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RENCONTRE
 
Décembre 2006

"Enfant, je rêvais de rencontrer les lions"

Allain Bougrain-Dubourg Chasse, grippe aviaire, élection présidentielle et biodiversité... Allain Bougrain-Dubourg a répondu à toutes vos questions d'actualités lors d'un chat sur L'Internaute Magazine.

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Pourquoi ce livre maintenant ?

Allain Bougrain-Dubourg Parce que dans la presse, la place des animaux est souvent reléguée à la rubrique des chiens écrasés ! Pourtant, on ne pourrait pas vivre sans nos voisins de planète, les animaux ! On parle plus souvent d'eux lorsqu'ils agressent que lorsqu'ils aident ou qu'ils sauvent. J'ai retenu les 200 espèces qui ont fait l'actualité... Une occasion de leur rendre hommage et de mesurer l'importance de leur présence à nos côtés.

 

Toutes les récompenses et les responsabilités acquises au cours de votre parcours vous ont-elles déjà donné l'idée de vous engager en politique pour essayer de faire évoluer la législation ?

Tout engagement dans la vie est un acte politique au sens généreux du terme. J'ai souvent travaillé avec les divers partis politiques mais je préfère rester à l'extérieur et porter l'action d'une association comme la LPO afin d'influencer les dirigeants.

 

"La LPO est la première association de France en terme de biodiversité."

Quel est le rôle exact de la LPO ?

La LPO protège les espèces les plus menacées mais également les milieux naturels fragiles (50% des zones humides ont disparu en 30 ans). Nous faisons de l'éducation à l'environnement, gérons des réserves naturelles, avons institué un réseau de refuges LPO... L'association compte 38 000 membres et 240 salariés. C'est la première association de France en terme de biodiversité.

 

Que pensez-vous des phénomènes migratoires de ces dernières années ? Trouvez-vous que les comportements des oiseaux aient changé suite aux variations de températures ?

Il y a un évident changement au cours de ces derniers mois. Par exemple, bon nombre de cigognes restent en France alors qu'elles devraient se trouver en Afrique. Même chose pour certaines hirondelles... De plus, les oiseaux qui viennent du Nord sont moins nombreux à redescendre vers nos contrées... Cela pose notamment deux problèmes graves : s'il y a un coup de froid brutal, les hivernants qui sont restés risquent d'être très affectés ; par ailleurs lors de la migration de retour (printemps), on constate un décalage entre l'arrivée des oiseaux et les pics de production des insectes (prématurés). Ainsi, pour nourrir leurs jeunes, les oiseaux n'ont plus suffisamment de proies.

 

Comment avec vous sélectionné les 200 espèces "qui font l'actualité" ?

Arbitrairement ! Mais elles représentent l'ensemble des événements, aussi bien pour les animaux de compagnie que les espèces sauvages. Ainsi, nos chats deviennent obèses, ils arrivent à peser 8 kg, alors qu'il ne leur en faudrait que 4. Par ailleurs, j'évoque des espèces découvertes dans les grandes profondeurs ou les actions de protection de la nature...

 

"Je me réjouis toujours de collaborer avec des chasseurs responsables des réalités biologiques."

Les animaux domestiques sont-ils présents dans votre dernier livre ? Je pense notamment aux animaux de la ferme, qui continuent à être maltraités !

Oui ! J'ai même dénoncé l'attitude de la Politique Agricole Commune qui attache plus d'importance à la production qu'à la qualité de vie des animaux. Ainsi, en janvier 2006, la Commission proposait une règlementation sur le bien-être animal. En février la réunion des ministres de l'Agriculture s'est opposée à cette mesure avec la France en tête, suivie de l'Italie, l'Espagne et le Portugal.

 

Pourquoi être devenu président de la Ligue de Protection des Oiseaux quand votre combat concerne tous les animaux ?

Pendant trois ans, j'ai refusé cette proposition, pensant que je n'avais ni la compétence, ni le temps. Et j'ai fini par accepter pour une durée limitée. C'était il y a 20 ans ! Je me suis pris au jeu, j'étais révolté par des comportements inacceptables et j'ai été séduit par l'action exemplaire des membres de la LPO.

 

Quel est votre animal préféré ?

Toute vie me touche et je suis séduit par une araignée qui tisse sa toile autant que par la beauté d'une antilope !

 

Que pensez-vous des actions médiatiques de Nicolas Hulot ou Yann Arthus-Bertrand ?

Je partage une grande amitié avec l'un et l'autre, Yann étant un ami d'enfance. Le mérite de Nicolas est d'avoir porté pour la première fois dans l'histoire de la République Française les préoccupations environnementales en période électorale. C'est une chance inespérée pour le message de respect de l'environnement (et donc de l'homme), que les associations développent depuis si longtemps. Reste à savoir si les candidats seront lucides ou démagogues. Mais je pense que l'on vivra un incontestable progrès dans l'indispensable lucidité.

 

Quel est le combat que vous ayez mené qui vous a le plus éprouvé ? Quelle en a été l'issue ?

Probablement le braconnage des tourterelles dans le Médoc au mois de mai, alors que la chasse est fermée et qu'avec la complicité de nombreux élus, des excités de la gâchette ont massacré des oiseaux au moment même où ils venaient se reproduire. Il y a 20 ans, quand j'ai entamé ce combat, elles n' étaient pas loin de 10 000, et elles sont une centaine aujourd'hui. Je ne compte plus les menaces de mort...

 

Ne pensez-vous pas que certains chasseurs peuvent aimer la nature ? Tous ne sont pas des alcooliques qui tirent sur tout ce qui bouge !

Par principe, je n'ai pas le goût de retirer la vie pour le plaisir, mais chaque fois que je le peux, je me réjouis de collaborer avec des chasseurs responsables des réalités biologiques. Parmi les jeunes, on en trouve qui désormais n'ont plus rien à voir avec les "viandards" d'une autre génération.

 

"Je suis séduit par une araignée qui tisse sa toile autant que par la beauté d'une antilope !"

Faut-il interdire la chasse en France ?

Ce serait actuellement une utopie. On ne peut nier qu'il faut "réguler" certaines populations d'animaux. De plus, les autres utilisateurs de la nature (observateurs d'animaux, vététistes, cavaliers...) doivent aussi pouvoir s'épanouir dans le milieu naturel. Les chasseurs n'ont pas le monopole. Il faut repenser le système cynégétique français.

 

Avez-vous des animaux ?

Non car je considère que pour bien aimer les animaux, il vaut mieux ne pas en avoir lorsqu'on est pas en mesure de s'en occuper correctement. Mes nombreux déplacements ne me permettent pas ce plaisir.

 

Quelle est votre formation ?

Bac - 1 ! Mais une longue expérience de terrain encadrée par une communauté scientifique qui m'a toujours accompagné et guidé.

 

Qu'avez-vous pensé de la psychose autour de la transmission de la grippe aviaire par les oiseaux migrateurs ? Il me semble que vous êtes intervenus à ce sujet à l'Assemblée Nationale ?

C'est exact. Mais la transmission du H5N1 ne s'est jamais faite prioritairement par les migrateurs. Ces derniers furent les victimes plus que les coupables. Avec la cellule de crise créée à la LPO, nous avons démontré que c'est le commerce des volailles qui est à l'origine de l'épidémie. Quand on voit les conditions scandaleuses dans lesquelles on élève des volailles, sans tenir compte de leurs besoins psychologiques et physiologiques et que l'on exporte cet élevage en batteries dans les pays émergents sans accompagnement règlementaire, sanitaire et vétérinaire, on favorise un bouillon de culture propre à développer des pathologies de toutes sortes. Rien d'étonnant à ce que dans ces conditions, le H5N1 se soit répandu dans les pays les plus pauvres.

 

"Les échéances présidentielles et lésiglatives seront une occasion remarquable pour faire passer notre message."

Selon vous, quel animal est le plus menacé en France ?

Malheureusement, il existe de nombreuses espèces. Chez les oiseaux, je pense à l'aigle de Bonnelli (moins de 30 couples), à la sterne de Dougall (une dizaine de couples), mais il y a aussi l'outarde canne petière, le râle des genêts...

 

N'êtes vous jamais lassé de vous battre ?

Parfois si. Mais la révolte me donne des forces et les encouragements de nombreuses personnes m'invitent à ne jamais baisser les bras.

 

Que pensez-vous du plan ours dans les Pyrénées ?

Serge Lepeltier et Nelly Olin ont eu du courage et du mérite pour tenter de sauver les derniers représentants d'une faune qui fait la fierté de la France. A la demande de quelques élus locaux, je me suis rendu sur place pour soutenir leur volonté de préserver les derniers ours. En effaçant une espèce aussi symbolique, on se rend coupable à l'égard de la biodiversité et on passe à côté d'une potentialité de développement économique local.

 

Quels sont selon vous les meilleurs moyens pour sensibiliser les enfants, les jeunes à la protection de l'environnement ?

Il y a bien sûr l'éducation à l'environnement qui s'inscrit peu à peu dans les programmes scolaires et c'est très bien. Mais je recommande toujours qu'ils adhèrent à une association de protection de la nature afin d'être éclairé et de participer à des actions de terrain, des sorties nature...

 

Et les races domestiques ? Quel avenir pour le cheval de trait ? C'est une partie de notre patrimoine, non ?

Je travaille beaucoup avec une association qui s'appelle "Trait de génie" et qui vise à développer les activités des chevaux de trait, afin d'éviter leur disparition. Et ça marche ! Par ailleurs, j'ai fait un long documentaire sur les haras nationaux dont l'une des fonctions est la préservation des races.

 

Quels sont les actions actuelles menées par la LPO ?

L'une des priorités porte sur le secteur agricole. En 15 ans, on a constaté que la population des espèces inféodée à ce milieu avait chutée de 29%. Il est urgent d'engager une nouvelle forme d'agriculture. Les agro-carburants dont on parle beaucoup pourraient lors de leur production affecter des jachères qui restent les derniers "milieux naturels" nécessaires à la faune. Nous nous occupons également du problème de l'éolien qui est souhaitable mais qui peut toucher la faune. Nous poursuivons notre engagement en faveur des espèces les plus fragiles.

 

"Enfant, je rêvais de rencontrer les lions et les ours blancs."

Que pouvons nous faire à titre individuel pour protéger les oiseaux ?

La priorité : adhérer à la LPO ! Pour être efficace, notre association doit être soutenue par un grand nombre d'adhérents, afin d'être entendue par les pouvoirs publics.

Quel est l'oiseau que vous préférez ?

J'ai un penchant pour les rapaces. Mais tous me séduisent. Comment peut-on rester indifférent devant le martinet qui passe sa vie dans le ciel jusqu'à dormir en vol !

 

Que pensez-vous des entreprises qui produisent et commercialisent des vêtements, équipements ou accessoires pour animaux ?

J'éprouve un vrai malaise devant la manière dont on "bêtifie" à l'égard de l'animal. Cela dit, tant qu'on ne leur fait pas de mal... De plus, cela génère un marché considérable, créé des emplois... Une partie des bénéfices serait bienvenue pour lutter contre la souffrance animale.

 

J'ai entendu parler d'un massacre d'oiseaux en Camargue, des foulques macroules... Comment cela est-il encore possible de nos jours ? Allez-vous intervenir ?

Je suis intervenu immédiatement et ai pu faire cesser d'autres "battues" prévues dans le même esprit. En 3h, les "chasseurs" ont abattu 3000 foulques, dont beaucoup de cadavres ont été jetés. Il n'y a pas de quotas pour ce genre de gibier et cela conduit à ce type de massacre. A noter que ce sont des chasseurs qui m'ont prévenu, eux-mêmes scandalisés.

 

Que pensez vous de l'introduction d'oiseaux en grand nombre non originaires de la région qui déstabilisent et pourraient être un agent pollueur pour l'ostréiculture par exemple (tels les cygnes sur le Bassin d'Arcachon) ?

L'introduction volontaire ou non d'espèces non indigènes constitue l'une des causes principales de la disparition de la biodiversité. Les tortues de Floride lâchées dans la nature ont repoussé nos fragiles tortues cistudes. De même, des batraciens, des oiseaux et bien sûr les ragondins ou les rats musqués posent aujourd'hui de graves problèmes. Il faut limiter ou éradiquer ces animaux envahissants sans pour autant générer de violences et de souffrances à leur égard.

 

Qu'est-ce qui vous a poussé à protéger le animaux ?

A l'âge de 10 ans, je créais déjà un "Club des jeunes amis des animaux" dans mon lycée, à La Rochelle. J'ai d'abord été fasciné par la faune sauvage, je rêvais de rencontrer les lions et les ours blancs. Plus tard, j'ai accompagné ma passion par la volonté de faire reculer la souffrance qui les affecte.

 

Quelle espèces dispaîtront dans un futur proche ?

On estime actuellement qu'un batracien sur trois risque de disparaître dans les 50 ans, de même un mammifère sur 4 et 1 oiseau sur 8. Il y a urgence à stopper la perte de la biodiversité. L'Europe s'y est engagée pour 2010 mais nous ne serons pas au rendez-vous. Nous nous contentons d'écoper sans avoir colmaté l'arche !

 

Quels seront vos combats en 2007 ?

Les échéances présidentielles et lésiglatives seront une occasion remarquable pour faire passer notre message. Affaire à suivre...

Allain Bougrain-Dubourg A vous tous avec qui j'ai communiqué, je tiens à vous dire ma reconnaissance pour l'attention que vous portez à notre fragile nature. Tous ensemble, nous pouvons changer les choses. Il y a urgence, merci d'être à nos côtés et merci à l'Internaute Magazine de m'avoir donné la parole et de valoriser l'environnement chaque fois que possible !

 

» Et aussi Ces associations qui défendent la biodiversité

En savoir plus sur www.lpo.fr

 

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