L'Internaute > Science  > Environnement > Vrai ou faux ? > Il faut labourer les champs
VRAI OU FAUX
 
Novembre 2006

Vrai ou faux ? Il faut labourer les champs

Quand on pense agriculture, tout le monde a en tête les beaux sillons des champs labourés. Mais de plus en plus d'agriculteurs font le choix du semis direct, pour des raisons économiques et écologiques.

  Envoyer à un ami | Imprimer cet article  

Efficace à court terme, dangereux à long terme

Depuis les débuts de l'agriculture, on a recours au labourage pour retourner, mélanger, et ameublir la terre. Cette action entraîne une minéralisation rapide de la matière organique dans les sols vierges, qui libèrent des éléments nutritifs pour la culture suivante. A court terme, le labourage accroît donc la fertilité du sol. Mais cela ne dure pas très longtemps, et au fil des ans, on doit pratiquer un labourage de plus en plus intensif pour maintenir la structuration du sol.

A gauche, un champ travaillé avec des méthodes conventionnelles ; à droite, un champ travaillé selon les méthodes de l'agriculture de conservation. Après 6 ans, le sol s'est réorganisé et présente une meilleure fertilité soutenue par une intense activité biologique. Photo © Agriculture-de-conservation.com

Dans les écosystèmes naturels, le sol est toujours recouvert de matière végétale morte ou vivante. Le semis direct consiste à déposer directement les graines dans le sol, par-dessus le tapis végétal existant (prairie, résidus de la précédente récolte…). Si on plante du colza une année, il repousse spontanément l'année d'après. On sème alors du blé directement par-dessus, et on pulvérise le champ avec un herbicide total, comme le glyphosphate. Les repousses de colza seront recyclées en matière organique et la nouvelle culture pourra démarrer. Entre les deux cultures, il est conseillé de semer une couverture végétale intermédiaire, comme le trèfle, la féverole, ou la moutarde.

Le labourage, c'est cher...

Mais que reproche-t-on exactement au labourage ? D'abord, il coûte cher : 41 euros par hectare contre 19 euros pour le semis direct. Avec l'agriculture de conservation, non seulement on économise en temps de travail (déchaumage, préparation du sol…), mais aussi sur la facture pétrolière.

... Ca abime le sol...

Deuxièmement, le labourage affecte la structure et la stabilité du sol, en le laissant à nu à la merci du vent et du ruissellement. 25 millions d'hectares sont gravement menacés par l'érosion en Europe. Pour compenser l'érosion et la perte de fertilité, les agriculteurs utilisent de grandes quantités d'engrais et de pesticides, qui contaminent les rivières. Au contraire, avec l'agriculture de conservation, les résidus de surface interceptent les éléments minéraux et chimiques jusqu'à ce qu'ils soient utilisés par la culture ou dégradés en composants moins nocifs.

Troisièmement, le labourage rend le sol plus vulnérable à la sécheresse. A chaque passage de travail du sol, on draine le sol et le taux d'humidité diminue de 15 litres/m². Au contraire, en laissant un couvert végétal permanent, on diminue l'évaporation d'eau.

Quatrièmement, le labourage détruit la microfaune et la microflore du sol. Celui-ci contient de nombreux être vivants, des bactéries microscopiques aux vers de terre. Or des derniers, en creusant des galeries, favorisent la formation de matière organique et stabilisent le sol. Les lombrics "labourent" naturellement 20 à 30 tonnes de terre par hectare !

... Ca aggrave le réchauffement climatique

Mais surtout, le labourage contribue au réchauffement climatique dans de fortes proportions. Depuis l'invention de l'agriculture, les champs auraient laissé échapper 320 milliards de tonnes de carbone, plus que la combustion des énergies fossile (pétrole, charbon)… "Sous l'action des micro-organismes, le carbone contenu dans l'humus du sol est libéré et oxydé dans l'atmosphère sous forme de CO2" explique Rattan Lal, agronome à l'université de l'Ohio (Etats-unis).

Etats-Unis 24 millions
Les superficies cultivées sans labour dans le monde (en hectares)
Brésil 22 millions
Argentine 16 millions
Canada 13 millions
Australie 9 millions
France 200 000

En aérant et retournant la terre, le labourage augmente encore ce phénomène : un sol labouré dégage trois fois plus de gaz carbonique qu'un sol non travaillé. Grâce à l'agriculture de conservation, on pourrait "séquestrer" 1,2 milliards de tonnes de carbone dans le sol, soit le tiers des émissions annuelles de CO2.

 

Une formation indispensables des agriculteurs

Mais tout n'est pas rose au pays des anti-labour. Il faut être très précis dans les périodes de semis, car la décomposition des plantes de couverture peut entraîner un déficit en azote au début de la phase de croissance. D'autre part, les mauvaises herbes comme le brome et le lupin sont enfouies profondément dans le sol par le labourage. Alors qu'elles restent en surface sans travail du sol. On doit donc utiliser des herbicides totaux pour en venir à bout. Néanmoins, 24 millions d'hectares sont déjà cultivés en semis direct aux Etats-Unis et 22 millions au Brésil.

 

En savoir plus

le site de l'ECAF : (European Conservation Agriculture Federation)

Le site de l'association Agriculture de Conservation

Le site de la FAO sur l'agriculture de Conservation

 

Magazine Science Envoyer | Imprimer Haut de page
Votre avis sur cette publicité