Kick : quelle est cette plateforme controversée qui a diffusé la mort du streamer Jean Pormanove ?
Au pays des diffusions de vidéos en direct, il est difficile d'échapper au mastodonte qu'est Twitch. Le site, racheté par Amazon en 2014, comptabilise près de 105 millions d'utilisateurs actifs chaque mois qui viennent suivre leurs streamers préférés. Qu'il s'agisse de diffuser du jeu vidéo ou des événements spéciaux, Twitch s'est rapidement imposé dans le paysage culturel comme une référence en matière de diffusion en direct, s'illustrant également dans le domaine du caritatif avec des événements comme le ZEvent ou "Stream for Humanity".
Pourtant, une ombre baptisée "Kick" plane sur Twitch depuis quelques années. Pensée comme plus proche des diffuseurs de contenus, cette nouvelle plateforme enchaine les controverses depuis son lancement en 2022. Le lundi 18 août, elle refait parler d'elle en diffusant en direct la mort du streamer Jean Pormanove.
Kick, l'eldorado pour les streamers avec le partage de revenus
Lancée par Bijan Tehrani et Ed Craven (déjà responsables du site de casino et paris en ligne Stake.com), Kick est une plateforme de streaming pensée pour s'imposer face au célèbre Twitch. Afin de se distinguer des nombreux concurrents de l'époque comme YouTube Gaming ou Facebook Live, Kick se concentre sur la rémunération des diffuseurs de contenus en mettant en place un partage de revenus de 95% pour les streamers et 5% pour la plateforme. Une petite révolution à l'époque où Twitch, toujours leader sur le marché, ne proposait qu'une répartition de 50-50 longtemps jugée contraignante par de nombreux streamers.
Ce partage de revenus va alors inciter plusieurs personnalités du monde du streaming à quitter Twitch au profit de Kick. Parmi les streamers évoqués, on peut notamment citer Hikaru Nakamura, grand maître d'échecs, mais surtout plusieurs profils venant d'internet comme le streamer Adin Ross ou encore xQc qui signera un accord non exclusif de 70 millions de dollars avec Kick. D'autres personnalités du monde du streaming migreront également de Twitch vers Kick avec plusieurs gros noms comme la streameuse Amouranth ou l'expert de Fortnite, Ninja en 2023.
Big moves
— Kick (@KickStreaming) June 9, 2023
Un site aux multiples controverses
Si Kick revient régulièrement au centre de nombreux débats en ligne, c'est aussi parce que la plateforme suscite régulièrement la controverse. Régulièrement accusée "d'accueillir les bannis de Twitch", Kick ne cache pas sa politique de modération bien plus légère par rapport à la plateforme d'Amazon.
Kick, plateforme du masculinisme et de l'extrême droite américaine
Depuis son lancement en 2022, Kick a accueilli de nombreux profils de streamers notamment attirés par un partage de revenus plus intéressant que sur Twitch, mais également une plus grande liberté d'expression. Le site accueille ainsi des profils comme l'américain Adin Ross déjà banni 8 fois de Twitch avant que son profil ne soit définitivement supprimé du site.
De par l'arrivée de certains profils sur sa plateforme, Kick s'érige petit à petit comme le site de référence pour les diffusions de masculinistes. On y retrouve notamment Andrew Tate, ancien kick-boxer reconverti dans les discours polémiques suite à de multiples propos estimés comme misogynes et agressifs.
Des propos que l'on retrouve également sur la chaine Kick du diffuseur Nick Fuentes, commentateur américain d'extrême droite banni de YouTube en raison de ses déclarations masculinistes et notamment sa phrase "ton corps, mon choix" à l'égard de la gente féminine suite à la victoire présidentielle de Donald Trump.
Un modèle financier qui inquiète
Comme évoqué précédemment, Kick est l'oeuvre des détenteurs de Stake.com, un site de casinos et paris en ligne dont la réputation est assez mal vue en Europe. A son lancement, la plateforme de vidéos en direct héberge de nombreux streams centrés sur les jeux d'argent en ligne, menant à plusieurs restrictions et interrogations dans certains pays comme en Grève où plusieurs chaines seront interdites de diffusion.
Kick reportedly blocked in Greece for providing unauthorized gambling services pic.twitter.com/zEcoMsCusa
— Dexerto (@Dexerto) June 21, 2023
En France, le site a récemment fait plusieurs ajustements afin de réduire la visibilité des streams centrés sur les jeux d'argents et leur impact sur les spectateurs les plus jeunes afin de se mettre en règle avec les normes du pays sur la question.
Une enquête de Mediapart et signalements auprès de l'Arcom
Récemment, Kick a refait parler suite à la mort en direct du streamer Jean Pormanove. Grand habitué du site, l'homme de 46 ans était suivi par plus d'un demi-million de personnes. Lors de ses diffusions en direct, Raphaël Gravenest (de son vrai nom) était régulièrement humilié, torturé et frappé par deux de ses partenaires de streaming baptisés Naruto et Safine.
En décembre 2024, le site Mediapart diffusait une enquête à l'encontre du site Kick. Baptisé "" far-west " de la vidéo où règne le laisser-faire", l'article évoquait notamment la chaîne de Jean Pormanove, alors première chaîne française avec près de 161 000 abonnés à raison de 25 jours de diffusion par mois. Dans ces diffusions, on y retrouvait régulièrement l'intéressé se faire maltraiter en direct. De multiples contenus pouvant constituer des infractions selon les juristes de Mediapart et qui mènera à un signalement auprès de la ministre chargée du Numérique, Clara Chappaz, sans réponse jusqu'à la mort de Jean Pormanove ce lundi 18 août.
Le décès de Jean Pormanove et les violences quil a subies sont une horreur absolue. Jadresse toutes mes condoléances à sa famille et à ses proches.
— Clara Chappaz (@ClaraChappaz) August 19, 2025
Jean Pormanove a été humilié et maltraité pendant des mois en direct sur la plateforme Kick.
Une enquête judiciaire est en cours.
Du côté de l'Arcom, peu de réactions également. L'autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique indiquera à Médiapart que l'entreprise Kick pourrait bien ne pas avoir de représentation légale pouvant être contactée au sein de l'Union européenne.