Eugénie Brazier : l'incroyable destin de celle qui révolutionna les bouchons lyonnais

EUGENIE BRAZIER - Surnommée la "mère Brazier", Eugénie Brazier est la première cheffe a être triplement étoilée par le Guide Michelin. Google rend hommage ce mardi à celle qui aura marqué l'histoire de la gastronomie française par son parcours hors du commun.
[Mis à jour le 12 juin 2018 à 17h55] L'une des cuisinières les plus importantes du XXe siècle, Eugénie Brazier, est célébrée par Google ce mardi avec un hommage à travers un doodle. Surnommée dans le milieu la "mère Brazier", Eugénie Brazier est la première femme cheffe de cuisine à avoir obtenu trois étoiles au Guide Michelin, et cela à deux reprises pour deux établissements différents. Le destin exceptionnel de cette femme aura marqué les époques. Elle aurait fêté aujourd'hui ses 123 ans.
Devenue l'emblème de la ville de Lyon et de la cuisine lyonnaise dans le monde, la cheffe donnera des ordres dans un restaurant sans électricité en 1945 au jeune Paul Bocuse en apprentissage dans l'un de ses restaurants. Eugénie Brazier ne doit sa réussite et sa place dans les livres de cuisine et d'histoire gastronomique qu'au travail et au talent. Car le parcours fut long pour cette enfant du pays lyonnais.
Issue d'un milieu très modeste, Eugénie Brazier est très jeune placée par son père, un paysan bressan, dans une des fermes de Bourg-en-Bresse, à la mort de sa mère, au début du XXe siècle. A seulement 10 ans, elle s'occupe des vaches et des cochons. C'est là, dans les cuisines de la ferme, où elle doit mettre la main à la pâte, qu'elle apprend à concocter des plats simples avec peu d'ingrédients. Elle tombera enceinte de son premier amour à l'âge de 19 ans. Mise à la porte par son père et incapable d'assumer l'enfant, Eugénie Brazier laissera son bébé en nourrice dans le village de ses parents pour monter à Lyon.
Volailles, quenelles... Eugénie Brazier excelle
La jeune Eugénie est engagée comme bonne et nourrice dans une famille bourgeoise, et alors que la cuisinière attitrée tombe malade, elle l'a remplace et se découvre plus qu'une passion, une vocation. En 1915, elle décide, alors qu'elle n'a que 20 ans, de se consacrer entièrement à la cuisine et d'en faire son métier. Elle intègre l'établissement de la mère Filloux puis à la brasserie du Dragon. A 26 ans, elle ouvre son propre bouchon lyonnais et impressionne. 12 ans plus tard seulement, sa renommée nationale convainc le célèbre Guide Michelin avec ses recettes originales et obtient 3 étoiles pour son établissement. La cuisine française est marquée par ses plats emblématiques tels que la volaille demi-deuil, la langouste Belle Aurore, son gâteau de foie de volaille et de lapin ou encore ses quenelles et terrine à sa façon.
C'est à la suite d'une dispute qu'en 1968 Eugénie Brazier passe la main à son fils Gaston. La fille de Gaston et petite-fille d'Eugénie, Jacotte Brazier, intègre le restaurant de la rue Royale dont elle prendra la direction pour préserver l'héritage familial. Sa petite-fille Jacotte créée en 2007 avec l'Association "Amis d'Eugénie Brazier" le Prix Eugénie Brazier qui récompense et met à l'honneur les ouvrages de cuisine centrés sur les femmes ou écrits par des femmes. Jacotte Brazier expliquait avoir créé ce prix "pour transmettre aux jeunes futures cuisinières les valeurs professionnelles, valoriser et promouvoir l'oeuvre de (s)a grand-mère". Symbole de la gastronomie à la lyonnaise, Eugénie Brazier aura marqué les esprits par une impressionnante générosité culinaire et des saveurs inimitables.
Plus qu'une cuisinière, c'est une légende de la gastronomie que perd la France en 1977. Peu de femmes auront réussi à se faire un nom parmi le monde très masculin de la grande gastronomie. Mais au moins une figure féminine aura marqué les esprits au point de dépasser la plupart des grands chefs hommes : Eugénie Brazier. Le souci absolu de la perfection dont elle était éprise ont fait de ses plats d'incontournables recettes lyonnaises. Et alors que l'établissement familial était en faillite, la cuisine riche mais généreuse de la "mère Brazier" a convaincu le chef Mathieu Viannay de reprendre les rênes du restaurant en 2008. Et aujourd'hui, le moins que l'on puisse dire, c'est que les recettes d'Eugénie Brazier sont toujours autant appréciées.