Des enseignants alertent sur les programmes de géographie, ils sont loin d'être neutres

Des enseignants alertent sur les programmes de géographie, ils sont loin d'être neutres Le programme scolaire de géographie revêt plusieurs problèmes selon plusieurs professeurs qui alertent sur les conséquences pour les enfants.

Les élèves français ont retrouvé le chemin de l'école pour une nouvelle année scolaire, marquée par de nombreux changements. Des modifications qui n'épargnent pas le programme. De la maternelle jusqu'au lycée, les enseignants doivent composer avec de nouvelles consignes dans la plupart des matières. Pourtant, une partie des professeurs se plaint de certains enseignements inculqués aux enfants, notamment dans une discipline qui n'a connu aucune révision depuis quelques années : la géographie.

Plusieurs enseignants et maîtres de conférence en géographie alertent sur la place laissée à cette discipline dans l'éducation des enfants et surtout sur la façon dont la matière est enseignée. Dans une tribune publiée dans Le Monde, ils dénoncent le fait de "réduire la géographie à une discipline descriptive fondée sur des repères à mémoriser, véhiculant une vision imposée du monde au détriment de la formation d'une pensée autonome" et critique chez les élèves.

Liste de repères à savoir placer sur une carte ou liste d'acronymes et d'indicateurs à apprendre pour jauger les atouts et faiblesses des différents pays... Les professeurs regrettent l'absence, ou la place trop secondaire, de la théorie et de l'analyse dans les programmes scolaires de géographie, qui ne favorise pas "la construction des savoirs par les élèves".

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L'approche actuelle relègue "les outils de pensée de la discipline et les grands concepts géographiques [...] au second plan". Surtout, elle limite la géographie à un "inventaire du monde" selon une vision prédéterminée, biaisée et "obsolète", signalent les spécialistes. Un problème en partie lié à la subordination de la géographie à l'histoire, autre limite pointée dans la tribune.

En plus de ne pas solliciter la capacité analytique des élèves, les programmes de géographie "renvoient à une vision binaire et hiérarchisée du monde centrée sur les 'vainqueurs de la mondialisation'". En d'autres termes, d'une science abordée par le prisme, daté, de sociétés privilégiées ayant un ascendant logique sur le reste du monde. "C'est une géographie de la puissance, fondée sur une grille de lecture économique qui oppose un 'Nord développé' à un 'Sud en manque', et relègue les anciens pays colonisés à une position subalterne, marqueur de colonialité", expliquent les enseignants.

Une vision du monde qui ne tient pas toujours compte des nouvelles dynamiques insufflées par le contexte mondial actuel. "L'Afrique est essentialisée, réduite à la pénurie et à la malnutrition, occultant l'importance des mécaniques et des acteurs locaux. L'Europe est idéalisée comme modèle vertueux de gouvernance", soulignent les enseignants. Un jugement de valeurs qui n'est pas compatible avec l'approche scientifique neutre et rigoureuse que nécessite l'apprentissage de la géographie.

Ce biais serait d'ailleurs renforcé "par des attentes sociales et politiques" qui se devinent dans les programmes et manuels de géographie d'après les signataires de la tribune. Les professeurs appellent donc à revoir les programmes et à repenser la manière d'enseigner la géographie pour en faire une discipline "citoyenne et émancipatrice" avec un regard plus précis, plus juste et moins biaisé sur le monde.