Rachid M'Barki licencié de BFM : ce qu'il a dit pour se défendre

Rachid M'Barki licencié de BFM : ce qu'il a dit pour se défendre BFMTV a décidé de licencier Rachid M'Barki, après une enquête interne ouverte en janvier pour des soupçons d'ingérence. Le journaliste s'est défendu de ne diffuser que des informations "toutes réelles et vérifiées".

[Mis à jour le 23 février 2023 à 21h46] Ce jeudi 23 février, la première chaîne d'information de France, BFMTV, a annoncé le licenciement du journaliste Rachid M'Barki, qui présentait le Journal de nuit. Il faisait partie de la chaîne depuis son lancement, en 2005. Le journaliste a été mis à l'écart après un audit lancé en janvier quant à des contenus diffusés sans l'accord de sa hiérarchie, notamment issus d'une vaste entreprise de désinformation basée en Israël, selon une enquête du collectif de journalistes Forbidden Stories.

Le directeur général de la chaîne, Marc-Olivier Fogiel, a ainsi justifié : "Ces investigations ont permis d'identifier plusieurs séquences, entre 2021 et 2022, qui ont été diffusées sans respect des 'process' de validation et de la ligne éditoriale. Ces manquements sont de la seule responsabilité d'un journaliste qui n'a pas respecté les règles en vigueur au sein de la rédaction." Il a par ailleurs annoncé que la chaîne allait "renforcer encore" ses dispositifs de vérification.

Début février, le site Politico avait interrogé le journaliste, qui avait affirmé "utiliser des infos qui [lui] venaient d'informateurs" et qui n'avaient "pas forcément suivi le cursus habituel de la rédaction", ajoutant qu'"elles étaient toutes réelles et vérifiées". De son côté, la chaîne a déposé "une plainte contre X relative aux faits dont BFMTV a été victime a été déposée le 22 février 2023", pour corruption passive et abus de confiance.

Qu'est-il reproché à à Rachid M'Barki ?

Suspendu depuis le 11 janvier puis licencié le 23 février, le journaliste de BFMTV Rachid M'Barki a fait l'objet d'une enquête interne en raison de la diffusion, à plusieurs reprises, des brèves et des images biaisées sur l'antenne, a révélé Politico début février. Ces sujets étaient fournis "clés en main pour le compte de clients étrangers" par "Team Jorge", une société basée en Israël, objet d'une longue enquête de la part d'un consortium de journalistes internationaux, dont certains du Monde et de Radio France. Les sujets étaient envoyés pour une diffusion contre rémunération selon l'enquête. Les séquences visées dans l'affaire de Rachid M'Barki ont trait au Maroc et la revendication décriée du Sahara occidental, aux oligarques russes privés de yacht à Monaco ou encore au Qatar et au Cameroun. Des pays et des individus qui auraient pu faire appel aux services de Team Jorge.

Auprès de Politico, l'homme a reconnu avoir "utilisé des infos qui [lui] venaient d'informateurs" et qui n'ont "pas forcément suivi le cursus habituel de la rédaction". En l'état, les sujets visés n'auraient jamais été validés par la direction et ils ne l'ont pas été. Pour contourner la hiérarchie et l'approbation de la rédaction en chef, Rachid M'Barki "s'arrangeait pour demander (des) images en dernière minute [...] une fois que le rédacteur en chef était pris sur une autre tranche et avait validé l'ensemble de son journal", selon les explications de Marc-Olivier Fogiel, invité sur France Inter le mercredi 15 février.

BFMTV était-elle au courant de la campagne de désinformation ?

La direction de la chaine d'information s'est immédiatement dédouanée dans cette affaire. "Il n'y a pas de doute que BFM est victime dans cette histoire, quand l'un des nôtres court-circuite la chaîne hiérarchique, ça pose problème ", a lancé le patron du média qui estime qu'il " n'y aurait pas de complicités internes ". Et à Hervé Beroud, directeur général délégué d'Altice média, d'enchérir auprès de Politico : "Nous ne pouvons tolérer aucune suspicion sur le travail de l'ensemble de notre rédaction et de nos 300 journalistes".

Rachid M'Barki concède une "erreur de jugement"

De son côté, Rachid M'Barki reconnaît avoir diffusé les images en se passant volontairement de l'aval de la direction mais nie faire partie de l'opération de désinformation. Le journaliste, bien qu'ayant accepté de diffuser des brèves sur demande, assure avoir vérifié la fiabilité des sources. Selon lui, les informations "étaient toutes réelles et vérifiées, je fais mon métier. […] Je n'écarte rien, peut-être que je me suis fait avoir, je n'avais pas l'impression que c'était le cas ou que je participais à une opération de je ne sais quoi sinon je ne l'aurais pas fait." Au regard des révélations sur la campagne de désinformation, le présentateur a concédé une "erreur de jugement journalistique" devant sa direction. Pour sa part la chaine d'informations a regretté un "libre arbitre éditorial […] suffisamment problématique pour [lancer] un audit interne".

Qui fournissait les informations biaisées à Rachid M'Barki ?

C'est pour "rendre service à un ami" que Rachid M'Barki a diffusé des informations au nez et à la barbe de la direction de BFMTV. Le journaliste n'a pas rechigné a donné l'identité de ce proche : Jean-Pierre Duthion. Connu dans l'univers médiatique, l'homme a vécu en Syrie entre 2007 et 2014 et servait de fixeur aux reporters. Aujourd'hui, Jean-Pierre Duthion se présente comme un "lobbyiste" et assume être à l'origine de l'envoi des informations contestées sur BFMTV, une mission confiée par un commanditaire dont il dit ne rien savoir mais qui pourrait bien être Team Jorge. "Je reçois des missions sans connaître le client final. C'est très cloisonné. Je ne me pose pas de questions. Je fais ce qu'on me dit de faire. Moins j'en sais, mieux je me porte", a-t-il déclaré aux journalistes de Radio France.

Rachid M'Barki ne serait pas le seul à avoir été approché par Jean-Pierre Duthion. Un autre journaliste de BFMTV a fait savoir auprès du consortium que dès 2020, et de nouveau en 2023 après la suspension du présentateur phare, le lobbyiste l'a contacté précisant être "missionné pour payer des journalistes pour faire passer des informations". Chose que dément Jean-Pierre Duthion : "Je n'ai jamais et ne rémunèrerai jamais un journaliste. Aucune preuve, aucun élément ne permet d'affirmer le contraire." Rachid M'Barki aurait-il été payé en contrepartie des diffusions contestées ? Le journaliste ne s'est pas exprimé sur ce point.