Nicolas Sarkozy a-t-il "abusé" de Liliane Bettencourt ? Les éléments de l'enquête
Depuis 2010, l'affaire Bettencourt n'en finit plus de rebondir. Le jeudi 21 mars, Nicolas Sarkozy était la 17e personne mise en examen dans ce dossier depuis que celui-ci a été transféré à Bordeaux en décembre 2010. Ce qui avait commencé comme une sombre histoire de famille cette année là, entre une milliardaire âgée et sa fille (Françoise Meyers-Bettencourt) inquiète de la fortune familliale, est devenue désormais une affaire d'Etat ébranlant le monde politique. Nicolas Sarkozy est ainsi le deuxième président de la République mis en examen après avoir quitté l'Elysée, Jacques Chirac ayant lui-même été mis en examen puis condamné dans l'affaire des emplois fictifs de la mairie de Paris. Mais aujourd'hui, une seule question brûle les lèvres chez ceux qui ont suivi l'affaire Bettencourt comme chez les novices : qu'est-ce qui a poussé le juge Gentil à mettre Nicolas Sarkozy en examen ? L'ancien président de la République est soupçonné "d'abus de faiblesse" sur la personne de Liliane Bettencourt, dont il a été établi que la santé mentale était fragile depuis septembre 2006.
Concrètement, Nicolas Sarkozy est soupçonné d'avoir "abusé" de cet état de santé en soutirant de l'argent à la milliardaire (première fortune de France selon le dernier classement Forbes) en 2007, pour financer sa campagne présidentielle. Les principaux éléments à charge, révélés dans la presse après avoir fuité de l'enquête du juge Gentil, viennent des témoignages du personnel de Liliane Bettencourt à l'époque. Le 21 mars, Nicolas Sarkozy a été confronté pendant plusieurs heures au majordome de Liliane Bettencourt. Ce dernier avait fourni à la justice en 2010 un enregistrement clandestin, contenant une conversation de la milliardaire avec son gestionnaire de fortune Patrice de Maistre, lui aussi mis en examen depuis. Dans cet enregistrement, le ministre du Budget de l'époque et ancien trésorier de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007 Eric Woerth était cité, ainsi qu'un système complexe d'évasion fiscale (Suisse, Seychelles, Singapour) au profit de la milliardaire et qu'une intervention de l'Elysée dans la procédure.
Eric Woerth a ainsi été le premier touché, dès 2010 par l'affaire avant que Nicolas Sarkozy soit pointé du doigt par plusieurs protagonistes. Outre les enregistrements du majordome des Bettencourt, le témoignage de Claire Thibout, la comptable de la milliardaire à l'époque, a également pesé dans la mise en examen. En juillet 2010, celle-ci affirmait à la police que Patrice de Maistre lui avait demandé 150 000 euros en liquide "début 2007" en vue de les donner à Eric Woerth, alors trésorier de la campagne de Nicolas Sarkozy. Depuis, celle-ci a confirmé à la justice que les Bettencourt recevaient régulièrement la visite de personnalités de droite. Sont explicitement mentionnés Eric Woerth, mais aussi Nicolas Sarkozy et son ex-épouse Cécilia.
Outre Claire Thibout, d'autres membres de l'entourage de la milliardaire ont rapporté aux enquêteurs des visites privées "à plusieurs reprises" de Nicolas Sarkozy à la milliardaire. Le 21 mars à Bordeaux, Nicolas Sarkozy a ainsi été confronté à "au moins quatre membres du personnel de Liliane Bettencourt" selon les informations du Monde. Des témoins qui ont pu confirmer ces rencontres et ainsi accélérer la mise en examen de l'ancien chef de l'Etat.
Un enregistrement clandestin pourtant validé par la justice, le témoignage de l'ancienne comptable des Bettencourt et les souvenirs du personnel de la milliardaire. Voici donc les trois principaux éléments "à charge" qui ont abouti à la mise en examen de Nicolas Sarkozy pour "abus de faiblesse" en renforçant le soupçon sur ces présumées rencontres discrètes avec la milliardaire pour lui soutirer de l'argent en 2007. Pour l'instant, peu d'informations ont fuité sur la défense de Nicolas Sarkozy, si ce n'est l'indignation de son avocat. Me Thierry Herzog qui condamne une manœuvre politique.
Nicolas Sarkozy n'aurait pour l'instant reconnu qu'une seule visite au domicile des Bettencourt en 2007 pour y rencontrer "brièvement" André Bettencourt, décédé quelques mois plus tard. Lors d'une précédente audition en novembre 2012, celui qui était encore "témoin assisté" aurait déclaré aux juges : "Les Bettencourt ne m'ont jamais donné un sou et je ne leur en ai jamais demandé." Désormais mis en examen, Nicolas Sarkozy, qui penserait à un retour en politique, risque trois ans d'emprisonnement, 375 000 euros d'amende et d'une peine d'inéligibilité de cinq ans.
EN VIDEO - Nicolas Sarkozy "a considéré que le traitement qui lui était infligé" par la justice dans l'instruction du dossier Bettencourt "était scandaleux".