INTERVIEW
Août 2006
"Néandertal était physiquement apte au langage"
Marylène Patou-Mathis est directeur de recherche au CNRS, responsable de l'unité d'archéozoologie du département de Préhistoire du Muséum d'Histoire naturelle de Paris, responsable des collections ostéologiques (faune) de l'Institut de Paléontologie Humaine et de la commission des spécialistes du Muséum.
L'Homme de Néandertal possédait-il un langage articulé ? Le langage étant, en partie, un phénomène physique, n'y a-t-il aucun indice matériel qui puisse soutenir une de ces hypothèses ? De plus, un os hyoïde, l'os de la langue permettant la phonation, a récemment été découvert sur un site archéologique en Israël, il ne présente quasiment aucune différence morphologique avec celui d'un Homo sapiens. Puis le langage peut être décelé par le biais de leurs activités comme la vie en groupe, la chasse, des méthodes complexes de taille des outils etc. Tout cela nécessite une bonne communication. A ce sujet, était-il aussi organisé que l'Homme moderne dans sa subsistance ou bien davantage opportuniste ? En somme il est très semblable à nous, où se loge alors cette différence flagrante ? Parlant de parure, vous soulevez la question de l'art et des capacités cognitives, là encore somme-nous égaux ? Il est tout à fait plausible que les Néandertaliens aient fait de même, mais malheureusement ces supports, avec le temps, ne se conservent pas. En revanche, le fait qu'ils n'aient pas choisi de décorer des grottes nous informe sur leur très forte mobilité, on ne va pas peindre les parois d'un lieu où l'on ne revient pas ou peu souvent. L'Homme de Néandertal a été le contemporain d'Homo sapiens, quel a été l'impact de cette rencontre ? Il est courant d'entendre parler de l'acculturation des Néandertaliens par l'Homme moderne, mais il est arrivé avec des savoir-faire moins élaborés et on ne parle jamais d'une acculturation des sapiens par les Néandertaliens ! On remarque de nombreuses innovations chez les néandertaliens pendant cette période mais elles répondent sans doute davantage à de nouvelles contraintes. Il est pénible de généraliser le phénomène systématiquement. La cohabitation et les échanges sont envisageables mais il faut absolument les considérer à l'échelle de quelques groupes, non à l'espèce entière. Cette cohabitation a-t-elle joué un rôle dans la disparition des Néandertaliens ? Pourtant parlant de population on penserait entendre davantage parler de démographie, mais cette dernière semble être la grande oubliée dans le débat. Cette disparition a été un phénomène lent et non brutal. Constitués en petits groupes très mobiles, dispersés sur un territoire vaste, il est possible que cette situation ait engendré un stress qui a freiné leur reproduction. Possible également de penser que cette espèce était arrivée à la fin de son évolution, elle ne serait pas la première branche morte de l'Humanité. Quelle que soit l'hypothèse, cette disparition semble être la conséquence de plusieurs phénomènes et non d'un seul.
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