Michel Barnier a enfin fait une blague, mais on ne sait pas qui était visé dans son discours
Pendant près d'une heure, il aura été imperturbable. Chahuté du début à la fin de son discours de politique générale, ce mardi, à l'Assemblée nationale, Michel Barnier n'a jamais ou presque tenté de répondre aux députés, principalement ceux de la France insoumise, qui ont tenté de perturber sa prise de parole. Lors d'un long monologue, servi d'une voix monocorde dans un brouhaha le rendant parfois inaudible, le Premier ministre est resté fidèle à son image : celle d'un homme politique stoïque, quitte à apparaître terne, tiède, voire froid. Mais avant la fin de son discours, Michel Barnier s'est pourtant laissé aller à un bon mot qui a été très remarqué dans l'Hémicycle.
Un trait d'humour inhabituel chez celui qui a été décrit par ses ennemis et ses rivaux comme un homme dénué du moindre second degré, le rendant parfois insipide ("Qu'est-ce qu'il est chiant, c'est un bonnet de nuit", avait déploré une cadre LR il y a quelques années. "Il est dénué d'humour, même Chirac le disait", avait soupiré un autre). Un défaut que Michel Barnier a lui-même reconnu par le passé : "Je sais que je suis tellement sérieux qu'il arrive qu'on me trouve ennuyeux".
"J'entends ici et là que certains ont des lignes rouges, parfois très rouges"
Cette fois, Michel Barnier a donc fait un effort, notamment au moment où il a déclaré avoir entendu ceux qui, à l'Assemblée, veulent fixer des "lignes rouges". Des lignes à ne pas franchir pour maintenir leur confiance dans le gouvernement. "J'entends ici et là que certains ont des lignes rouges", a ainsi lancé le chef du gouvernement ce mardi, entamant le dernier tiers de son intervention, avant de marquer une pause et de regarder les députés avec malice, pour ajouter "parfois très rouges", sourire en coin. Le clin d'oeil s'adressait sans aucun doute à la gauche de l'Hémicycle, qui a accueilli la vanne avec une ironie bruyante. Mais peut être pas seulement. Gabriel Attal, devenu chef du groupe Ensemble à l'Assemblée, et qui avait fixé plusieurs "lignes rouges" lui aussi, pour participer au fragile exécutif établi mi-septembre, a ostensiblement souri en entendant la blague de son successeur à Matignon.
Michel Barnier a d'ailleurs répondu en partie aux inquiétudes de l'ancien Premier ministre, en poursuivant sur cette thématique. "J'ai mes propres lignes rouges, qui sont celles de tout le gouvernement", a-t-il poursuivi, retrouvant tout son sérieux. Et le Premier ministre de lister les domaines dans lesquels son équipe sera inflexible : "aucune tolérance à l'égard du racisme et de l'antisémitisme", "aucune tolérance à l'égard des violences faites aux femmes", "aucune tolérance à l'égard du communautarisme", "aucun accommodement sur la laïcité", "aucune discrimination" et enfin "aucune remise en cause des libertés conquises au fil des ans". Une référence au mariage pour tous, à la PMA pour toutes et au droit à l'IVG, que le pôle central, incarné par Gabriel Attal, veut défendre bec et ongles, face à un gouvernement jugé trop conservateur.
Autre trait d'esprit, le Premier ministre a également indiqué qu'il se fixait cette ligne : "Ecoute, respect à l'égard de toutes les sensibilités politiques. Nous respecterons chacun d'entre vous, même si cela n'est parfois pas réciproque !" Une pique adressée finalement aux députés LFI qui s'indignaient régulièrement de ses propos.