Le port du voile dans le sport contrevient-il au principe de laïcité ?
Le port du voile dans les enceintes sportives enflamme la scène politique. Mardi 18 mars 2025, le Premier ministre François Bayrou a convoqué une réunion avec plusieurs gros poissons de l'exécutif, comme la ministre de l'Education nationale Elisabeth Borne, celui de l'Intérieur Bruno Retailleau, la ministre des Sports Marie Barsacq ou encore celle chargée de l'Egalité, Aurore Bergé. Preuve du climat délétère, le garde des Sceaux Gérald Darmanin - aussi convié à cette entrevue - a tout simplement menacé de démissionner si le gouvernement cédait sur ce terrain-là.
Si le sujet est hautement inflammable, il repose sur des textes bien précis. La laïcité implique d'abord la séparation de l'Etat et des organisations religieuses. Ce qui induit une neutralité absolue de l'Etat, des collectivités territoriales et des services publics, "non de ses usagers", précise-t-on sur Info Gouv. De plus, la laïcité "garantit le libre exercice des cultes et la liberté de religion, mais aussi la liberté vis-à-vis de la religion : personne ne peut être contraint au respect de dogmes ou prescriptions religieuses", peut-on également lire.
Actuellement, c'est principalement au sujet du port du voile dans le sport que le torchon brûle entre les diverses formations politiques et au sein même de la majorité présidentielle. En février dernier, une proposition de loi initiée par Les Républicains et votée au Sénat visant à interdire le voile dans les compétitions sportives mettait le feu aux poudres. Face à ce texte, la ministre des Sports mettait elle en garde contre "les confusions" et les "amalgames" entre le port du voile et la radicalisation dans l'univers sportif.
L'interdiction "au nom de la laïcité est absurde"
Dans ce contexte, le juriste et ancien secrétaire général de l'Observatoire de la laïcité, Nicolas Cadène, tente d'apporter de la clarté sur un sujet qui en demande tant. Dans les colonnes de La Croix, il publiait en janvier dernier une tribune sur la laïcité dans le sport. D'après lui, l'interdiction du port d'un signe religieux dans le sport "au nom de la laïcité est absurde, car la laïcité ne suppose la neutralité que de ceux qui représentent l'administration publique, pour garantir l'égalité du service pour tous, quelles que soient leurs convictions".
Un propos partagé par l'ex-Premier ministre et candidat à l'élection présidentielle de 2027, Edouard Philippe : "Aujourd'hui, une interdiction générale et absolue du port du voile dans le sport serait contraire à ce qu'est la laïcité en France", estime-t-il au micro d'Europe 1. Selon lui, deux piliers constituent la laïcité en France : la neutralité absolue des détenteurs de l'autorité publique et la liberté des citoyens de pratiquer et de manifester leur culte. Un discours très proche de la formulation du site officiel du gouvernement qui évoque lui un "droit à la liberté d'expression", des "croyances ou convictions" et "le libre exercice des cultes et la liberté de religion".
Nicolas Cadène, lui, prend un exemple précis pour illustrer son propos. "Un équipement sportif public ne peut pas être utilisé comme salle de prière, puisqu'il ne peut avoir une destination cultuelle, l'administration étant séparée des cultes". Aussi, "les municipalités peuvent déjà interdire dans leurs piscines tout maillot qui pose un problème d'hygiène, de sécurité ou d'ordre public. Sur ces critères, le burkini comme un maillot trop ample y est déjà, sauf exception, interdit", poursuit-il.
Les propositions parlementaires sont pour le spécialiste, "contraires à la laïcité lorsqu'elles imposent une interdiction générale et absolue, de fait, de tout accessoire visible à tout sportif croyant, pour toute compétition". Il est important de rappeler que des interdictions de signes religieux peuvent être appliquées dans certains sports dès lors qu'elles s'appuient objectivement sur la tenue réglementaire du sport en question ou qu'elle touche à l'hygiène, mais en aucun cas sur la laïcité, comme l'a déjà rappelé le Conseil d'Etat. Autrement dit, la neutralité religieuse dans le sport s'applique déjà mais elle ne s'appuie pas sur la laïcité, plutôt sur l'ordre public, "les règles du jeu" ou des "règlements techniques", abonde Nicolas Cadène, toujours dans le journal La Croix. Pour rappel, la laïcité n'est en aucun cas une conviction, mais le principe qui les autorise toutes, tant que l'ordre public est respecté.