Déjà vu ? Pas si sûr...

A la croisée des chemins entre l’enquête policière et le film d’anticipation, "Déjà vu" s’inscrit dans la veine des films à vocation distractive.

Dans une Louisiane meurtrie par les ravages de l’ouragan Katrina, l'agent Doug Carlin accepte une mission à haut risque au sein d'une nouvelle cellule du FBI disposant d’un appareil gouvernemental top secret permettant d'ouvrir une « fenêtre sur le temps ». Déterminé à retrouver les preuves nécessaires à l'arrestation d'importants criminels, l’enquêteur accède aux dessous d’un laboratoire expérimental capable de révolutionner les limites du temps et de l’espace.

Ce film, qui pourrait aisément basculer dans une énième adaptation stérile d’un sujet en vogue, (celui de la prédiction), échappe avec agilité aux clichés et autres ficelles habituelles d’un scénario standardisé. Par ses multiples ressorts combinés à un rythme nerveux, Déjà vu ne se confond en rien à un vulgaire épisode de science-fiction. Association impossible donc pour cet opus qui se démarque franchement là où d’autres échouent en s’enfermant dans une affreuse banalité. Sans doute cette réussite est-elle due à l’habile mélange des genres, ainsi qu’aux variations constantes de la trame narrative qui sous-tend le récit. Si Déjà vu parvient à déjouer le piège consistant à céder au recours de procédés répandus – menace plus pesante encore sur les réalisations fantastiques – c’est qu’il évite une dispersion tous azimuts, en assurant la stabilité de sa trajectoire, elle-même construite sur la coexistence de deux réalités mitoyennes comprises dans un ensemble de lignes événementielles bien distinctes.

A cette juxtaposition temporelle, s’ajoute la résolution d’une intrigue policière où se mêlent fausses pistes et investigations haletantes. Le tout s’articule autour d’une forte cohésion dans laquelle chaque détail a son importance puisqu’il cimente une vraisemblance générale entretenue sans faille. Non enfreintes, les lois de la physique quantique sont quant à elles soigneusement préservées, déjouant une interprétation trop libérale qui produirait un inévitable discrédit. Mieux, si l’on se réfère aux travaux sur les principes théoriques du voyage dans le temps, ils apparaissent en conformité avec les expériences menées dans Déjà vu : ainsi, les postulats scientifiques spéculant l’existence de mondes parallèles (théorie des embranchements) aboutissent aux mêmes conclusions que celles exposées dans le film, sans entorse majeure ni grossière distorsion. La véritable force de Déjà vu réside donc à la fois dans la précision de son scénario, mais aussi dans le choix judicieux d’avoir apposé, à l’acte terroriste d’un déséquilibré, l’épaisseur et le relief d’une histoire amoureuse.

Déjà vu pose ainsi la question de savoir jusqu’où nous serions prêts à aller pour sauver une femme disparue du royaume des vivants. Un film quasi orphique qui allie magistralement l’action à l’anticipation et soulève une question sinon insoluble, du moins complexe : peut-on résolument s’éprendre d’une inconnue que le destin n’a pas encore consenti à nous présenter ?