Télétravail : recommandé, sans obligation, que dit la loi ?
TELETRAVAIL. Le télétravail s'est développé durant la pandémie de Covid-19 avant de s'installer au quotidien. Il est devenu une des mesures phares du plan de sobriété énergétique, dévoilé par le gouvernement, jeudi 6 octobre.
[Mis à jour le 7 octobre 2022 à 15h12] Dans son plan de sobriété énergétique, présenté jeudi 6 octobre, le gouvernement souhaite "inciter au télétravail pour réduire la consommation de carburant". Ainsi, les agents de la fonction publique bénéficieront d'une augmentation de l'indemnité forfaitaire de télétravail de 15 %. Cette mesure permettra également d'effectuer des économies d'énergie dans des bâtiments qui pourront être non chauffés en l'absence de travailleurs. Les administrations publiques sont invitées à mettre en place du télétravail, jusqu'à quatre jours par semaine. Interrogé sur franceinfo, jeudi 6 octobre, Stanislas Guerini, ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, a rappelé que les mesures du gouvernement ne sont pas obligatoires, mais qu'il s'agit d'une politique "volontariste". Dans le même temps, les syndicats de la fonction publique ont rejeté le télétravail contraint, rappelant "qu'il ne peut y avoir de télétravail que sur la base du volontariat du personnel", a déclaré Céline Verzeletti, cosecrétaire générale de l'UFSE-CGT, selon des propos rapportés par Le Figaro.
Afin de mesurer l'efficacité du télétravail, Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transtion énergétique, a indiqué qu'une expérimentation serait menée. Du 29 octobre au 1er novembre, pendant quatre jours, quatre bâtiments seront fermés et leurs agents seront en télétravail : "pour mesurer précisément les économies réelles de chauffage", détaille le plan gouvernemental. Dans le secteur privé, le télétravail n'est pas obligatoire non plus. En fonction des résultats de l'expérimentation, il sera possible que les entreprises privées aient, elles aussi, plus régulièrement recours au télétravail.
Quelles sont les compensations auxquelles les salariés peuvent prétendre ?
Lors de l'allocution du ministre de la Fonction publique, jeudi 6 octobre, Stanislas Guerini a annoncé une hausse de l'indemnité télétravail pour le service public. Les agents sont actuellement indemnisés à hauteur de 2,50 € par jour au titre d'une indemnité pour l'utilisation du gaz et de l'électricité sur leur temps de travail. Le montant sera revalorisé de 15 % -montant de la hausse annoncée des prix de l'énergie en 2023-, passant ainsi à 2,85 € par jour travaillé à domicile.
Dans les entreprises privées, rien n'oblige légalement à verser une indemnité aux salariés en télétravail. Son versement n'est lié qu'à un accord d'entreprise, de branche ou une convention collective. Et il n'existe aucun barème imposé si une indemnité est versée. Seule l'Urssaf propose des indemnités à titre indicatif, rappelant que ces dernières sont exonérées de charges sociales et se versent sans justificatif à l'Urssaf. Elles correspondent à une indemnité de 2,50 €/jour :
- 10 euros par mois et par salarié pour 1 journée de télétravail par semaine
- 20 euros par mois et par salarié pour 2 jours de télétravail par semaine
- 30 euros par mois et par salarié pour 3 jours de télétravail par semaine
- 40 euros par mois et par salarié pour 4 jours de télétravail par semaine
- 50 euros par mois pour les salariés étant en télétravail à 100 %
Autrement, il est possible pour l'entreprise de rembourser les salariés des frais engagés sur ses journées de télétravail. L'employé doit alors fournir les justificatifs adéquats et faire une note de frais.
En télétravail, dois-je utiliser mon ordinateur personnel ou celui de l'entreprise ?
Là encore, il n'y a pas de règle proprement écrite dans la loi et cela est du ressort des négociations entre les salariés et l'entreprise. Le site service-public développe : "L'accord collectif ou la charte peut prévoir l'obligation, pour l'employeur, de fournir les outils et matériels nécessaires au télétravail. En l'absence d'accord collectif ou charte, le salarié peut utiliser son matériel personnel."
Un employeur peut-il refuser une demande de télétravail ?
Un employeur peut aujourd'hui tout à fait refuser une demande de télétravail d'un salarié. Dans un document diffusé au moment du déconfinement, le ministère du Travail précisait néanmoins que ce refus devrait être "motivé". L'employeur doit démontrer que la présence sur le lieu de travail est indispensable au fonctionnement de l'activité", indiquait alors la fiche. L'employeur doit en outre garantir depuis le déconfinement que "les conditions de reprise d'activité sont conformes aux consignes sanitaires" sur le lieu de travail.
Un employeur peut-il imposer le télétravail à ses salariés ?
L'employeur peut l'imposer à ses salariés. C'est notamment possible, selon le Code du travail, en cas de "circonstances exceptionnelles". Un motif qui peut aisément être invoqué pour le coronavirus et le confinement. L'article L. 1222-11 du Code du travail mentionne d'ailleurs explicitement le "risque épidémique" parmi les motifs pouvant justifier le recours au télétravail. Et ce sans même l'accord du salarié.
En outre, l'article L4121-1 du Code du travail exige que l'employeur prenne "les mesures nécessaires pour protéger la santé de ses salariés
". Cela peut passer par le télétravail, par la mise à disposition de masques et de gel, par la fermeture de la cafétéria, par un décalage des horaires, etc. Si des manquements sont observés, une mise en demeure peut être infligée à l'employeur, qui
se voit sommé d'appliquer le télétravail. S'il ne le fait pas, il risque une sanction.
Le travail à domicile, de vraies économies d'énergie ?
Un rapport de l'Ademe, agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, a donné des informations sur la pertinence de recourir ou non au télétravail. Selon l'agence, user du télétravail généralisé permettrait de réaliser une économie d'énergie de 19 % pour les entreprises. Cet indicateur est à prendre en compte si tous les salariés de l'entreprise sont en télétravail au même moment. Dans des propos rapportés par le Parisien, Thierry Chapuis, délégué général de l'Association française du gaz a précisé que le recours au télétravail pour économies d'énergies serait bénéfique "qu'avec au moins une semaine d'arrêt de tout un bâtiment". Il a ajouté, pessimiste, "Rien n'indique que cela suffise à compenser une éventuelle surconsommation dans les domiciles."
Certains syndicats et organisations patronales ont décidé de présenter un plan au gouvernement pour la sobriété énergétique, critiquant le recours généralisé au travail à distance. Ce rapport a été signé par les trois organisations patronales - Medef, CPME et U2P et certains syndicats l'ont aussi approuvés CFDT, FO, la CFTC et la CFE-CGC. Pour ces organismes, la généralisation du télétravail n'est pas "une réponse adaptée à la situation de crise énergétique". Cette mesure contestée aurait un double inconvénients ; entrainant "un transfert des dépenses d'énergie vers les salariés, et, lorsqu'il est généralisé, de présenter un risque de fragilisation des collectifs de travail."