Le rouge excite les taureaux

La coorida offre un festival de couleurs, mais le taureau, lui, n'y est pas sensible. C'est le mouvement et les bruits qui l'excitent. © Bernard Mugica, Galerie photo de L'Internaute

Habit doré du matador, le papier coloré des banderilles, la muleta de flanelle rouge… Ce festival de couleurs qu'est la corrida n'est pourtant pas perceptible par tout le monde. A commencer par… le taureau ! Celui-ci est très peu sensible aux couleurs. Comme d'ailleurs la plupart des vertébrés.

La vie en noir et blanc des mammifères

La plupart des mammifères ne voient pas en couleur, ou alors de façon très rudimentaire, car leurs rétines sont composées majoritairement de bâtonnets, une famille de cellules sensibles à la lumière (photorécepteurs). Or, les bâtonnets contiennent tous le même pigment dont le maximum d'absorption est situé entre le vert et le bleu. Le taureau, la souris ou encore du lapin confondent donc le rouge et le noir.

L'œil humain, lui, contient, en plus des bâtonnets, 3 types de cônes. Chacun présente un maximum d'absorption pour une longueur d'onde ou couleur déterminée. Ainsi il existe des cônes sensibles au bleu (longueurs d'onde courtes), d'autres au vert (longueurs d'onde moyennes) et les troisièmes au rouge (grandes longueurs d'onde). Voilà pourquoi nous voyons le monde en couleurs.

Pour les humains, la couleur semble être le principal attrait de la vision. Mais la vue, ce n'est pas que la vision des couleurs. Pour nombreux animaux, discerner le mouvement est bien plus important que toute autre propriété de l'œil. Le mouvement est d'ailleurs l'un des seuls repères visuels du taureau. Car non seulement il ne distingue pas les couleurs, mais en plus, il voit flou. Il faut dire que le système des bâtonnets est responsable d'une résolution spatiale moins élevée. C'est le cas de tous les herbivores.

Se nourrir de fruits pour mieux voir

Alors, parmi les animaux, lesquels bénéficient d'une vision des couleurs ? Les insectes, mais leur spectre visible est décalé par rapport au nôtre : ils voient l'ultraviolet, mais sont aveugles au rouge. Les vertébrés sont rares : le goujon, les tortues, certains batraciens, les lézards, les oiseaux diurnes, le cheval, le chien. Et encore, on parle de vision colorée rudimentaire. Car la palme d'or, dans ce domaine, revient aux espèces arboricoles se nourrissant de fruits comme les écureuils ou les primates. L'évolution a sans doute sélectionné les individus capables de repérer un plus grand spectre de couleurs, donc de mieux se nourrir.

Bref, inutile d'agiter spécifiquement un tissu rouge devant un taureau. Un drap blanc remuant et quelques cris l'exciteraient de la même façon. Alors pourquoi avoir choisi le rouge ? Avec cette couleur sanguine, l'homme entretient un rapport à la fois effrayé et fasciné : finalement, l'animal le plus sensible à la couleur rouge, c'est l'homme !