A quel point le glyphosate est-il dangereux ? Ce que dit vraiment la science

A quel point le glyphosate est-il dangereux ? Ce que dit vraiment la science Alors que l'usage du glyphosate dans l'Union Européenne vient d'être renouvelé pour 10 ans par la Commission Européenne ce jeudi 16 novembre, les risques pour la santé et l'environnement qui entourent cet herbicide restent très débattus.

La question portant sur les risques sanitaires que représente le glyphosate, l'herbicide le plus vendu au monde, divise beaucoup les experts. Deux sons de cloches séparent d'un côté une majorité de scientifiques et de l'autre les instances de l'UE en charge des sujets portant sur la sécurité alimentaire et sur les produits chimiques. 

Du côté des scientifiques, il existe un assez large consensus considérant que le glyphosate est un produit dangereux. Contrairement à d'autres substances, il existe un grand nombre d'études désormais sur le glyphosate qui permettent d'en savoir plus. Par exemple, en 2015, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) rattaché à l'OMS, le classe dans la catégorie cancérogène probable.

Il a également été prouvé, dans une étude de l'Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) datant de 2021 que l'exposition au glyphosate augmente potentiellement les risques d'être atteint de lymphome non hodgkinien (un type de cancer du sang) pour les agriculteurs qui y sont exposés. Des tests menés chez diverses espèces animales ont apporté les mêmes résultats. 

Risques pour la santé et pour l'environnement

Dans une interview livrée à Mediapart en septembre 2023, la toxicologue et spécialiste des pesticides à l'Institut national pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae) Laurence Huc revient sur des études menées par la United States National Library of Medicine (bibliothèque spécialisée en médecine basée aux Etats-Unis). La première, une méta-analyse épidémiologique de 2019 basée sur l'ensemble des données disponibles sur les populations d'agriculteurs met en avant que le risque de développer un lymphome non hodgkinien serait augmenté de 40%. Elle mentionne également une autre étude, cette fois-ci une analyse groupée portant sur plus de 3 millions de sujets, tendant à montrer que le risque de développer un lymphome non hodgkinien augmente de 36% en cas d'exposition au glyphosate. 

Outre les risques de cancer qu'apporte l'exposition à cet herbicide, le CIRC estime qu'il existe des preuves convaincantes que le glyphosate serait une substance génotoxique, c'est -à-dire qu'il pourrait altérer l'ADN d'êtres vivants. Un résultat partagé par d'autres études. 

Bien qu'il ne soit pas reconnu comme tel officiellement par l'Union Européenne, les scientifiques reconnaissent le glyphosate comme un perturbateur endocrinien, une substance aux effets néfastes sur la fertilité. Toujours selon Mme Huc, le glyphosate serait aussi neurotoxique, c'est-à-dire néfaste pour le système nerveux.

L'humanité n'est pas la seule concernée par les risques du glyphosate. Il s'agit également d'un produit dangereux pour l'environnement. Ses effets seraient très larges et concernent aussi bien la qualité de l'eau et de l'air que la richesse des sols.

L'UE présente ses propres résultats

Des résultats scientifiques qui peinent à se faire une place dans les institutions de l'Union Européenne. Mais deux agences sont chargées du le sujet pour l'UE : l'Efsa (l'Autorité européenne de sécurité des aliments) et l'ECHA (l'Agence européenne des produits chimiques). Ces deux agences ont un fonctionnement similaire dans l'établissement de leur décision. 

Tout d'abord elles sont libres de choisir les études sur lesquelles elles basent leurs rendus. Les critères de sélection mis en avant sont notamment la pertinence des études et aussi celles conformes à la certification "bonnes pratiques de laboratoire", une norme datant des années 1970. Un label cependant onéreux et qui écarte certains aspects de recherche. Des critères qui encouragent la grande majorité des chercheurs à s'en détourner.

Il convient aussi de mentionner la potentielle existence d'un conflit d'intérêt présent dans une telle affaire. En effet, selon Laurence Huc, l'Efsa serait plus disposée à considérer les études menées par les industriels qui conduisent eux même leurs recherches, avec quelques biais. Des éléments qui expliquent la décision de l'Efsa de déclarer que l'impact du glyphosate n'était pas "une préoccupation critique" conduisant donc à la possibilité pour l'UE d'un renouvellement de son usage. 

Cependant, en 2019, le chercheur américain Charles Benbrook a publié une analyse, basée sur l'ensemble des recherches effectuées sur les liens entre le glyphosate et la génotoxicité, arrivant à la conclusion qu'en excluant les recherches suspectées de conflit d'intérêt, 75% des études établissent la génotoxicité du glyphosate.