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ART ET SCIENCE
 
Mai 2007

La science au service de la restauration

Comment être sûr d'améliorer l'état de l'oeuvre sans trahir la pensée originelle de l'artiste ? Les techniques scientifiques apportent de précieux renseignements sur les changements opérés sur la toile. Exemple avec Les Noces de Cana de Véronèse.
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A la demande des bénédictins du monastère de San Giorgio Maggiore à Venise, Véronèse exécute, en 1563, une fresque relatant un des miracles de Jésus : le changement de l'eau en vin lors d'un mariage à Cana en Galilée. Un véritable chef d'œuvre de la Renaissance italienne que s'est empressée d'acquérir la France lors de la campagne d'Italie, en 1797. Exposée au Louvre, cette toile fait face à la Joconde.

 

 
Les Noces de Cana de Véronèse est la plus grande toile du Louvre. Photo © DR
 

Deux ans de restauration exceptionnelle

Soumis aux affres du temps, Les Noces de Cana ont besoin d'être restaurées. Une telle opération réclame une extrême rigueur et des informations précises sur la commande du tableau et sa réalisation, ainsi que sur les déplacements et restaurations anciennes de l'œuvre. En 1990, les chercheurs du Laboratoire de recherche des musées de France (LRMF) rejoignent l'équipe d'historiens et de six restauratrices. Leur mission : passer la toile au crible. Radiographie, prélèvements de peinture, analyses chimiques, rien ne lui sera épargné.

Avant toute chose, un nettoyage de la toile s'impose. Les poussières sont éliminées avec quelques gouttes d'ammoniaque. Les restauratrices allègent délicatement la couche de vernis à l'aide d'un mélange de solvants, au préalable testé pour éviter l'altération de la peinture. Surprise. Le manteau rouge du personnage, en bas à gauche, vire au vert. Couleur comparable à celle des manches et du turban de l'individu. Un examen minutieux à la loupe, révèle aussi que le rouge suit maladroitement les contours du manteau. Ce manque de soin semble peu compatible avec le travail de Véronèse. D'où vient alors ce vert ? Est-ce la couleur voulue par le peintre ou est-ce une simple réaction chimique ?

 

Des prouesses techniques

Entrée en jeu des scientifiques du LRMF. Cette toile de 6,66 x 9,90 m est bombardée aux rayons X. La radiographie est systématiquement requise lors de travaux de restauration pour observer les moindres changements apportés à l'œuvre depuis sa réalisation par l'artiste. Ce même personnage au manteau rouge présente quelques modifications: étoffement de sa barbe, orientation différente du visage et du pan de son manteau. Néanmoins, l'équipe d'experts les estime peu pertinentes car elles ne soulignent pas une transformation évidente de cet homme.

"Des faits insoupçonnés révélés par des analyses physico-chimiques"

Deuxième recours : l'étude stratigraphique. Les scientifiques prélèvent une centaine d'échantillons de peinture sur toute la toile, de 200 micromètres d'épaisseur et en différents endroits du manteau rouge. Des coupes sont ensuite effectuées et observées au microscope pour voir les différentes couches de peinture. Une strate verte est décelée sous le rouge du manteau : de l'acétate de cuivre, comparable à celle du turban et des manches. C'est la preuve indéniable que dans une première version achevée de cette toile, ce mystérieux personnage était complètement vêtu de vert. Une question se pose : Le rouge du manteau a-t-il été ajouté par Véronèse lui-même ou bien par d'autres par une considération de goût ?

La quête de la vérité

L'équipe du LRMF procède alors à une analyse chimique des pigments de la peinture rouge de toute la toile, y compris de ce fameux manteau. Objectif : déterminer s'ils datent de la même époque ou non. L'intérêt ? Savoir si le rouge du manteau est un repeint de l'artiste ou non, notion indispensable à connaître pour la restauration. Résultat : la composition chimique est la même. Tout porte à croire que Véronèse en est bien l'auteur. Mais, d'après les recherches historiques effectuées sur l'œuvre, une copie réalisée quarante-quatre ans plus tard présente exactement ce même pigment rouge. Que faire ? Analyser la composition chimique de l'huile qui lie les pigments entre eux dans la peinture rouge : c'est le liant. Les acides gras contenus dans cette huile révèlent la présence de résines naturelles dans les échantillons prélevés sur le manteau, uniquement. Conclusion : ce manteau était bien peint en vert par Véronèse. Grâce à ces informations physico-chimiques et d'histoire de l'art, les restauratrices peuvent repeindre ce manteau en vert conformément à l'origine.

Ces évolutions techniques ont bouleversé la restauration de peintures. L'association science, art et histoire fonctionne bien. Elle a mis au jour d'incroyables découverrtes sur l'évolution des tableaux, et sur certains faits insoupçonnés, à l'image des Noces de Cana. Mais il renferme un grand mystère que la science ne peut percer. Qui a modifié ce manteau et pourquoi ?




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