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Juin 2006

Pierre-Valéry Archassal : "L'arbre de nos ancêtres est infini et les possibilités de recherches aussi"

Pourquoi la généalogie connaît-elle un tel engouement ? Comment déjouer les difficultés dans vos recherches ? L'auteur de "Généalogie, une passion moderne", vous a livré ses conseils et anecdotes, lors d'un chat le 15 juin.

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Vous n'avez pas l'air d'être vieux : pourtant la généalogie c'est un passe-temps de retraité, non ?

Pierre-Valéry Archassal C'est bien sûr un passe-temps qui demande d'y consacrer ses loisirs, mais cela ne veut pas dire qu'il est réservé aux retraités ! Beaucoup de gens commencent dans leurs années "lycée" puis mettent entre parenthèses pendant la période "professionnelle", mais la passion ne lâche jamais le chercheur. On trouve toujours le temps d'effectuer des recherches quand on le souhaite.

 

"Il faut se contenir, quand on est passionné de généalogie et ne pas saoûler tout le monde avec le sujet"

Vous décririez-vous comme un monomaniaque ? Comment votre entourage vit-il cette passion ?

C'est une vraie question que j'aborde au début de mon livre car c'est souvent difficile pour l'entourage de vivre avec un généalogiste... Mon entourage n'est pas vraiment passionné par la généalogie, alors nous évitons les "dîners de généalogistes" qui seraient vite ennuyeux pour les non-passionnés ! Donc il faut se contenir, quand on est passionné de généalogie (cela est vrai aussi pour d'autres passions) et ne pas saoûler tout le monde avec le sujet.

 

Est-ce un simple effet de mode ou cet engouement pour la généalogie est-il pérenne ?

Quand j'ai commencé mes recherches en 1978, nous étions dans la pleine ascension de l'engouement généalogique. Au fil des années 1980, tout le monde croyait que le "soufflé allait retomber", et puis, 20 ans plus tard, le nombre de généalogistes amateurs continue encore de croître. Qui sait combien de temps encore cela durera, mais certainement longtemps, car c'est un loisir personnel, bon marché, accessible à toutes les cultures.

 

Quels conseils donneriez-vous à un débutant qui ne sait pas par où commencer ses recherches ?

Le premier conseil, si ce débutant a encore des parents vivants (je parle de parents au sens large, incluant oncles, tantes, etc.), c'est de les interroger, car en France, les registres d'état-civil ne sont pas accessibles s'ils ont moins de cent ans. Donc il faut contourner le problème et faire avec la mémoire familiale pour franchir ce premier siècle... La mémoire familiale, ce sont donc les témoignages de ceux qui ont connu nos ancêtres, mais c'est aussi les livrets de famille, les anciens actes notariés conservés dans une armoire, etc. Le débutant doit donc commencer son investigation à la maison avant de se lancer dans le grand bain des archives.

 

Vous êtes membre de l'Académie internationale de Généalogie : pouvez vous nous expliquer les fonctions et la mission de cette institution ?

L'Académie Internationale de Généalogie est (comme son nom l'indique) une instance internationale qui réunit 100 généalogistes du monde entier (nombre fixe). Son but est d'échanger des travaux, de savoir comment se pratiquent les recherches dans les différents pays, mais aussi d'organiser des colloques où les Académiciens présentent leurs travaux sur un sujet donné. Cette année, par exemple, l'AIG s'est réunie à Paris et j'ai présenté une conférence sur le sujet "Vices et vertus des nouvelles technologies appliquées à la généalogie".

 

Je fais quelques recherches généalogiques sur Internet, mais il y a des tonnes de sites web. Comment faire le tri ?

Effectivement, en saisissant "généalogie" dans un moteur de recherche ou un annuaire, on trouve des milliers de sites. Il y a donc deux méthodes efficaces pour "faire le tri" : la première consiste à aller sur un répertoire spécifique des sites généalogiques comme "Généapass", "GeneaNet" qui est également libre et gratuit. On peut aussi se référer au Guide Hors-série spécial qui sort tous les ans en décembre aux éditions de la Revue Française de Généalogie, consacré à "Internet et Généalogie", où les sites sont classés par zone géographique. Si vous cherchez vos ancêtres dans les Landes, par exemple, vous avez plusieurs pages de sites référencés dans ce guide qui sont consacrés à la généalogie landaise.

"L'Internet est un formidable outil pour débroussailler le terrain, mais c'est aussi un risque"

 

L'Internet a-t-il vraiment révolutionné les recherches généalogiques ou le passage par les archives est-il toujours incontournable ?

Les 2 mon Capitaine ! D'abord c'est un formidable outil pour débroussailler le terrain, mais c'est aussi un risque au regard du fait que des sites "non officiels" peuvent comporter des erreurs. Je conseille donc toujours de retourner à la source, aux documents originaux, aux archives donc, ce qui va devenir de plus en plus commode car les archives sont de plus en plus numérisées et consultables sur le Net.

 

La base de données des Mormons est-elle un passage obligé pour tracer un arbre généalogique ?

Pas du tout, sauf si vous avez une majorité d'ancêtres étrangers. En effet, la base de données des Mormons concerne essentiellement des pays anglophones ou germanophones, elle touche moins la France. S'il y a une base de données incontournable, c'est bien celle de "GeneaNet" qui comprend plus de 130 millions de personnes, en grande majorité françaises.

 

Etes-vous parti à l'étranger lors de vos recherches ? L'enquête devient-elle alors beaucoup plus difficile ?

Faire ses recherches à l'étranger pose rapidement le problème de la langue : il faut pouvoir lire et comprendre les registres. Mais il y a aussi d`autres difficultés, comme l'accès aux archives qui n'est pas aussi facile qu'en France dans tous les pays. Ou bien encore on peut rencontrer des pays dont les archives n'existaient pas avant une certaine époque... Nous ne nous rendons pas compte en France à quel point nous avons de la chance pour les travaux généalogiques : bonnes archives, anciens documents, accès aux dépôts d'archives facilité...

 

Est-il possible d'effectuer des recherches pour les personnes des DOM, car j'ai de la famille en Martinique mais aussi en France ?

A la Martinique, tout dépend de l'origine de la famille. Les archives sont plus nombreuses pour les colons... On s'en serait douté ! Une famille d'esclaves peut cependant espérer remonter jusqu'au début du XIXème siècle et pour quelques-uns il est possible de retrouver le pays d'origine et le bateau. Il y a pour cela une très efficace association de généalogistes amateurs des Antilles qui aide les chercheurs.

 

Jusqu'à quelle période peut-on espérer remonter ? Avez-vous trouvé des éléments amusants dans vos recherches, des célébrités ?

Pour quasiment n'importe quel type de famille, on peut espérer remonter au milieu du XVIème siècle, c'est-à-dire jusqu'environ 1550. Après, tout dépend de la conservation des archives : elles ont quelques fois existé, puis ont disparu. Je pense, par exemple, au département de la Manche où il y avait des archives merveilleuses et très anciennes jusqu'au bombardement de la ville de Saint-Lô pendant la Seconde Guerre mondiale ! Concernant les célébrités, il ne faut pas courir après car les ancêtres "ordinaires" sont plus passionnants encore. Mais je peux vous raconter une petite histoire... J'habite dans le centre de Paris et j'emprunte quasiment tous les jours la rue Etienne Marcel (qui était le Prévôt des marchands à la fin du Moyen-Age). Un jour, je prends cette rue pour aller faire de la généalogie aux Archives nationales et je découvre dans ma journée de recherche un de mes ancêtres, qui était l'assassin d`Etienne Marcel ! J'ai pris le chemin du retour avec un autre regard en utilisant la rue...

 

"Ne jamais se focaliser sur une branche : si "ça coince", continuez les autres branches qui se laissent remonter facilement"

Comment faire et rester serein face aux difficultés rencontrées lors des recherches ?

D'abord ne jamais se focaliser sur une branche : si "ça coince", continuez les autres branches qui se laissent remonter facilement. Ensuite, essayez de croiser le maximum d'informations sur les enfants, les sœurs, les frères de vos ancêtres, leurs parrains, marraines, etc. Je vous donne un exemple : vous êtes bloqué parce que l'acte de mariage de vos ancêtres en 1732 ne donne pas le nom de leurs parents. Vous pensez que c'est foutu, que vous ne trouverez pas une génération de plus, eh bien si vous connaissez les frères et sœurs de ces ancêtres dont le mariage n'est pas filiatif, peut-être que LEUR mariage à EUX donnera le nom des parents ! Donc c'est parce que vous connaîtrez toute la "fratrie" que vous progresserez vers la générations antérieure.

 

Pourriez-vous me donner l'origine de "Bordeux" ?

Merci de cette question, qui n'a pas de réponse "absolue" car l'origine des patronymes est directement liée à la région où le nom s'est formé. Il faudrait donc savoir d'où vient "Bordeux" et connaître le patois local pour être formel. Toutefois, la "borde" était autrefois une petite ferme isolée. On peut donc imaginer que le "bordeux" était le surnom de celui qui habitait dans cette ferme isolée. Et qu'il est ensuite passé à ses descendants.

 

Ressentez-vous de la frustration quand vous butez sur un patronyme ?

Disons que c'est frustrant et stimulant à la fois ! Si tout était trop facile, le jeu ne serait pas drôle... Cette semaine, par exemple, après près de 30 ans de recherches, je viens encore de découvrir un nouveau couple d'ancêtres qui vivaient au début du XVIIIème siècle. J'avais cherché dans beaucoup d'endroits leur mariage et je l'ai retrouvé grâce à un correspondant pratiquant l'entraide.

 

La généalogie est-elle une thérapie ?

Je crois que pour une thérapie il faut un thérapeute, donc quelqu'un en face de soi qui aide à guérir. En généalogie, on est souvent uniquement face à soi-même et à des milliers de gens disparus depuis longtemps, donc c'est une thérapie si on considère être son propre thérapeute !

 

Quel est le meilleur souvenir de vos recherches ?

Les rencontres avec les cousins vivants mais inconnus avant les recherches sont toujours des souvenirs formidables... Un jour je me retrouve une parenté avec une internaute et cette dame avait vraiment beaucoup d'ancêtres en commun avec moi. Nous décidons de nous voir, je ne savais pas où elle habitait et grande surprise lorsque nous avons échangé nos adresses : nous étions chacun d'un côté de la rue, c'était ma "cousine" que je voyais à la fenêtre tous les jours !

 

"Je suis un généalogiste "vélo-trotteur", pour aller de mairie en mairie, dans les campagnes françaises"

Quels sont les organismes ou les fondations, en France et dans le monde, qui s'occupent exclusivement de la généalogie ?

Il y en a des quantités car des associations se sont fondées par zones géographiques : il y en a plusieurs centaines en France, certaines sont regroupées dans une Fédération nationale qui les représente face aux Ministères et aux Archives de France.

 

Etes-vous un généalogiste globe-trotter ?

Oui, ou plutôt "vélo-trotteur" pour aller de mairie en mairie, dans les campagnes françaises. Je considère qu'en voiture, certes cela va plus vite, mais on ne découvre pas le monde de nos ancêtres de la même manière qu'à pieds ou à vélo, quand on peine à monter une côte, on a tout le temps de contempler le paysage qui fut celui de nos ancêtres au cours de leur vie. Quant à l'étranger, j'y ai fait des recherches quelques fois, notamment dans les pays limitrophes de la France et en Russie aussi.

 

Comment est née votre passion ? Par jeu, par érudition, par affection par votre famille ?

Ce que je sais, et justement j'ai voulu commencer mon livre "Généalogie, une passion moderne" là-dessus, c'est que la passion est née après le décès de ma grand-mère. J'avais 9 ans, plus de grands-parents, plus d'ancêtres, et j'ai voulu savoir d'où je venais. Si je meurs centenaire, je n'aurais toujours pas "fini mon arbre". D'ailleurs, cela m'amuse quand je rencontre des gens qui me disent "ah oui, la généalogie, j'en ai fait mais j'ai fini mon arbre". Franchement, c'est stupide, car l'arbre est infini et les possibilités de recherches aussi !

 

Peut-on considérer que la pratique de la généalogie a encore de l'avenir en prenant en compte les systèmes actuels de gestion des naissances et des morts ?

Les données contemporaines sont, certes, informatisées, mais ne sont pas accessibles au grand public pour des raisons légales de protection de la vie privée. Pour moi, de toute façon, l'intérêt ne réside ni dans les dates, ni dans les lieux. L'intérêt de la généalogie, c'est de "remettre de la chair sur le squelette des ancêtres" en recréant leur univers de vie quotidien, en essayant d'en savoir toujours plus sur leur vie de la naissance à la mort : j'aime retrouver leurs testaments et leurs contrats de mariages, savoir combien d'impôts ils ont payés, quel était leur physique (grâce aux registres militaires), etc.

 

La cohabitation entre historiens et amateurs dans les dépôts d'archives ne doit pas toujours être facile, non ?

Vous avez parfaitement raison, mais cela va mieux qu'avant ! Il y a 20 ans, on trouvait rarement plus de 3 personnes dans les salles de lecture des archives, et puis ces archives ont été envahies par des dizaines de généalogistes, notamment au moment des vacances scolaires ! Les historiens officiels ont eu peur de ce qu'ils considéraient comme des "barbares de l'histoire". Puis ils ont compris que les généalogistes pouvaient être des chercheurs étonnants, fiables, et utiles à l'Histoire.

 

"L'intérêt de la généalogie, c'est de "remettre de la chair sur le squelette des ancêtres" en recréant leur univers de vie quotidien"

Les universités proposent-elles des cours sur la recherche généalogique ?

Oui, il y a plusieurs "Universités du 3ème âge" (je crois que cela porte un autre nom aujourd'hui, mais j'ai oublié lequel) qui proposent ces cours aux retraités. Et mon ami Jean-Louis Beaucarnot anime à Paris les "Jeudis de la généalogie", avec la RATP, qui propose des cours à toutes celles et tous ceux qui le souhaitent.

 

Existe-t-il des professionnels de la généalogie à qui des particuliers peuvent s'adresser pour faire des recherches pour leur compte ?

Il y a 2 catégories de professionnels : les plus courants sont ceux qui travaillent pour les notaires afin de retrouver des héritiers à une personne qui laisse de la fortune en décédant : ce sont les généalogistes successoraux. Et puis il y a les généalogistes familiaux qui effectuent pour vous des recherches sur l'histoire de votre famille et reconstituent votre arbre. Ils sont organisés en deux chambres syndicales dont vous trouverez sans problème les coordonnées sur Internet.

 

Beaucoup d'internautes parlent du "virus de la généalogie" on peut vraiment devenir accro ?

C'est pire que vous n'imaginez encore ! Le père d'une de mes amies d'enfance était passionné par le jardin : le tour de sa maison était bien soigné, des belles fleurs, de jolis arbres, des buissons bien taillés, un jour il m'a demandé de l'initier à la généalogie : il s'est lancé dans les recherches depuis quelques temps et passe aujourd'hui complètement ses loisirs dans les dépôts d'archives. Son jardin est devenu une vraie friche !

 

Quelles sont les erreurs à éviter absolument ?

Il faut toujours faire très attention à la vraisemblance et à la chronologie : quand on voit des arbres où des femmes ont des enfants à 67 ans, ou bien où des hommes ont des enfants à 9 ans, on doit se dire qu'il y a un problème ! Sur le plan géographique, il ne faut pas chercher midi à 14 heures ! Si vous trouvez à Nantes le décès d'une personne portant le même prénom et le même nom qu'un de vos ancêtres qui vivait à Marseille, il y a plus de chance que ce soit un homonyme plutôt que la même personne. Donc prendre garde à toujours croiser ses informations et à rester lucide : nos ancêtres n'étaient pas des martiens, ils avaient les mêmes comportements que nous !

 

Mon arrière-grand-mère a été abandonnée et je bute pour retrouver ses ancêtres : vous n'auriez pas une astuce ?

Avez-vous demandé à consulter son dossier à l'Assistance Publique ? Car il existe parfois des petits mots laissés par la maman qui abandonnait son enfant avec des indices... Si ces mots ont été transcrits dans le dossier peut-être vous aideront-ils.

 

La généalogie lorsqu'on a des origines étrangères est très compliquée, connaîtriez-vous un livre qui parle de la généalogie avec l'étranger ?

Il n'y a pas UN livre magique, mais plusieurs... En fait, tout est tellement spécifique à chaque pays qu'il existe un livre par pays, mais vous avez aussi la voie de l'Internet avec les groupes Yahoo qui rassemblent les chercheurs s'intéressant à une région donnée, qu'elle soit en France ou bien à l'étranger, c'est là qu'on trouve les meilleurs conseils en fonction de chaque pays et, mieux, qu'on peut former un groupe de correspondants qui s'entraident et qui font avancer les recherches des uns et des autres !

 

Pierre-Valéry Archassal Merci à tous de vos questions, de votre intérêt pour la généalogie, pour ce chat et à très bientôt !

 

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