Jérôme Cahuzac : pas de compte en Suisse ? Il pourrait le prouver, mais...

Jérôme Cahuzac : pas de compte en Suisse ? Il pourrait le prouver, mais... Plusieurs articles de presse et spécialistes de la fiscalité suisse évoquent un moyen efficace pour Jérôme Cahuzac de prouver qu'il n'a jamais eu de compte en Suisse. Mais le ministre semble préférer le démenti sur parole.

Jérôme Cahuzac a-t-il été le détenteur d'un compte en Suisse avant de devenir président de la commission des Finances de l'Assemblée puis ministre du Budget ? C'est la question, soulevée par une enquête de Médiapart depuis plusieurs jours, qui ébranle l'un des piliers du gouvernement Ayrault. Alors que le départ de Jérôme Cahuzac, inspiré du précédent Woerth dans l'affaire Bettencourt, est désormais sur toutes les lèvres, la presse s'étonne que le ministre n'apporte aucune preuve matérielle, préférant démentir "sur parole" les accusations du site d'investigation. Plusieurs articles de presse et chroniques de fiscalistes soulèvent en effet un moyen simple et efficace pour le ministre de se sortir d'affaires : demander à la banque UBS de lever le secret bancaire le concernant. Celle-ci pourrait ainsi produire une attestation affirmant que Jérôme Cahuzac n'a jamais eu aucun compte en banque dans sa filiale helvétique.

Dans le droit suisse, l'article 47 de la Loi fédérale sur les banques (LFB) liste les dispositions liées au secret bancaire. Depuis le 8 novembre 1934, il oblige les banquiers à un "secret professionnel", au même titre que les médecins, conformément au principe de protection de la vie privée inscrit dans la Constitution (article 13). Mais il prévoit aussi un "devoir de renseignement" des banques leur permettant, dans certains cas, d'échapper à cette obligation. Ainsi, les banquiers peuvent être dispensés de la confidentialité due à leurs clients dans trois configurations. En premier lieu, quand une procédure pénale l'exige, un juge peut demander la levée du secret bancaire (clarification d'un crime, blanchiment d'argent, démantèlement d'un réseau criminel ou traque d'un meurtrier). Les procédures civiles sont aussi concernées (délit, fraude, faillite, mais aussi divorce). Enfin, la simple demande d'un client peut également aboutir à la divulgation de ses informations bancaires. Ainsi, Jérôme Cahuzac pourrait tout simplement demander à UBS, la banque suisse citée par Médiapart, de lever le secret bancaire le concernant, soit dans une démarche personnelle, soit par le biais de la procédure de divorce en cours avec sa femme Patricia Cahuzac (procédure civile).

L'avocat fiscaliste suisse Philippe Kenel a déjà "conseillé" publiquement au ministre d'entamer ce type de démarche auprès d'UBS. Après vérification de ses listings, il suffirait à celle-ci d'écrire dans une attestation qu'elle n'a jamais eu de client au nom de Jérôme Cahuzac. Sur Rue89, un banquier suisse confirme que "la seule possibilité" permettant de lever le secret bancaire est que "cette personne nous délie explicitement de cette obligation". Le site rappelle aussi que l'écrivain et homme d'affaires Alain Minc avait utilisé un dispositif similaire en 2004. Apparaissant dans les fameux listings de l'affaire Clearstream comme l'un des multiples détenteurs de comptes douteux, il avait écrit au juge chargé de l'affaire, Renaud Van Ruymbeke, donnant autorisation à"tous les établissements bancaires suisses, luxembourgeois, ou sis dans un autre Etat étranger [...] à fournir toutes informations et tous documents sur le ou les compte(s) prétendument ouverts auprès d'eux." Jusqu'à aujourd'hui, Jérôme Cahuzac semble se refuser à passer à l'acte auprès d'UBS. Une stratégie qui suscite bien des interrogations.

Début décembre, le site Médiapart affirmait que Jérôme Cahuzac, ministre du Budget, a été le détenteur d'un compte en Suisse, dans la banque UBS. Plus tard, le site d'Edwy Plenel rendait public une conversation téléphonique datant de fin 2000. On y entend un homme dire que "ça [le] fait chier d'avoir un compte ouvert là-bas", l'UBS n'étant "pas forcément la plus planquée des banques". Selon les journalistes, il s'agit de la voix de Jérôme Cahuzac, ce que l'intéressé dément. En tant que ministre délégué au Budget, Jérôme Cahuzac est, entre autre, en charge de la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales. En novembre 2012, il a annoncé un nouvel arsenal anti-fraude visant à récupérer un milliard d'euros en 2013 dans les caisses de l'Etat.

EN VIDEO - Le ministre délégué au Budget Jérôme Cahuzac est monté au créneau mercredi pour dénoncer des informations "délirantes" du site Mediapart, selon lequel il aurait détenu un compte secret en Suisse, et a écarté tout départ du gouvernement.

"Compte secret en Suisse: Cahuzac porte plainte"