Mort du streamer Jean Pormanove : un décès en direct, des circonstances qui interrogent

Mathilde Georges

Mort du streamer Jean Pormanove : un décès en direct, des circonstances qui interrogent Le streamer "Jean Pormanove", 46 ans, est décédé dans la nuit de dimanche à lundi à Contes, près de Nice. Il participait depuis une dizaine de jours à un live sur la plateforme Kick aux côtés de deux hommes.

Triste nouvelle pour le streaming français. Jean Pormanove, de son vrai nom Raphaël Graven, est décédé dans la nuit de dimanche 17 à lundi 18 août à Contes, près de Nice (Alpes-Maritimes), à l'âge de 46 ans. Suivi par près de 500 000 abonnées sur les réseaux sociaux, l'ancien militaire s'est fait connaitre sur la plateforme Kick pour des "défis" extrêmes et humiliations qu'il subissait face caméra par deux hommes : Owen, alias Naruto, et Safine.

Au moment de son décès, Jean Pormanove participait à un live marathon depuis "298 h", soit douze jours en compagnie de ces deux hommes sur sa chaîne Kick, qui comptait 192 800 abonnés avant sa suppression. Sur les images relayées sur X, on le voit allongé, immobile, la tête à peine visible sous une couette, entouré de personnes endormies. Naruto tente alors de le réveiller avant de s'inquiéter que celui-ci ne réponde pas. "Il est vraiment dans une position chelou", peut-on entendre avant que la diffusion ne soit brusquement interrompue.

"J'ai l'impression d'être séquestré"

Les circonstances de sa mort soulèvent en effet des questions. Selon des internautes cités par RMC BFMTV, le quadragénaire venait de subir "dix jours et nuits de torture" en live, citant notamment des violences physiques "extrêmes", une "privation de sommeil", de "l'ingurgitation de produits toxiques". D'après des vidéos consultées par Médiapart, on aperçoit Naruto, déguisé en Batman, lui asséner plusieurs gifles quelques heures avant son décès. Le compte X de Cerfia a diffusé un extrait du live où Naruto lit un message de détresse que Jean Pormanove a écrit à sa mère quelques jours avant sa mort : "Là ça va trop loin. J'ai l'impression d'être séquestré avec leur concept de merde". Sa mère, inquiète, lui aurait répondu : "C'est de pire en pire, je te pleins mon fils", en notant qu'il avait beaucoup maigri. "T'as jamais eu aussi bonne mine fils de p*te" a affirmé Naruto en lisant les messages.

L'interruption du direct a provoqué l'inquiétude des fans du collectif "Lokal" sur le forum Discord. Certains affirmaient qu'il aurait fait "une sorte d'étouffement dans son sommeil" et serait resté immobile plus de quarante minutes. D'autres incitaient aux fans habitants à Nice à se rendre directement au local, avant qu'un administrateur du forum confirme qu'il y a eu "un soucis avec JP", appelant à ne pas propager de rumeurs. Le canal de discussion sera verrouillé quelques minutes plus tard.

"Rien de suspect" à ce stade

En fin d'après midi, "Naruto" a finalement officialisé sa mort sur Instagram : "J'ai toujours redouté le jour où je devrais écrire ces mots. Malheureusement, cette nuit, JP nous a quittés. Mon frère, mon acolyte, mon partenaire, six années côte à côte, sans jamais nous lâcher, je t'aime mon frère et tu vas terriblement nous manquer", a-t-il écrit, demandant de respecter sa mémoire en ne diffusant pas "la vidéo de son dernier souffle dans son sommeil".

Le parquet de Nice a confirmé au Parisien "le décès d'un homme dans un local loué pour des lives de jeu vidéo" sans préciser l'identité. L'enquête a été confié aux gendarmes de la brigade de recherches de Nice afin de déterminer les causes de la mort. "À ce stade, il n'y a rien de suspect, les auditions sont en cours et une autopsie sera pratiquée", a précisé le parquet. Interrogée sur ce décès par Médiapart, la plateforme Kick France n'a pas encore répondu.

La ministre en charge du numérique Clara Chappaz a dénoncé sur X une "horreur absolue", tout en adressant ses condoléances à sa famille et à ses proches. Elle a précisé avoir saisi l'Arcom et signalé les contenus sur la plateforme de signalement de contenus publiés sur les réseaux sociaux, Pharos. "J'ai également contacté les responsables de la plateforme pour obtenir des explications", a-t-elle ajouté, affirmant que "la responsabilité des plateformes en ligne sur la diffusion de contenus illicites n'est pas une option: c'est la loi". 

Une enquête ouverte en 2024

Comme l'a révélé Mediapart en décembre 2024, Jean Pormanove était victime d'humiliations et de violences filmées en direct sur la plateforme depuis plusieurs années, tout comme Coudoux, un homme handicapé fan de la chaine. Un véritable "business de la maltraitance", piloté par Naruto et Safine, deux "monsieur-tout-le-monde" se disant issus des quartier populaire niçois, selon le journal. Leurs vidéos leur rapportaient effectivement beaucoup d'argent, à raison de plusieurs milliers d'euros par mois.

A la suite de ces révélations, le parquet de Nice avait ouvert une enquête préliminaire le 16 décembre contre Safine et "Naruto". Trois chefs d'accusation avaient été retenus : "provocation publique par un moyen de communication au public par voie électronique à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur handicap", "violences volontaires en réunion sur personnes vulnérables ayant entraîné une ITT inférieure à 8 jours" et "diffusion d'enregistrement d'images relatives à la commission d'infractions d'atteintes volontaires à l'intégrité de la personne".  

Les deux hommes avaient été placés en garde à vue début janvier, avant d'être relâchés. Ils niaient toute infraction. L'enquête était toujours en cours lorsque Jean Pormanove est décédé. La chaîne Kick, un temps suspendue à la suite de l'enquête, a été réactivée ces derniers mois sur la plateforme connue pour sa modération minimale et son contenu trash.