Loi sur le narcotrafic : ce que veut mettre Retailleau dans nos téléphones est "dangereux" pour certains experts
Ce lundi 17 mars, la proposition de loi visant à lutter contre le narcotrafic arrive à l'Assemblée nationale. Il s'agit là d'un dossier prioritaire pour le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau. Ce dernier sera jugé sur sa capacité à convaincre, des députés socialistes jusqu'aux parlementaires du Rassemblement national. Un rejet du texte pourrait précipiter son départ du gouvernement comme il l'a laissé entendre. Parmi les points chauds, l'article 8ter. Il pourrait permettre aux services de renseignement français d'avoir accès aux messageries chiffrées pour traquer les narcotrafiquants de manière à obtenir leur contenu dans le cadre d'enquêtes.
Telegram, WhatsApp, Signal.. Autant de canaux utilisés par les délinquants pour communiquer, et d'indices qui passent sous les radars des enquêteurs. En commission des lois, le locataire de Beauvau avait mis en avant la nécessité de nouvelles techniques spéciales d'enquêtes, pour "lutter à armes égales" avec le crime organisé. Un postulat et un système de "mouchard" qui ne font pas l'unanimité dans l'hémicycle, loin de là.
"Le premier des hackers aurait accès à nos communication"
Pour le député RN de l'Hérault Aurélien Lopez-Liguori, il s'agit d'une "atteinte inacceptable à notre vie privée et à la sécurité de nos communications", fustigeait-il sur X le 4 mars dernier. "Les clés de déchiffrement sont au niveau des terminaux des utilisateurs. La clé n'est pas centralisée quelque part au sein de la plateforme (...) Il faudrait alors mettre en place des portes dérobées pour toutes les communications, ce qui dépasserait largement le cadre de la lutte contre le narcotrafic. Le premier des hackers aurait accès à nos communications", poursuivait-il.
Il est vrai qu'une telle méthode pose question concernant les libertés publiques des citoyens. Ce procédé est aussi redouté par les experts en cybersécurité. De son côté, le PS se positionne sur la même ligne sur le RN sur la question : "Il faut améliorer nos moyens de lutte contre le narcotrafic, mais pas en sacrifiant nos libertés publiques", lançait Paul Christophle, élu PS de la Drôme, le 5 mars 2025 sur le réseau social X. "Ce qu'on attend de la gauche, ce n'est pas de céder aux sirènes de la droite. Ça me sidère qu'un socialiste puisse signer un texte comme ça", s'indigne le député insoumis Ugo Bernalicis, spécialiste des questions de sécurité, après les propos d'Olivier Faure, plutôt favorable au projet de loi défendu par le ministre de l'Intérieur et contre le "laxisme" de la gauche. Ce texte créé également la confusion jusque dans la majorité présidentielle. La ministre du Numérique, Clara Chappaz, émet des réserves sur une mesure qui "ne pénaliserait pas seulement les criminels" mais "exposerait aussi nos citoyens, nos entreprises et nos infrastructures aux cyberattaques".
Selon l'association La Quadrature du net, "une telle mesure est extrêmement dangereuse […] Cela affaiblirait le niveau de protection de l'ensemble des communications et menacerait la confidentialité de tous nos échanges", peut-on lire dans les colonnes de Ouest-France. Bruno Retailleau espère lui, une "loi fondatrice" face à la "menace existentielle" que représente le narcotrafic aujourd'hui sur "nos institutions", a-t-il déclaré auprès du Parisien. Avec ces différentes levées de bouclier de part et d'autre de l'échiquier politique français, et les premiers débats en Commission des lois début mars, le vote s'annonce extrêmement indécis dans la Chambre basse du Parlement.