Proportionnelle aux législatives : qui est pour et qui est contre ? Les positions de chaque parti
François Bayrou passe à la vitesse supérieure. "Je proposerai à l'Assemblée nationale qui est souveraine, qu'elle examine cette question" de la proportionnelle aux élections législatives, a-t-il annoncé au micro de BFMTV-RMC le mardi 27 mai. Si l'idée semble sortie du chapeau, cela fait plusieurs semaines que le Premier ministre travaille dessus. Favorable à l'instauration de ce mode de scrutin depuis des années, le chef du gouvernement s'entretient avec les différentes forces politiques de l'Assemblée depuis la fin du mois d'avril pour sonder les positions de chaque groupe. Le tour de table touche à sa fin, mais François Bayrou souhaite voir les discussions se poursuivre dans l'hémicycle dans l'espoir de voir les modalités d'élection des députés évoluer avant les prochaines législatives.
L'adoption de la proportionnelle aux législatives est loin d'être garantie en cas de débat à l'Assemblée. Ce mode de scrutin n'a pas été mis en place depuis 1986 et il divise au sein de l'hémicycle. S'assurer de la majorité des voix des 577 députés ne sera pas chose aisée.
Quels partis politiques sont pour la proportionnelle ?
Soutenue par le Premier ministre qui est aussi le patron du MoDem, l'instauration de la proportionnelle aux législatives est une idée défendue par le mouvement centriste, et membre de la coalition présidentielle, depuis sa création en 2007. Le parti réclame l'application de ce mode de scrutin comme il avait été mis en place en 1986 : au niveau départemental avec un seuil de 5% nécessaire pour obtenir des sièges de député. Le MoDem soutient que des élections législatives proportionnelles permettraient une meilleure représentation du peuple à l'Assemblée nationale et favoriseraient le "pluralisme" ainsi que "l'esprit de compromis" selon Marc Fesneau, député et numéro 2 du parti.
La proportionnelle aux législatives est aussi réclamée par le Rassemblement national (RN). Le parti de Marine Le Pen souhaite cependant un mode de scrutin agrémenté d'une prime pour la liste arrivée en tête qui "attribuerait un pourcentage supplémentaire de sièges au parti arrivé en tête" pour faire "coïncider proportionnelle et stabilité gouvernementale", selon les explications du député Laurent Jacobelli. La cheffe de file des élus du RN a toutefois indiqué, à l'issue d'une consultation avec François Bayrou le 28 avril, être prête à renoncer à l'idée d'une prime majoritaire pour une élection à la proportionnelle standard qui serait un "moindre mal par rapport à un système majoritaire qui aujourd'hui ne permet pas que chaque voix des Français soit entendue".
Plusieurs partis de gauche sont également séduits par des élections législatives proportionnelles : La France insoumise (LFI), les Ecologistes et le parti Place publique de Raphaël Glucksmann se rejoignent sur l'idée d'un scrutin proportionnel régional. Cette méthode permettrait "de garantir à la fois un besoin de représentativité des différents courants politiques" et "une exigence de gouvernabilité (…) de représentation territoriale" selon le coordinateur de LFI, Manuel Bompard.
► Nombre de députés favorables. Si l'ensemble des élus appartenant à ces familles politiques votaient favorablement à l'instauration de la proportionnelle aux législatives, une proposition de loi ou un projet de loi pourrait obtenir jusqu'à 268 votes sur les 289 nécessaires pour avoir la majorité absolue. Insuffisant, mais proche de but.
Lesquels s'opposent à un scrutin proportionnel ?
Si la proportionnelle a le soutien du MoDem, elle a plus de mal à convaincre le reste de la coalition présidentielle. Les députés macronistes d'Ensemble pour la République (EPR) préfèrent conserver le mode de scrutin actuel qui est, selon eux, "le moins pire". Même Emmanuel Macron qui militait pour un système mixte incluant de la proportionnelle en 2018 a depuis revu sa copie. Dans le camp macroniste, seule la présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet se dit favorable à la proportionnelle mais uniquement dans les départements avec plus d'une dizaine de députés. Les députés du groupe Horizons sont encore plus opposés à l'instauration de la proportionnelle qui conduirait, selon Edouard Philippe, à "une absence de majorité".
Un autre groupe est fermement opposé à des élections législatives proportionnelles : celui des Républicains. Le parti de droite ne veut pas entendre parler de ce mode de scrutin qui est "le plus sûr moyen de ne pas donner à la France une majorité" selon les mots de Bruno Retailleau, nouveau président du parti, le 30 avril sur Europe 1. Laurent Wauquiez, chef de file des députés LR, partage cet avis.
► Nombre de députés défavorables. Les élus de ces trois familles politiques représentent 176 sièges à l'Assemblée nationale, bien loin de la majorité absolue qui permettrait de faire bloc contre une proposition ou un projet de loi. Ils privent tout de même les élus favorables des voix manquantes.
Quels partis n'ont pas encore tranché ?
Toutes les forces politiques ont des positions arrêtées sur la question de la proportionnelle aux législatives, à l'exception de deux partis de gauche : le Parti socialiste (PS) et le Parti communiste français (PCF). Le parti à la rose n'a pas tranché la question et doit "réfléchir" aux "hypothèses de travail" avancées durant l'entretien avec François Bayrou, le 20 mai. L'actuel patron du PS, Olivier Faure, s'est dit personnellement "convaincu que ce mode de scrutin est nécessaire" en septembre 2024, mais les autres branches du parti n'ont pas tranché.
Du côté du PCF, les élus ne sont pas fixés sur la question. Fabien Roussel a jugé le projet d'une proportionnelle intégrale sur le modèle de 1986 trop "vague" et "attend de savoir quel sera le texte complet" pour prendre position.
► Les voix des 66 députés socialistes et des 17 élus communistes peuvent faire basculer le scrutin d'un côté ou de l'autre. Il manquerait une trentaine de voix aux partis favorables à la proportionnelle pour faire adopter un texte instaurant le nouveau mode de scrutin et les élus socialistes représentent une réserve de voix suffisante, même sans unanimité au sein du parti.