Florian M. : ses déclarations, sa détention... Ce qu'on sait du policier à l'origine de la mort de Nahel
[Mis à jour le 7 juillet 2023 à 15h26] Florian M. dort toujours en prison. Pour éviter toute concertation avec entre les deux policiers mis en cause lors de la mort de Nahel à Nanterre, la cour d'appel de Versailles a décidé de prolonger la détention provisoire de l'agent. Il est l'auteur du tir fatal au jeune homme de 17 ans le 27 juin. Son placement à prison de la Santé (Paris) avait été ordonné par le juge des libertés et de la détention du tribunal de Nanterre.
Ce maintien en détention peut également traduire une volonté de protéger cet homme dont le nom et la ville de résidence ont été diffusé par Oise Hebdo, un hebdomadaire local réputé pour ses Unes à scandale et son absence d'anonymat qui lui a valu plus de "30 procès en 23 ans" selon France 3. Gérald Darmanin s'est ému de cette publication, mais le journal indique que "l'article 39 de la loi de 1881 n'interdit pas de divulguer l'identité" du policier. L'article en question est donc toujours en ligne.
La publication Oise Hebdo publie des informations personnelles mettant en danger la vie de la famille du policier en détention. Malgré nos demandes de retrait de ce contenu irresponsable, celle-ci persiste. Je saisis le procureur de la République.
— Gérald DARMANIN (@GDarmanin) July 6, 2023
Son avocat s'est plaint de ce maintien en détention. Selon Maître Laurent-Franck Liénard auprès du Parisien, son client se retrouve donc "seul avec lui-même". Et d'ajouter que Florian M. est "frappé comme quelqu'un qui a connu un traumatisme majeur. Il est encore en état de sidération." Une situation renforcée par la pression médiatique de l'affaire et son séjour carcéral. Le policier est actuellement situé dans le quartier d'isolement du centre pénitencier de la Santé.
"Coupe ! Coupe !" et non "Shoote ! Shoote !" selon Florian M.
D'après Florian M., le conducteur a reçu l'injonction de couper le contact, les policiers tapant plusieurs fois sur le pare-brise pour, dit-il, "attirer [son] attention", toujours selon les propos rapportés par Le Parisien. "Coupe ! Coupe !" aurait-il également crié, et non pas "Shoote ! Shoote !", comme cela a pu être interprété par certains sur la vidéo publiée sur les réseaux sociaux après le drame.
Si Florian M. a tiré, c'est parce qu'il a eu la conviction que son collègue avait "le haut de son corps dans l'habitacle" de la Mercedes, "vraisemblablement pour essayer de maîtriser le conducteur ou pour tenter d'appuyer sur le bouton stop du contact", lorsque celle-ci a redémarré, se serait-il justifié. Florian M. aurait alors confié à l'IGPN avoir craint que la voiture n'"embarque" son collègue.
Un fait que son collègue ne semble toutefois pas corroborer. Si ce dernier estime avoir eu, comme Florian M., peur de se faire écraser contre le mur à côté, séparant le passage François-Arago et le Boulevard de la Défense, il a affirmé, lors d'une confrontation entre les deux hommes, que seul son bras se trouvait dans l'habitacle à ce moment-là.
Quoi qu'il en soit, Florian M. a fermement nié avoir utilisé l'expression "tu vas prendre une balle dans la tête". Expression qui, à l'issue de la première exploitation de la vidéo par l'IGPN, apparaît cependant avoir bien été formulée. Son collègue pourrait l'avoir en effet prononcée, comme l'a notamment indiqué Le Monde dans un article du 5 juillet au soir, information confirmé par Le Parisien et BFMTV qui indiquent cependant que "des expertises plus poussées doivent être menées, pour confirmer ou infirmer cette première interprétation."
Une version des faits déjà défendue en garde à vue
En garde à vue dans les 48 heures suivant la mort de Nahel, Florian M. avait livré une version similaire des faits. Selon le procureur de la République de Nanterre, il avait expliqué son geste par la crainte d'une nouvelle fuite du véhicule, la dangerosité du comportement routier du conducteur et la crainte que des personnes soient blessées dans la fuite de la voiture.
Le policier mis en cause avait également déclaré "s'être senti menacé" en voyant le conducteur du véhicule redémarrer la voiture alors qu'il se trouvait entre le véhicule et le mur derrière lui. Cette version des faits avait été maintenue par le policier Florian M. et son collègue, confrontés alors à l'un des passagers du véhicule durant leurs auditions.
Les deux motards de la police avaient aussi été interrogés après l'analyse des vidéos et des images de la scène, notamment sur les propos tenus lors du contrôle de police. Seule une partie des propos avait alors été reconnue par un des policiers, selon le procureur de la République, qui n'avait alors pas donné plus de précisions.
Un tir dévié par le démarrage ? Le policier assure ne pas avoir "voulu tuer"
Selon Le Parisien, Florian M. n'avait encore jamais usé de son arme à feu au cours de sa carrière. "Il est dévasté, il ne se lève pas le matin pour tuer des gens. Il n'a pas voulu tuer", avait dit l'avocat du policier dans les premiers jours après le drame sur BFMTV, ajoutant que son client "a été extrêmement choqué par la violence" de la vidéo montrant la mort de Nahel, "qu'il a vue pour la première fois lors de sa garde à vue".
Me Laurent-Franck Liénard a aussi assuré que le policier n'avait pas voulu viser le haut du corps de Nahel au moment du tir mortel. "Il essaye de tirer sur la jambe du conducteur, et à ce moment-là, il est poussé par la voiture et il se retrouve avec le canon qui monte. Il déclenche son tir dans une région thoracique qu'il ne souhaitait évidemment pas atteindre", a détaillé l'avocat du policier, avant d'affirmer que cette décision de tirer "était absolument nécessaire" afin de stopper la voiture.
La mère de l'adolescent a pour sa part déclaré, dans un entretien pour C à vous sur France 5 : "Je n'en veux pas à la police, j'en veux à une personne : celui qui a enlevé la vie de mon fils." "Il n'avait pas à tuer mon fils, il y avait d'autres manières de faire. Une balle ? Si près de son torse ? Non, je ne peux pas imaginer ça", a-t-elle déploré dans cette interview enregistrée deux jours après les faits, affirmant qu'il y avait "d'autres moyens" de faire sortir les jeunes du véhicule. Pour la mère de l'adolescent de 17 ans tué à Nanterre, le policier "a vu la tête d'un Arabe, d'un petit gamin", et "a voulu lui ôter la vie".
Quelles sont les conditions de détention de Florian M. ?
Le policier Florian M. a été mis en examen pour homicide volontaire et placé en détention provisoire par le juge d'instruction de Nanterre, le 29 juin, à l'issue de sa garde à vue. Selon RTL, il est détenu dans une cellule individuelle de la prison de la Santé à Paris. L'avocat du policier a déposé une demande de remise en liberté dès l'incarcération de son client le jeudi 29 juin et la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles a décidé, le 6 juillet, de maintenir le policier en détention provisoire. Ce placement maintenu "pour le protéger et pour l'empêcher de se concerter avec l'autre policier présent avec lui le 27 juin" selon BFMTV.
La cellule de Florian M. se trouve au quartier d'isolement de centre pénitentiaire parisien, un espace réservé aux personnes vulnérables et médiatiques. Cette partie du bâtiment est prévue pour protéger un détenu des autres incarcérés. Selon son avocat Me Laurent-Franck Liénard, le policier "ne voit personne". "Il est seul avec lui-même et il écrit beaucoup." Des conditions de détention jugées trop lourdes par le député Rassemblement National des Bouches-du-Rhône, Romain Baubry, qui s'est rendu à la prison de la Santé grâce à son droit de visite en tant que membre du Parlement. L'élu qui est un ancien policier et ex-surveillant pénitentiaire n'a cependant pas eu le droit de rentrer dans la cellule de Florian M. et a regretté sur BFMTV que "le régime de détention de ce policier [soit] identique à celui d'[un] terroriste."
Quelles sont les plaintes déposées contre le policier et son collègue ?
Jeudi 29 juin, le procureur de la République de Nanterre a annoncé l'ouverture d'une information judiciaire pour homicide volontaire. Dans ce cadre, le policier a été mis en examen pour ce chef d'accusation. Ce même jour, Me Yassine Bouzrou, Me Jennifer Cambla et Me Abdel Madjid Benamara, les avocats de la famille de Nahel, ont annoncé déposer plainte contre X pour "homicide volontaire", "complicité d'homicide volontaire" et "faux en écriture publique".
Me Yassine Bouzrou a justifié ce dépôt de plainte malgré l'ouverture de l'information judiciaire "par la gravité des faits" mais aussi par "la qualité des personnes mises en cause". Il jugeait en effet "indispensable qu'un magistrat instructeur indépendant soit immédiatement désigné". Les avocats ont par ailleurs demandé le "dépaysement" de l'information judiciaire "afin que des magistrats d'un autre tribunal puissent enquêter de manière objective, indépendante et impartiale".
En évoquant une "complicité d'homicide volontaire" dans leur plainte, les avocats visent le second policier présent lors du drame. L'accusation de "faux en écriture publique" fait référence à la première version des faits qu'auraient donnée les deux policiers aux enquêteurs, selon laquelle le véhicule aurait foncé sur Florian M. Des propos que l'avocat du policier auteur du tir a réfutés.
Que risque Florian M. pour avoir tiré sur Nahel ?
La peine encourue la Florian M. est de trente ans de réclusion criminelle. Cette peine d'emprisonnement pourra être accompagnée d'autres mesures, dont l'interdiction d'exercer pour une durée limitée ou de manière définitive.
L'autre plainte pour "faux en écriture publique par une personne dépositaire de l'autorité publique" pourrait alourdir le dossier. "Ces policiers ont menti [...] en affirmant que le véhicule du jeune Nahel avait tenté de les percuter", avait ainsi affirmé l'avocat de la famille, Me Yassine Bouzrou, sur BFMTV après la mort de Nahel. La peine encourue est cette fois de 15 ans de réclusion criminelle et 225 000 euros d'amende. Elle pourrait aussi alourdir une éventuelle première peine prononcée pour homicide et la porter à la réclusion criminelle à perpétuité.
L'avocat du policier a réfuté que son client ait déclaré que le véhicule lui avait foncé dessus, parlant d'une "hérésie totale". "Mon client a tiré, il a appelé, des gens sont venus, il a été amené aux locaux de l'IGPN. Il a été entendu, il n'a jamais rien écrit donc le procès-verbal, il n'y en a pas. Le faux en écriture publique ? Il n'y a pas d'écriture", a-t-il poursuivi sur BFMTV.
En plus des sanctions judiciaires, Florian M. pourrait subir des sanctions administratives, notamment une suspension. Gérald Darmanin a promis à ce sujet que des "sanctions seront prises".
Qui est Florian M., le policier qui a tiré sur Nahel ?
Florian M., 38 ans, est motard au sein de la compagnie territoriale de circulation et de sécurité routière des Hauts-de-Seine (92), rattachée à la direction de l'ordre public et de la circulation (DOPC), depuis un an. Avant cela il travaillait dans le secteur de Paris. Il avait suivi sa formation au centre de formation motocycliste de la police nationale (CNFM) de Sens, dans l'Yonne, rapporte France 3.
Entre sa formation et son affectation à la compagnie de sécurité routière, le policier motard aurait occupé des postes dans des unités très critiquées de la police. Libération avance que Florian M. a officié pendant quelques mois à la brigade de répression de l'action violente motorisée (Brav-M).
Motard, Brav-M... Des unités pointées du doigt
La Brav-M, une unité reconnaissable par ses binômes à moto et affublés d'un brassard rouge, est connue pour des interventions musclées lors des manifestations à Paris. Les agissements de ces policiers avaient été pointés du doigt lors du mouvement contre la réforme des retraites.
Selon le même journal, le policier des Hauts-de-Seine aurait aussi intégré un temps la Compagnie de sécurisation et d'intervention de Seine-Saint-Denis, plus connue sous le sigle CSI93. L'unité avait été au cœur d'un scandale à l'été 2020 quand 17 enquêtes avaient été ouvertes pour les propos racistes tenus par les agents de la CSI93, pour leurs interpellations illégitimes, des opérations de racket auprès des dealers ou encore de fausses procédures montées de toutes pièces. L'ancien préfet de police Didier Lallement avait alors annoncé la dissolution de l'unité, sans jamais transformer ses paroles en actes.
Avant d'être policier, Florian M. aurait été militaire, en poste à Belfort, selon le Parisien. Une fois dans les forces de l'ordre, le policier a adhéré au syndicat SGP Police qui souligne que "les policiers ont aussi droit à la présomption d'innocence."
Un policier plusieurs fois décoré
Florian M. est décrit comme un "très bon policier", "calme" et "irréprochable" par ses collègues qui ont salué dans les colonnes de franceinfo et d'Europe 1 son professionnalisme. Ce profil de policier expérimenté a été confirmé par le préfet de police Laurent Nuñez et le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin. Les "états de service [de Florian M.] n'appellent pas d'observation", le policier "n'avait pas de difficultés dans ses dossiers administratifs", a indiqué le préfet de police de Paris. Il a même été décoré de la médaille des actes de courage et de dévouement suite à une intervention en 2021 lors d'une séquestration dans le Val d'Oise selon BFMTV. Il compile ainsi huit lettres de félicitations et une autre médaille de la sécurité intérieure obtenu lors des manifestations des gilets jaunes.
Laurent Nuñez s'est toutefois dit "interpellé par le geste" du policier à l'encontre de l'adolescent. Pour éliminer certaines pistes notamment un comportement sous emprise de substance, des examens toxicologiques ont été menés et "les opérations de dépistage d'alcoolémie et de consommation de produits stupéfiants se sont avérées négatives" lors de la mise en garde à vue de Florian M. a fait savoir le parquet de Nanterre.
Certains collègues et anciens collègues ont assuré dans la presse ne pas comprendre ce qui a pu se passer le mardi 27 juin après la mort de Nahel. Son avocat, Maître Laurent-Franck Lienard, a expliqué que son client n'avait "jamais tiré sur quelqu'un". Il poursuit : "C'était la première fois qu'il utilisait son arme, y compris lorsqu'il a été déployé alors qu'il était militaire dans des théâtres d'opérations extérieures."
Néanmoins, malgré toutes les louanges envers le policier entendues depuis le début de l'affaire, une information rapportée par Le Parisien tranche : Florian M. a été mis en cause pour " exhibition sexuelle " en janvier 2023 en forêt de Chauvry, dans le Val-d'Oise.
Que s'est-il passé à Nanterre le mardi 27 juin 2023 ?
Il était environ 8h20, le mardi 27 juin 2023, lorsque deux policiers à moto, dont Florian M., ont tenté de contrôler un véhicule jaune, de la marque Mercedes. Le conducteur est alors suspecté de multiplier les infractions au code de la route au volant de cette voiture de location.
Sur la vidéo d'un témoin, on constate que le véhicule est allumé, mais à l'arrêt au niveau du passage François-Arago au moment du drame. L'agent de la paix tient en joue le conducteur. Il est collé à son collègue et est situé sur le côté gauche du véhicule et non devant comme une première version du rapport de police l'aurait indiqué. Lorsque la Mercedes tente de fuir le contrôle, on peut voir Florian M. ouvrir le feu. La voiture s'échappe alors sur quelques dizaines de mètres avant de finir sa course dans un poteau place Nelson Mandela. Malgré l'arrivée des secours, le jeune homme de 17 ans est rapidement déclaré mort.