Techniques de séduction : faut-il imiter les héros des séries télé ?
Barney Stinson, Hank Moody, Don Draper... voici trois grands séducteurs de la fiction télévisuelle. Faut-il s'inspirer de leurs personnages pour mieux draguer ? Stéphane de SpikeSéduction.com vous répond.
La question vous paraîtra peut-être assez éloignée des préoccupations actuelles, mais tout de même : aussi étrange que cela puisse paraître, la question des origines de l'homme et de ses étranges comportements sociaux n'est toujours pas tranchée. Ultime évolution d'un singe lentement muté comme l'affirment les Darwinistes, ou pur produit du doigt de Dieu selon les religieux, nous savons désormais avec une relative certitude comment l'homme fonctionne mais bien moins souvent pourquoi il agit.
Sans prétendre démontrer quoi que ce soit en la matière, ma grande fréquentation de la foule des centres urbains et du métropolitain me fait personnellement voir dans l'homme un singe bien moins évolué que ne le laisserait croire le smartphone (littéralement, téléphone intelligent) qu'il tient au bout des doigts. Et encore, c'est avant l'intervention parasite des comportements reproducteurs.
Car dès lors qu'il pense s'accoupler, l'imagination lui fait totalement défaut et il se retrouve bien souvent, sans le savoir, à imiter des modèles issus du grand et du petit écran. Voire, désormais, du très petit écran qu'il tient dans la main (voir plus haut). 80% des hommes sont incapables d'aborder une inconnue en gardant leur naturel et, globalement, de se montrer spontané devant une femme qui leur plaît. C'est à dire en un mot incapables de la séduire. Une carence qu'ils masquent en se forçant de façon plus ou moins convaincante à nourrir des relations avec celles qui ne leur plaisent pas. Et si la responsabilité en revenait (du moins en partie) aux scénaristes et aux producteurs ? Passons sans concession (difficile à prononcer, hein ?) quelques héros de séries au crible de la réalité.
Don Draper (Mad Men)
Dans la série la plus primée de la décennie, les scénaristes jouent sans fin sur le mythe du quadragénaire ténébreux tout auréolé de pouvoir et de mystère. Rien ou presque ne lui résiste et, d'un bout à l'autre de l'échelle sociale, la gente féminine - mariée ou pas - se laisse aller à gémir des "Oh Don" sous l'emprise de sa grosse puissance symbolique. Au bureau, dans son immeuble, au cinéma, dans un bar sombre, en vacances, partout, il semble ne jamais avoir à faire le premier pas. Ni même le second. C'est aux autres de requérir l'honneur de lui parler, honneur auquel il répond généralement par une phrase totalement fermée ponctuée d'une expiration blasée et d'une gorgée supplémentaire d'Old Fashioned, ou autre Bourbon arrangé.
Equivalent réel
Associé dans une agence de publicité ou, de façon plus large, une société de conseil, l'équivalent moderne de notre Donald D. existe, nul doute là-dessus ; mais provoque t-il tant d'émoi chez une inconnue ? Au bureau, probablement ; on sait combien le pouvoir est aphrodisiaque. En dehors, permettez-moi d'en douter. Des millions de cadres se croisent tous les jours dans les allées et les restaurants des quartiers d'affaires et rares sont les femmes à ressentir l'irrépressible besoin d'aborder leur voisin de siège sous prétexte qu'il est silencieux comme un rocher, porte un costume tous les jours et boit le whisky comme un vrai Ecossais.
Les avantages de Don Draper : séduction passive (stratégie du moindre effort).
Les inconvénients : une cirrhose probable du foie avant 50 ans, une haleine certaine de cendrier, et une malheureuse banalité dans la vie réelle.
Hank Moody (Californication)
Autre série culte de la décennie 25-35, les aventures de Hank Moody sur les routes des collines de Los Angeles. A en croire les auteurs, les ingrédients du succès avec les femmes seraient une grosse dose de cynisme, un statut d'auteur publié, une Porsche fatiguée, une ex-femme encore amoureuse de vous et une môme geek en phase de pré-puberté. La recette serait même si efficace que, à l'instar de Don Draper cité plus haut, il n'y ait plus besoin de rien d'autre qu'attendre que les rencontres se fassent toute seules. De la barmaid nymphomane à la voisine en passant par la prof de sa fille (même indisposée), tout le monde y passe, et elles en redemandent.
Equivalent réel
Physique anodin ("normal", dit-on, ce qui est devenu récemment une qualité), cynisme et un ou deux bouquins en librairie au compteur : l'espèce est loin d'être menacée et chaque capitale de grand pays occidental en dénombre des centaines. Les femmes font-elles l'effort de s'approprier ces perles rares ? A ma connaissance, non.
Les avantages : économie de temps sur le dresscode (noir) et d'argent sur l'entretien de la voiture
Les inconvénients : solitude quasi certaine, dépression probable, suicide possible à terme
Barney Stinson (How I Met Your Mother)
Troisième et dernier exemple, mais pas des moindres, le fameux Oncle Barney, auteur de répliques aussi célèbres que : "Je vais paraître vieux jeu, mais il faut que je couche au moins trois fois avec une fille avant de l'inviter a dîner" , ou "Je suis fatigué de ces rencontres au bar, de ces aventures d'une nuit. Je cherche une âme soeur, quelqu'un que je puisse aimer et câliner. En tout cas, c'est ce qui est dit dans mon profil".
C'est un peu l'antiDon (non, pas l'antidote, l'anti Don Draper). Blondinet, propret, et relativement anodin physiquement, il est l'élément déclencheur de presque toutes ses rencontres. Humour ultra décalé, comédie mensongère et folie passagère parviennent à brisent la glace dans 80 % des cas. Pas irrésistible, mais pas loin. Dans la série uniquement ?
Equivalent réel
Assez difficile à identifier avec exactitude, l'équivalent réel d'un Barney Stinson se trouve quelque part à égale distance du meilleur ami désopilant et du jeune consultant en costume cintré qui a pullulé ces dernières années en afterwork.
Les avantages : langage universel de l'humour et surtout de l'énergie
Les inconvénients : tout groupe d'amis étant fatalement temporaire, les divers mariages et enfants des autres auront tôt fait de laisser le "dragueur" seul avec ses souvenirs de rencontre passées
Verdict
La plus belle définition de la réalité ? Ce qui refuse de disparaître même quand on a cessé d'y croire. Et dans cette réalité, donc, nos trois personnages de série subiraient des affronts que les séries et les films n'oseront jamais leur infliger. Le taciturne Draper récolterait bien plus d'indifférence que d'attention, l'irréaliste Moody ferait probablement peur et enfin, si Barney Stinson ferait probablement rire suffisamment pour s'octroyer quelques beaux succès féminins, la réalité de la rencontre sans lendemain aurait tôt fait de le rattraper avec son cortège de solitude et d'incommunicabilité. Car après tout, qu'est-ce qu'une existence sinon une longue série de lendemains ? En tant que concepts incarnés, nous sommes donc d'accord, nos trois héros sont assez nuls. Mais en tant que concepts purs, autrement dit en tant qu'idées, que caractères, y aurait-il quelque chose à en tirer ? Probablement. Prélevez le physique de Draper, l'insouciance "Devil May Care" de Moody et l'énergie imaginative de Barney, et l'être hybride que vous devriez obtenir sera tout proche de l'aimant à femmes. Doux rêve éternellement caressé que de puiser dans les personnages fictifs les forces qui nous fuient, car comme disait Cary Grant lui-même, "tout le monde voudrait être Cary Grant. Même moi".
En savoir plus sur l'auteur
Stéphane est sociologue et auteur de L'Homme Idéal (Flammarion). Ses conférences donnent aux hommes curieux de dynamiques sociales les codes d'un savoir-être débarrassé des contre-vérités véhiculées par la pensée ambiante.
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