîneur de l'OGC Nice est mis en cause par la justice, soupçonné de propos discriminatoires et de harcèlement envers plusieurs joueurs de son ancien club.

Christophe Galtier sera jugé dans dix jours, le 15 décembre, pour discrimination et harcèlement moral. L'ancien entraîneur du PSG (2022-2023), désormais sur le banc du club d'Al-Duhail au Qatar, risque une lourde peine s'il est reconnu coupable. Les faits qui lui sont reprochés datent tous de son passage à l'OGC Nice, durant la saison 2021-2022. Une longue enquête de nos confrères de L'Equipe révèle des éléments précieux, à l'approche du procès.

Tout commence en mars 2023, quand le journaliste indépendant Romain Molina et RMC Sport dévoilent le contenu d'un mail envoyé par Julien Fournier, alors directeur du football à l'OGC Nice, à Dave Brailsford, propriétaire du club. Julien Fournier y raconte une discussion qui aurait eu lieu lors d'une réunion dans son bureau à l'été précédent : Christophe Galtier aurait affirmé qu'il y avait un trop grand nombre de "Noirs et de Musulmans" parmi ses joueurs. Fournier décrit : "Il m'a dit : "hier soir, je suis allé au restaurant et tout le monde m'est tombé dessus en disant que nous avons une équipe de Noirs" [...] Il n'y avait aucun argument sportif mais bien uniquement des arguments religieux ou de couleur de peau."

 "Encore un musulman, j'en veux pas" : plusieurs témoignages accablants

Suite à la révélation de ce mail, que Julien Fournier nie avoir lui-même transmis à la presse, le parquet de Nice décide d'ouvrir, sans plainte préalable, une enquête préliminaire pour discrimination. Des perquisitions ont lieu dans les locaux du club Niçois, qui se révèlent globalement infructueuses. Les personnes présentes au club à l'époque des faits ont été interrogées, et les témoignages sont contrastés, mais éclairants. Jean-Pierre Rivère, le président de l'OGC Nice, affirme ne pas bien se souvenir de la réunion dont il est question dans le mail de Julien Fournier, où il était pourtant présent. Khéphren Thuram dit à la police n'avoir été témoin d'aucune discrimination, comme Youcef Atal. Burak Yilmaz a lui publiquement soutenu son ancien coach via une publication sur Instagram, expliquant n'avoir "jamais senti le moindre comportement négatif de sa part au sujet de [s]a religion".

Frédéric Gioria, légende du club et entraîneur adjoint du Gym, raconte pour sa part un véritable agacement de Christophe Galtier quand il a appris le recrutement de Billal Brahimi, joueur Franco-Algérien, à l'hiver 2022. Il aurait dit : "Encore un musulman, j'en veux pas, on en a assez". Hachim Ali Mbaé, analyste vidéo de l'OGC Nice à l'époque et désormais au RC Strasbourg, affirme lui aussi avoir été témoin de propos déplacés. Galtier aurait surnommé, à la mi-temps d'un match contre Saint-Etienne, les défenseurs centraux des Verts Harold Moukoudi et Mickaël Nadé, les "deux King Kong". Plusieurs joueurs musulmans qui ont côtoyé l'entraîneur marseillais ont fait état de pressions liées à leur religion, notamment pour ne pas jeûner pendant le ramadan : Jean-Clair Todibo, Hicham Boudaoui ou encore Pablo Rosario. Teddy Boulhendi dit aussi avoir été qualifié de "salafiste" par son ancien coach, et Hassane Kamara de "racaille".

Face aux accusations, Christophe Galtier nie

Julien Fournier raconte lui-même que, lorsqu'il lui a proposé le profil du défenseur turc Ozan Kabak lors d'une réunion fin mars 2022, Christophe Galtier lui aurait répondu : "Julien, tu n'as toujours pas compris. Moi je ne veux plus de noirs ou d'arabes." L'ancien coach du LOSC aurait aussi été énervé en apprenant que Didier Digard, entraîneur de l'équipe réserve, était musulman, jugeant cela "pas normal", toujours selon le témoignage de l'ancien directeur du football niçois. Digard, après avoir eu vent de ces propos par Frédéric Gioria, aurait posé sa démission dans la foulée, avant d'être convaincu de conserver son poste par Julien Fournier.

L'entourage de Christophe Galtier et lui-même dénoncent un "règlement de comptes", et une "volonté de nuire" de Julien Fournier. L'entraîneur nie tout propos déplacé, et toute discrimination envers les joueurs musulmans pratiquant le ramadan. Ses avocats, contactés par L'Equipe, déclarent : "Christophe Galtier est déterminé à 10 jours de cette audience. Il réserve ses déclarations au tribunal. Il attend enfin ce débat public et contradictoire où il démontrera qu'il n'a évidemment jamais discriminé ou harcelé quiconque. Tout son parcours professionnel, sa réputation témoignent de sa personnalité irréprochable."

Que risque Christophe Galtier ?

En juin 2023, le parquet de Nice a finalement décidé de convoquer Christophe Galtier à comparaître dans le cadre d'un procès pour "harcèlement moral" et "discrimination à raison de l'appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée". L'ancien entraîneur du PSG risque trois ans de prison et 45 000 euros d'amende. De son côté, Christophe Galtier a porté plainte auprès du procureur de Paris pour diffamation et risque causé à autrui contre Julien Fournier, ainsi que Romain Molina et Daniel Riolo, les journalistes qui ont révélé le mail qui a provoqué l'enquête. Christophe Galtier a aussi porté plainte contre X pour harcèlement et menaces de mort, ayant reçu de nombreux messages hostiles après que son numéro de téléphone ait fuité sur les réseaux sociaux.