Le port du voile interdit partout aux moins de 15 ans : une mesure dans les clous de la laïcité ?
Cette proposition de Gabriel Attal va mettre le feu aux poudre. Le député des Hauts-de-Seine prévoit de soumettre l'idée d'interdire le port du voile aux mineurs de moins de 15 ans dans l'ensemble des espaces publics à l'Assemblée nationale, selon les informations du Parisien. Il est certain que le projet du président du groupe de députés macronistes va susciter le débat, il a déjà entraîné de vives réactions, mais il va aussi se confronter à un des principes fondamentaux de la République : la laïcité.
La laïcité de l'Etat est prévue par l'article premier de la Constitution de 1958 : "La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances." Ce principe implique une neutralité stricte de l'Etat vis-à-vis de toutes les religions, sans les interdire. Grâce à la laïcité, chaque citoyen est libre de manifester ses croyances religieuses quelles qu'elles soient ou, au contraire, l'absence de conviction religieuse. La seule condition est que l'expression de ses croyances n'entraîne pas de troubles à l'ordre public.
C'est pourquoi le port de signe religieux n'est pas interdit dans les espaces publics : les femmes musulmanes ont le droit de porter le voile, et ce, quel que soit leur âge. De même que les personnes de confession catholique peuvent porter des croix et que les personnes juives sont autorisées à porter la kippa.
Deux exceptions à l'autorisation du port du voile
L'un des seuls interdits vestimentaires dans l'espace public, prévu par la loi du 11 octobre 2010, est le port d'une tenue dissimulant le visage : "Nul ne peut, dans l'espace public, porter une tenue destinée à dissimuler son visage" qu'il soit religieux ou non, à l'instar d'une cagoule. Une mesure qui limite donc le port du voile musulman au hijab qui ne couvre pas le visage, le voile intégral comme le niqab, qui ne laisse apparaître que les yeux, et la burqa, qui ajoute un voile de coton au niveau du regard, étant prohibé.
Dans le cas des mineurs, une autre interdiction s'oppose au port du voile : le principe de laïcité à l'école. "Dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit", dispose l'article L. 141-5-1 du Code de l'éducation. Le port d'une kippa juive, d'une croix chrétienne de taille imposante ou du voile musulman est proscrit par ce texte. Mais il reste possible de porter des signes religieux discrets comme un pendentif dissimulé sous un tee-shirt ou des vêtement couvrants, comme des robes longues, des tee-shirts à manches longues ou des pantalons sont autorisés. Ces vêtements doivent cependant être sans connotation religieuse, à la différence de l'abaya également proscrite dans les établissements scolaires.
Le port du voile pour les mineurs de 15 ans fait déjà l'objet de quelques interdictions, à l'école et s'il s'agit d'un voile intégral. Etendre ces interdictions à tous les espaces publics sous prétexte de l'âge comme proposé par Gabriel Attal contreviendrait directement au principe de laïcité. Cela constituerait même une forme de discrimination puisque l'interdiction ne porterait que sur les signes religieux musulmans et non catholiques, juifs ou autres. Preuve en est, plusieurs critiques en séparatisme ont été formulées contre le député et ancien Premier ministre. Jusque dans son camp, l'élu est accusé de "donner des arguments" à la thèse de "l'islamophobie d'Etat".