Atteindre l'Everest, c'est devenu trop facile ? Inoxtag critiqué par les alpinistes

Atteindre l'Everest, c'est devenu trop facile ? Inoxtag critiqué par les alpinistes Il y a ceux qui ont adoré et ceux qui détestent jusqu'à l'idée d'un tel défi. Au sujet du documentaire d'Inoxtag retraçant près d'un an de préparation et son ascension de l'Everest, le milieu de l'alpinisme est divisé.

Six mois après avoir disparu des réseaux sociaux et de YouTube pour entreprendre son périple himalayen, la jeune star d'Internet, Inès Benazzouz, connu sous le pseudo Inoxtag, révélé en 2015, est réapparu sur les petits et les grand écrans avec un documentaire nommé "Kaizen : 1 an pour gravir l'Everest". En peu plus de deux heures, Inoxtag montre les grandes étapes de sa préparation ainsi que son périple sur le plus haut sommet du monde.

Ce projet, le youtubeur l'avait annoncé en 2023, s'en était suivi un important entraînement au cours duquel il a gravi une dizaine de montagnes dont le Mont Blanc (4809m) et l'Alma Dablam (6812m) au Népal, tout en partageant ses aventures sur ses réseaux sociaux, forcément c'est son métier. Après la sortie de son documentaire dont on sent l'empreinte de YouTube, les réactions ne sont pas fait attendre. Le film d'abord projeté au cinéma avant d'être gratuitement disponible à battu des records. 20 millions de vues sur YouTube en deux jours, et plus de 300 000 entrées lors de son avant-première dans les salles obscures, une vraie réussite pour le jeune homme - et ses partenaires financiers. 

Mais ce succès s'accompagne de nombreuses critiques, sur les réseaux sociaux mais également chez les professionnels et les alpinistes chevronnés. "A son annonce, j'avais dit que ça n'avait pas d'intérêt et que c'était une catastrophe" à confié Pascal Tournaire à l'Equipe, alpiniste et photographe qui a lui-même affronté l'Everest pour se hisser à son sommet, 34 ans avant Inoxtag.

Les alpinistes s'inquiètent de l'après Inoxtag

"Après avoir vu le film je n'ai absolument pas changé d'avis […] il faut rappeler qu'un gamin et une gamine de 14 ans, un papy japonais de 83 ans ont aussi réussi à monter là-haut", a-t-il poursuivi, ajoutant que : "Si on se donne les moyens, c'est accessible à n'importe quelle personne en bonne santé qui se botte un peu les fesses. Là je ne vois pas où est l'exploit". D'autant que pour le professionnel, l'usage d'une aide d'oxygène par le youtuber et son équipe diminue grandement la prouesse du jeune homme. "Aujourd'hui, gravir l'Everest avec de l'oxygène, c'est comme faire le Tour de France avec un vélo électrique" conclut-il.  

Pascal Tournaire n'a pas été le seul à se montrer critique quant à l'ascension entreprise par le youtubeur. Au printemps, son ancien partenaire Marc Batard dénonçait une "marchandisation de l'Everest", fustigeant que le toit du monde soit devenu un lieu de tourisme qui conduisait à la pollution de site. Pour l'alpiniste, le youtubeur se positionnait "très loin des valeurs de l'alpinisme". 

Pour d'autres, le problème est ailleurs. "Dans l'absolu il faudrait interdire le sommet de l'Everest à toutes tentatives, comme le fait le Bouthan pour les plus de 600 m de son territoire, et rendre ce sommet à sa solitude et à son sacré" estime l'alpiniste et artiste Jean-Marc Rochette depuis son compte Instagram. Il ajoute que l'ascension de cette montagne constitue un "viol ontologique" tout en rappelant qu'il serait nécessaire de "bannir le toponyme "Everest" [...] et lui redonner son vrai nom népalais "Chomolungma", la déesse du Monde". 

La légitimité aussi au cœur de la discorde

Mais comme pour les internautes, chez les alpinistes certains ne voient pas l'aventure entreprise par le youtubeur d'un mauvais œil. A commencer par son guide, Mathis Dumas, de neuf ans son aîné, et avec qui il a partagé la tente sur le plus haut sommet du monde. "Un youtubeur, ça sentait forcément le coup de communication. Mais en apprenant à le connaître, je me suis rendu compte qu'il avait une vraie démarche réfléchie derrière", confiait le guide de haute montagne avant leur départ pour le Népal.

Le point de vue est le même pour l'alpiniste François Damilano qui a livré à France Info, voir dans plusieurs critiques une forme de "snobisme", voire de "sectarisme" de la part de ses pairs. Il a également dénoncé le "regard extrêmement condescendant vis-à-vis des gens qui rêvent de faire ces grands sommets et qui se jettent dedans à corps perdu" rappelant que lui-même n'était pas plus légitime qu'un autre pour grimper l'Everest.