Immunité et coronavirus : pourquoi la thèse de l'immunité croisée refait surface

Immunité et coronavirus : pourquoi la thèse de l'immunité croisée refait surface Deux études évoquaient récemment une immunité croisée au coronavirus. Mais comment cela fonctionne-t-il ? Permet-elle d'accéder plus rapidement à l'immunité collective ?

[Mis à jour le 5 juin 2020 à 18h21] Sommes-nous en voie d'être tous immunisés au coronavirus ? Si l'évolution de l'épidémie conserve encore de nombreuses part d'ombres pour les scientifiques, de récentes études brossent un tableau optimiste quant à la prochaine immunité collective.

Cette immunité collective - atteinte lorsque 65% de la population a contracté le Covid-19 - permettrait à l'épidémie de s'éteindre.  Or, d'après les modélisations de l'Institut Pasteur, seulement 4,4% des Français auraient été infectés par le SARS-CoV-2. Ainsi, cette chimère de l'immunité collective paraît présentement hors de portée. 

L'immunité croisée : tous protégés ?

Une récente étude californienne, parue dans la revue Cell, évoque l'hypothèse d'une immunité croisée. Ce terme désigne une "immunité acquise contre un agent infectieux, qui permet de protéger contre un autre agent (virus ou bactérie)", précise le site Futura sciences. "L'immunité croisée est liée au phénomène de réaction croisée. [...] Parfois, des anticorps se lient à des antigènes proches", et permettent de protéger contre des maladies similaires à la première infection. De facto, un patient contaminé antérieurement par un coronavirus — virus responsables de 15 à 20% des rhumes — pourrait être immunisé contre le SARS-CoV-2. Les auteurs ont estimé que 40 à 60% de la population serait protégée contre le Covid-19. "Une partie non négligeable de la population pourrait ne pas être sensible au coronavirus, parce que des anticorps non-spécifiques de ce virus peuvent l'arrêter", a expliqué l'épidémiologiste Laurent Toubiana à l'AFP. Une autre expérimentation berlinoise, prépubliée sur MedRxiv, avait démontré que 34% des participants à l'étude disposaient d'une immunité croisée contre le virus chinois.

Ces travaux n'en sont qu'à leurs esquisses et un article disponible sur le site Vidal se montre méfiant quant à la portée de cette protection. "L'immunité contre les coronavirus des rhumes dure environ 2 ans et il suffirait que l'immunité croisée observée par les équipes berlinoise et californienne soit due à un seul des 4 coronavirus des rhumes pour que des 'fenêtres d'opportunité' favorables au SARS-CoV-2 apparaissent régulièrement", est-il décrit dans le papier. Les auteurs de l'article ont conclu : "si les deux études […] donnent des raisons d'espérer une protection  'naturelle' d'une partie de la population, elles ne montrent en rien que cette immunité croisée puisse jouer un rôle dans le contrôle de la pandémie Covid-19." 

L'immunité est-elle protectrice ?

Outre cette problématique d'immunité croisée, des interrogations demeurent sur une possible immunité post-infectieuse. Les équipes du CHU de Strasbourg et de l'Institut Pasteur ont réalisé une étude afin de préciser la réponse immunologique des individus atteints de formes mineures d'infection par le SARS-CoV-2. Les chercheurs ont rapporté leurs conclusions dans une pré-publication disponible sur le site de MedRxiv. La méthodologie appliquée est la suivante : les scientifiques ont réalisé des tests "immunodiagnostics" et des tests rapides sur 160 volontaires, membres du personnel hospitalier des deux sites des Hôpitaux Universitaires de Strasbourg, infectés par le Covid-19 (et diagnostiqués positifs par PCR). L'étude révèle que le "test 'immunodiagnostic' rapide a détecté des anticorps dans 153 (95,6%) des échantillons et le test S-Flow dans 159 (99,4%)". Aussi, des "anticorps neutralisants (NAbs) ont été détectés dans 79%, 92% et 98% des échantillons prélevés, respectivement 13-20, 21-27 et 28-41 jours après le début des symptômes." "Notre étude montre que les niveaux d'anticorps sont, dans la plupart des cas, compatibles avec une protection contre une nouvelle infection par SRAS-CoV-2, au moins jusqu'à 40 jours après le début des signes. L'objectif maintenant est d'évaluer sur le long terme la persistance de la réponse anticorps et sa capacité de neutralisation associée chez ces personnels soignants", ont commenté, dans un communiqué, Timothée Bruel et Olivier Schwartz, respectivement chercheur et responsable de l'unité Virus et immunité à l'Institut Pasteur.

Une expérimentation antérieure sur des macaques rhésus a démontré qu'après une première infection les signes étaient protégés contre la maladie. Dans Le Monde, Olivier Schwartz a commenté "cela n'infirme pas une réinfection, mais les chercheurs ont constaté une augmentation rapide du taux d'anticorps contre le SARS-CoV-2, une élimination plus rapide du virus. Ces anticorps favorisent une forme bénigne, atténuée de la maladie. C'est une immunité protectrice mais pas stérilisante."

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