Qui est Luigi Mangione, suspecté de meurtre et encensé comme un héros aux États-Unis ?
Placé à l'une des entrées de l'hôtel de Midtown, en plein cœur de Manahattan, un individu attend sa cible. Vêtu d'un costume bleu, le dirigeant de UnitedHealthcare Brian Thompson passe devant lui, l'esprit tranquille. En se plaçant derrière, le criminel débloque son pistolet et tire trois coups consécutifs. Touché au mollet et au dos, le PDG fait quelques pas avant de se retourner vers son agresseur. Sur cette dernière image, il s'effondre. À l'issue de son crime, le tireur s'enfuie du côté de Central Park en vélo électrique. Les forces de l'ordre tentent de le suivre, mais perdent sa piste en chemin.
Ce criminel avait un mobile précis, on le sait désormais, et a rapidement été identifié. Le suspect est un jeune homme, appelé Luigi Mangione. Et son identification constitue une avancée importante pour la justice, mais dit aussi quelque chose de notre société. Sur les réseaux sociaux, les réactions à l'attaque prennent des proportions étonnantes. Le compte Instagram de Luigi Magione gagne rapidement des milliers d'abonnés. En parallèle, le hashtag #FreeLuigi fait le tour des plateformes.
Pour une petite partie de la population, le meurtrier présumé symbolise quelque chose : il est vu comme une figure anticonformiste ayant lutté contre la dérive du santé américain. Certains en profitent également pour le complimenter sur son physique, comme si sa beauté excusait son crime : "Il est seulement coupable d'être beau. #FreeLuigi ", commente un utilisateur de X, comme une synthèse de dizaines de messages.
Ces réactions reflètent surtout une forme de colère de la population vis-à-vis du système de santé américain, accusé de s'enrichir sur le dos des patients. Pour cause, l'accès au soin aux États-Unis est très singulier. La majorité des Américains sont couverts par des assurances privées, principalement via l'emploi et secondairement via le marché individuel de l'assurance. "Ce système est vulnérable aux chocs sur le marché du travail, le chômage entraînant la perte de l'assurance santé. Certains chômeurs choisissent de prolonger leur couverture employeurs, mais doivent alors en assurer totalement le financement", indique la Fondation Jean-Jaurès. À titre d'exemple, un accouchement aux États-Unis peut couter 15 000 dollars (soit environ 14 000 euros), voire 50 000 en cas de complications.
"Ce n'est pas un héros"
Certains américains ont sans doute été déçus en apprenant qu'il a été arrêté, ce lundi 9 décembre par des membres de la police d'Altoona, une localité située à 500 km à l'ouest de New York. Il a été reconnu par un employé d'un restaurant McDonald's qui s'est empressé de contacté la police locale. Son arrestation a été filmée par de nombreux médias américains. Sur ces images, on le voit sortir menotté d'un véhicule de police avant d'être escorté devant un tribunal de l'État de Pennsylvanie. Le jeune homme de 26 ans fait l'objet de poursuites pour meurtre, possession illégale d'armes et faux documents.
Pourquoi ce meurtre ? Les enquêteurs ont retrouvé sur lui un document manuscrit de trois pages évoquant son "hostilité à l'encontre des entreprises américaines". De plus, sur les douilles ramassées sur les lieux du crime, les mots "delay" (retard) et "deny" (refus) étaient inscrits, évoquant des rejets de demandes d'indemnisation de soins par les compagnies d'assurances.
Face à l'ampleur des réactions engendrées par cet assassinat, le gouverneur démocrate de Pennsylvanie, Josh Shapiro, s'est exprimé ce mardi 10 décembre : "On ne tue pas des gens de sang-froid pour des questions politiques ou pour exprimer un point de vue". Malgré sa compassion à l'égard des personnes frustrées par le système de santé américain, il déclare n'avoir aucune "tolérance" face à un homme ayant recours à la "violence". "Ce tueur est salué comme un héros. Mais écoutez-moi bien, ce n'est pas un héros", conclut-il.