Procès de l'attentat de Nice : le verdict attendu après trois mois d'audiences

Procès de l'attentat de Nice : le verdict attendu après trois mois d'audiences ATTENTAT DE NICE. Ouvert depuis le 5 septembre, le procès de l'attentat de Nice prendra fin le mardi 13 décembre lorsque les jurés rendront leur verdict. Les délibérations ont commencé ce lundi après une dernière prise de parole des accusés.

[Mise à jour le 12 décembre à 11h44] Six ans après les faits et au bout de trois mois de procès, la justice va se prononcer sur l'attentat de Nice. Les cinq magistrats et leurs quatre suppléants ont entamé les délibérations ce lundi 12 décembre 2022 après les dernières déclarations des accusés. Huit personnes sont jugées dans le procès qui s'est ouvert à la cour d'assise spéciale de Paris, le 5 septembre 2022. Mais aucune d'entre elle n'est l'assaillant, Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, qui a foncé sur la Promenades des Anglais le 14 juillet 2016 faisant 86 morts et plus de 450 blessés sur son passage. Le Tunisien de 31 ans a été abattu par les forces de l'ordre le soir de l'attaque. Les huit accusés jugés pour association de malfaiteurs terroriste (AMT) et des délits de droit commun sur la législation des armes risquent de lourdes peines, respectivement jusqu'à 20 et 10 ans de prison.

Contre les trois principaux accusés poursuivis pour AMT, le parquet national antiterroriste (Pnat) a réquisitionné 15 ans de prison mais a demande à ce que la charge ne soit pas retenue contre un des hommes, Ramzi Arefa. Ce Niçois a reconnu lors du procès de l'attentat de Nice avoir fourni une arme à l'assaillant mais ne pouvait pas être informé de la radicalisation de ce dernier selon le parquet. Des peines allant de deux à dix ans de prison ont ensuite été réquisitionnées contre les cinq autres accusés dont quatre Albanais et un Tunisien, absent du procès. Les jurés tiendront-ils compte des demandes du Pnat pendant leurs xc délibérations ? La réponse est attendue ce mardi 13 décembre. 

Dans le camps des victimes et des parties civiles, le verdict est attendu avec impatience même si les avocats ont prévenu auprès de l'AFP : "Il y aura des frustrations, c'est inévitable". En l'absence de l'auteur de l'attentat le sentiment de réparation n'est pas aussi important et surtout les peines prononcées, aussi lourdes seront-elles, ne compenseront pas la "douleur immense, insondable" des victimes et des familles endeuillées. Le verdict de la justice reste un moyen pour les 2 500 victimes de se reconstruire. Si certaines demandent à ce que la peine maximale soit retenue, d'autres ont des discours plus nuancés et souhaitent que les accusés soient punis à hauteur de leur participation à l'attentat, bien qu'aucun ne soit jugé pour complicité.

En savoir plus

Quelles sont les dates du procès de l'attentat de Nice ?

Le lundi 5 septembre 2022, soit un peu plus de six ans après les faits, c'est à cette date que s'est ouvert le procès de l'attentat de Nice. Une procédure qui était très attendue et qui dure jusqu'à la mi-décembre. Tout au long du procès les audiences ont eu lieu du mardi au vendredi. Les jurés se sont retirés pour délibérer dans la matinée du 12 décembre avant de rendre un verdict le mardi 13 décembre.

Les témoignages des victimes et d'enfants entendus

Sur les trois mois de procès, cinq semaines ont été consacrées aux témoignages des parties civiles, des proches de victimes ou des rescapés de l'attaque terroriste.  Du 20 septembre au 21 octobre, des dizaines de personnes se sont succédées à la barre pour raconter à la cour "l'horreur" du 14 juillet 2016. Des enfants ont aussi pris la parole et témoigné depuis "une salle de retransmission du tribunal judiciaire de Nice". Pour aider les enfants mais aussi toutes les victimes ou parties civiles, un accompagnement spécifique a été proposé grâce à la présence d'associations et de psychologues, entre autres. Quant aux accusés, ils ont été interrogés à partir du mois de novembre.

Où se déroule le procès de l'attentat de Nice ?

C'est bien loin de Nice, ville meurtrie par l'attaque terroriste du 14 juillet 2016, que justice doit être faite sur ce drame. Le procès de l'attentat du 14-Juillet se déroule à Paris, dans la salle des pas perdus du palais de justice de l'île de la Cité aménagée pour être la cour d'assises spéciale de Paris. Cette salle d'audience d'une capacité de 500 personnes a déjà accueilli un autre procès historique, celui des attentats du 13-Novembre. Quatorze autres salles où sont retransmis les débats permettront d'accueillir plus de monde notamment les victimes, leur famille et les parties civiles qui font ou feront le déplacement. Avec ces locaux, plus de 2 000 personnes peuvent être accueillies et assister aux audiences. Une capacité importante mais nécessaire face au 865 personnes et associations qui se sont portées parties civiles et aux plus de 2 500 victimes du drame qui a fait 86 morts et plus de 400 blessés.

Le procès de l'attentat du 14-Juillet retransmis à Nice

Toutes les victimes et parties civiles ne font pas le voyage pour se rendre à Paris et participer aux audiences du procès de l'attentat de Nice. Celles-ci peuvent toutefois suivre en direct les témoignages grâce à la retransmission des audiences et des débats dans une "salle dédiée" assurait le ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti le 14 juillet 2022, journée de commémoration du drame et d'hommage aux victimes, auprès de Nice-Matin.

L'intégralité du procès peut être suivie par les parties civiles qui en font la demande sur une webradio sécurisée. Le dispositif a été mis en place pour la première fois lors du procès des attentats du 13-Novembre mais cette fois la retransmission "est [également] accessible depuis l'étranger" et assurée avec une traduction. Un détail qui a toute son importance pour cette affaire dans laquelle les 86 personnes décédées étaient de 19 nationalités différentes.

Qui sont les accusés du procès de l'attentat de Nice ?

Ils sont huit accusés à être renvoyés devant la cour d'assises spéciale de Paris mais l'auteur de l'attaque terroriste lui est absent. Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, un Tunisien de 31 ans et le conducteur du camion et responsable de l'attaque terroriste, a été abattu par les forces de l'ordre le soir de l'attentat du 14 juillet 2016. Reste que l'enquête a permis d'identifier huit personnes ayant eu un rôle dans la préparation de l'attaque. Il s'agit de sept hommes et d'une femme, tous membres de l'entourage du tueur ou intermédiaires impliqués dans le trafic d'armes auprès duquel Mohamed Lahouaiej-Bouhlel s'est fourni.

Sur ces huit personnes, trois comparaissent pour "association de malfaiteurs terroriste criminelle" : Chokri Chafroud, Ramzi Arefa et Mohamed Ghraieb. Ils étaient d'abord poursuivis pour "complicité" mais l'enquête n'a pas permis de prouver qu'ils étaient au courant de l'attaque terroriste et le chef d'accusation n'a finalement pas été retenu. Ils restent toutefois soupçonnés d'avoir "apporté leur concours à la préparation de ce passage à l'acte criminel" alors qu'ils étaient "pleinement conscients" de l'adhésion de l'assaillant" à l'idéologie du djihad armé". Les deux premiers assistent au procès de l'attentat de Nice depuis le box des accusés en compagnie d'un troisième homme Artan Henaj qui lui est détenu car condamné dans une autre affaire. Ramzi Arefa est le seul accusé à encourir la réclusion criminelle à perpétuité car en état de récidive après une condamnation dans une autre affaire sans lien avec le terrorisme. Chokri Chafroud lui risque vingt de réclusion criminelle.

Les cinq autres accusés, Artan Henaj, Enkeledja Zace, Maksim Celaj, Endri Elezi et Brahim Tritrou sont jugés pour des infractions de droit commun et principalement suspectés de faire parti d'un réseau de trafic d'armes et d'avoir fourni des armes à Mohamed Lahouaiej-Bouhlel. Brahim Tritou, en fuite depuis le 9 juillet 2020 en Tunisie et a priori détenu dans le pays, n'est pas présent au procès

Qu'ont dit les accusés durant les procès de l'attentat de Nice ?

Les sept accusés présents sur les huit jugés durant le procès de l'attentat de Nice ont été longuement interrogés à partir et pendant tout le mois de novembre. Mais c'est avec eux que les audiences ont débuté le mardi 6 septembre, 2ème jour du procès. Tous avaient alors pris leurs distances avec le terroriste.

Ramzi Arefa, le premier à s'être exprimé, a affirmé que Mohamed Lahouaiej-Bouhlel "n'était pas [son] ami. Je ne le connaissais pas." S'il a reconnu avoir été "intermédiaire pour l'arme", il a assuré n'avoir "jamais été associé à aucun projet." Une arme, retrouvée dans le camion, apportée par Maksim Celaj. L'homme a reconnu les faits mais s'est défendu : "Je ne connaissais pas les intentions de cette personne". A l'origine de la fourniture de ce pistolet automatique de calibre 7,65, Artan Henaj, qui, a-t-il dit, "ne savai[t] rien" et qui n'a "aucun lien avec le terrorisme", déclarant "atten[dre] que la vérité soit mise en évidence." Sa compagne, Enkeledja Zace -seule femme parmi les accusés-, a, pour sa part, nié une quelconque implication, tandis qu'Endri Elezi a simplement lâché, en bredouillant, avoir "transporté quelque chose que je n'aurais pas dû."

Lors des autres prises de parole, Chokri Chafroud a reconnu que l'auteur des faits "était un copain", tout en disant qu'il "ne l'[a] pas aidé." "Je ne sais pas ce qu'il avait dans la tête", s'est-il défendu. Artan Henaj, lui aussi, ne "savai[t] rien de tout ça." Mohamed Ghraieb, le dernier à s'être exprimé, a même qualifié d'"ordure" et de "salopard" le terroriste, clamant être "étranger aux faits." "Je n'ai rien à voir avec ce qu'il s'est passé." 

Que s'est-il passé lors de l'attentat du 14 juillet 2016 à Nice ?

L'attentat de Nice est encore dans les esprits de toutes les personnes présentes lors de l'assaut ou témoins du drame. L'attaque a duré une vingtaine de minutes. Il est aux alentours de 22h40, le 14 juillet 2016, quand un camion blanc de 19 tonnes roule à toute vitesse sur la promenade des Anglais où plus de 30 000 personnes sont agglutinées et attendent le feu d'artifice. Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, un Tunisien de 31 ans seul à bord du véhicule, est le conducteur. Venant du quartier Magnan, l'homme fonce sur deux kilomètres et entre dans la zone rendue exceptionnellement piétonne pour le feu d'artifice de la Fête nationale. Arrivé devant l'hôtel Negresco, le conducteur ouvre le feu à plusieurs reprises sur les policiers et poursuit sa route sur 300 mètres avant que son véhicule soit immobilisé par les forces de l'ordre devant le Palais de la Méditerranée. Mohamed Lahouaiej-Bouhlel qui s'extirpe du camion refuse de répondre aux sommations des policiers et est abattu par deux brigadiers vers 23h. 

C'est pendant sa course folle et à visée meurtrière que Mohamed Lahouaiej-Bouhlel fait 86 morts et plus de 400 blessés. Les forces de l'ordre présentes pour la sécurité de l'événement reçoivent rapidement des renforts dans les minutes qui suivent l'attaque. Vers 23h20, alors que le terroriste est neutralisé, un périmètre de sécurité est mis en place près de la place Masséna. Plusieurs établissements sont réquisitionnés pour prendre en charge les victimes : le High Club se transforme en hôpital de campagne et le Centre universitaire de la Méditerranée en cellule psychologique.

Dans la foule comme aux abords de la promenade des Anglais, les badauds sont secoués et terrorisés par la scène. Certains rapportent des éléments sur la volonté apparente du conducteur de tuer et sur sa possible radicalisation, comme Pépé qui témoigne dans Nice-Matin. "On a entendu plusieurs fois Allahu akbar, trois fois", précise l'homme qui a assisté au drame depuis son balcon. "J'ai vu qu'il prenait le volant à droite, à gauche, dans tous les sens, pour viser un maximum de visite. C'était horrible, il y avait des enfants par terre, en morceaux, des femmes, des personnes âgées... Ce n'est pas évident, ni à vivre, ni à raconter", ajoute-t-il.

L'attentat de Nice est-il une attaque terroriste ?

Seulement quelques heures après l'attentat de Nice, le 14 juillet 2016, François Hollande alors président de la République avait jugé que "le caractère terroriste [de l'attaque] ne peut être nié". Survenu quelques mois après les attentats du 13 novembre 2015, l'attaque menée sur la promenade des Anglais avait rapidement été rattachée au terrorisme. Hypothèse renforcée par la revendication de l'attentat par l'Etat islamique (EI) sur les ondes de sa radio Al-Bayan deux jours plus tard. L'EI avait qualifié Mohamed Lahouaiej-Bouhlel de "soldat [menant] l'opération en réponse aux appels à viser les ressortissants des pays de la coalition".

Le parquet de Paris doté d'une compétence nationale pour le terrorisme avait été saisi de l'affaire et avait confié les investigations aux enquêteurs de la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) et de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI). Les premiers éléments n'avaient pas permis d'établir de lien entre le tueur et un groupe terroriste mais avaient trouvé des preuves de la radicalisation du trentenaire, notamment par la présence de photos d'actions et du drapeau de l'EI sur son ordinateur personnel. Les recherches avaient également retrouvé le trace de contacts entre Mohamed Lahouaiej-Bouhlel et des personnalités connues de la DGSI comme des islamistes radicaux selon le Telegraph. L'auteur de l'attaque, lui, n'était pas connu des services de renseignement français ni tunisien avant l'attaque de 2016 d'après le Guardian.

Bernard Cazeneuve, ministre de l'Intérieur en 2016, avait décrit Mohamed Lahouaiej-Bouhlelqui comme "[semblant] s'être radicalisé très rapidement" et évoqué "un attentat d'un type nouveau" commis par "des individus sensibles au message de Daech (acronyme arabe de l'Etat islamique) qui s'engagent dans des actions extrêmement violentes sans nécessairement avoir participé aux combats, sans nécessairement avoir été entraînés". Le procès de l'attentat de Nice reviendra sur le caractère terroriste de l'attaque du 14 juillet 2016 notamment via le jugement des trois principaux accusés poursuivis pour "association de malfaiteurs terroriste criminelle".