Bruno Retailleau, ministre de l'Intérieur : déjà des engagements, vers une loi immigration dans les prochaines semaines
Bruno Retailleau a accepté de devenir le nouveau ministre de l'Intérieur du gouvernement Barnier. Et il n'entend pas faire de la figuration.
Le patron des Républicains au Sénat a été nommé ministre de l'Intérieur samedi 21 septembre. Il incarne une ligne très à droite, conservatrice et a toujours plaidé pour davantage de fermeté en matière de sécurité et d'immigration. Ce lundi 23 septembre 2024, lors de sa passation de pouvoir place Beauvau, le nouveau ministre a d'ailleurs tenu un discours donnant le ton de l'action qu'il compte porter : "Je ne cèderai jamais rien, je ne laisserai passer et je ne tolérerai aucune atteinte, aucune offense. Honte à ceux qui distillent dans leurs discours la haine vis-à-vis de nos forces de l'ordre, c'est indigne et je ne laisserai jamais faire. [...] Nous devons avoir le courage de la fermeté, les Français veulent plus d'ordre, d'ordre dans la rue, d'ordre aux frontières".
Le nouveau ministre de l'Intérieur a ajouté : "J'ai trois priorités : rétablir l'ordre, rétablir l'ordre, rétablir l'ordre. Je crois à l'ordre, comme condition de la liberté. Quand il n'y a pas d'ordre, la liberté est menacée".
Bruno Retailleau devrait proposer rapidement un nouveau texte pour durcir les conditions d'accès aux étrangers sur le territoire Français. Michel Barnier, qui en a fait un engagement, sait que son nouveau ministre maitrise les dossiers sur l'immigration. le Républicain a d'ailleurs contribué à durcir le précédemment projet de loi immigration avec Gérald Darmanin, son prédécesseur. Le Premier ministre n'a pas donné de date ou de calendrier pour que soient sur la table de nouvelles mesures sur le sujet mais le chef du gouvernement a promis le 22 septembre au 20h de France 2 "des choses pratiques pour maîtriser et limiter l'immigration, qui devient insupportable et qui conduit à ne pas bien accueillir ceux qu'on accueille chez nous".
La version définitive de la loi immigration était une version revue et corrigée par le Sénat, dont une partie de la rédaction avait été réalisée par Bruno Retailleau, mais les ajouts des Républicains ont été en partie censurés par le Conseil constitutionnel. "L'État a perdu le contrôle", jugeait-il dans une interview publiée sur le site du parti LR. Il "n'arrive plus à faire appliquer ses lois, à protéger ceux qui les servent, à contenir une immigration incontrôlée, à tenir les quartiers où l'on tire à l'arme de guerre, […] ni à sécuriser ses prisons", expliquait-il.
Outre l'immigration, les positions du sénateur sur la sécurité ou la famille en font le représentant d'une droite dure au sein de LR. De quoi transformer sa nomination en nouveau virage à droite du gouvernement. Si une droitisation du pouvoir a été reprochée à Emmanuel Macron, notamment par la gauche, le président de la République ne partage pas, en revanche, certaines positions du sénateur de droite. Jusqu'à quel point Emmanuel Macron a-t-il été volontaire, poussé ou contraint dans ce choix ? La réponse à cette question donnerait aussi un indice sur le degré de cohabitation qui règnera sur le nouveau duo exécutif, puisqu'on peine toujours à savoir si Michel Barnier se posera en Premier ministre d'opposition à Macron ou de coalition.
Le choix de Bruno Retailleau est aussi un gage envoyé à la droite dure, voire à l'extrême droite, qui réserve encore a décision sur l'opportunité ou non ce nouveau gouvernement. Ce qui fait dire à certains macronistes et à la gauche que le gouvernement Barnier est "sous tutelle" du Rassemblement national, bien qu'il ne compte en réalité aucun ministre RN.
Par son poids politique et ce qu'il incarne à droite et désormais dans ce gouvernement, Bruno Retailleau apparait en tout cas comme le nouvel homme fort de l'exécutif. En acceptant d'entrer dans l'équipe de Michel Barnier, malgré son passé d'opposant et son jugement très sévère envers Emmanuel Macron ces derniers mois, il a surtout choisi une stratégie diamétralement opposée à celle de Laurent Wauquiez, patron des républicains à l'Assemblée nationale, qui a annoncé qu'il ne ferait pas partie du gouvernement. L'avenir dira lequel des deux a choisi la bonne option...
Né le 20 novembre 1960 à Cholet, ce sénateur de la Vendée et président du groupe Les Républicains (LR) au Sénat s'est imposé comme une voix influente au sein de son parti ces dernières années. Bruno Retailleau fait ses premiers pas en politique dans les années 1980. Après des études en philosophie, il s'engage aux côtés de Philippe de Villiers, fondateur du Mouvement pour la France (MPF), parti souverainiste et conservateur. Il devient rapidement son bras droit, notamment en Vendée, département où Philippe de Villiers jouit d'une influence considérable. Bruno Retailleau sera élu conseiller général de Vendée en 1988, marquant le début de sa carrière politique à l'échelle locale.
Sa proximité avec Philippe de Villiers le conduit à devenir vice-président du Conseil général de Vendée en 1988, puis président du Conseil régional des Pays de la Loire en 2015. Toutefois, les relations entre les deux hommes se détériorent progressivement. En 2010, il prend ses distances avec le MPF pour rejoindre l'UMP, le parti de Nicolas Sarkozy, marquant un tournant dans sa carrière.
Une figure de la droite sénatoriale
Le Sénat devient rapidement le théâtre principal des ambitions politiques de Bruno Retailleau. En 2004, il est élu sénateur de Vendée et commence à se forger une réputation d'homme de terrain, attaché aux valeurs de la droite traditionnelle et. Ses prises de position sont souvent conservatrices sur les sujets sociétaux, mais il adopte une ligne plus libérale en matière économique.
En 2014, après la débâcle électorale de l'UMP aux municipales, Retailleau est élu président du groupe UMP (devenu Les Républicains en 2015) au Sénat. C'est dans ce rôle qu'il se fait véritablement connaître des Français. Il se positionne comme une figure de consensus au sein de son parti, capable de parler à toutes les sensibilités de la droite. Sous sa présidence, le groupe LR au Sénat fait évoluer certaines réformes du gouvernement de gauche, sous la présidence de François Hollande, notamment sur la loi Travail.
La campagne présidentielle ratée de 2017
Proche de François Fillon, Bruno Retailleau devient le coordinateur de sa campagne pour la présidentielle 2027 après la victoire de ce dernier à la primaire de la droite et du centre en 2016. Retailleau partage avec Fillon une vision conservatrice sur les questions sociétales et un libéralisme assumé sur les questions économiques.
Cependant, l'affaire des emplois fictifs qui éclabousse François Fillon compromet la campagne. Bruno Retailleau maintient son soutien jusqu'au bout, mais la défaite de Fillon au premier tour de la présidentielle marque un coup d'arrêt dans sa carrière. Cet épisode ne l'empêche pas de continuer à peser au Sénat, où il devient une figure d'opposition à la présidence d'Emmanuel Macron, tout en défendant un projet de droite fermement ancré sur les questions de sécurité et d'immigration.
Les ambitions nationales et la gestion de LR
Après l'élection présidentielle, Bruno Retailleau demeure une voix influente au sein de la droite, notamment face à la montée en puissance d'Emmanuel Macron et de La République En Marche. En 2020, il se présente à la présidence du parti Les Républicains, mais se retire finalement pour soutenir Christian Jacob, dans un geste de rassemblement. Bruno Retailleau incarne la droite sénatoriale, plus conservatrice et moins encline aux compromis que les autres élus de LR. Il a toujours plaidé pour une ligne dure sur les sujets régaliens.