Naoshi Arakawa (Your Lie in April): "j'ai fini par comprendre que l'on pouvait faire confiance au lecteur pour combler d'éventuels "trous narratifs""

Naoshi Arakawa (Your Lie in April): "j'ai fini par comprendre que l'on pouvait faire confiance au lecteur pour combler d'éventuels "trous narratifs"" Sport, musique, fantasy… Et si le genre n'était qu'un prétexte pour jouer avec la matrice des émotions de ses protagonistes ? Rencontre avec un auteur qui repousse les limites des styles avec talent.

Naoshi Arakawa est un auteur atypique. S'il a explosé aux yeux du grand public avec son manga Your Lie in April, qui lui a valu de remporter le 37e prix du meilleur shônen de l'éditeur Kodansha, c'est dès son œuvre précédente Sayonara Football qu'il a marqué les esprits des professionnels du milieu. Ahmed Agne, le directeur éditorial des éditions Ki-oon, ne tarit pas d'éloges quand il évoque cet auteur capable de toucher tous les lecteurs avec un trait subtil, un cadrage dynamique et surtout des dialogues d'une justesse tout simplement parfaite.

C'est à Tokyo, chez le prestigieux éditeur Kodansha, que nous avons pu nous entretenir avec le mangaka et son éditeur.

SAYONARA FOOTBALL © Naoshi Arakawa / Kodansha Ltd.

L'Internaute : Vous avez déclaré avoir commencé à dessiner des yonkoma après avoir lu Hokuto no Ken et Muscleman. Est-ce que vous pouvez nous dire quelles étaient ces histoires ? 
Naoshi Arakawa : Ce n'était pas vraiment des yonkoma sur ces deux titres. J'ai énormément copié les dessins de ces œuvres pour m'entraîner, mais sans écrire de scénario. Je réalisais des histoires courtes sous forme de yonkoma afin de les montrer à mes amis, mais c'était sur des personnages ou des situations loufoques, par exemple une histoire de takoyaki (boulettes de poulpe).

Comment êtes-vous passé de dessins d'enfant à l'envie de devenir mangaka? Quel a été le déclic? 

Quand j'étais à l'université, un de mes amis faisait partie du club de manga et m'a proposé d'y participer. Et j'y ai pris goût. C'est plus un processus sur le long terme qu'un déclic.

C'est par cet ami que vous avez décidé de participer à un concours du Monthly Shônen Magazine?
Au contraire, j'ai participé à ce concours en secret, sans rien dire à mon ami. Il faut savoir que je déteste téléphoner et le Monthly Shônen Magazine était l'un des concours où ce n'était pas la peine d'accompagner sa candidature d'un numéro de téléphone. Et je lisais ce magazine alors ça m'a aidé à faire ce choix.

SAYONARA FOOTBALL © Naoshi Arakawa / Kodansha Ltd.

Est-ce que vous êtes passé par la case "assistant" pour apprendre le métier? Si oui, auprès de qui avez-vous fait vos classes? Et qu'avez vous appris ?

Non, en effet, je n'ai pas été assistant. J'ai fait l'expérience d'une journée d'assistanat à la suite d'une annonce que j'avais trouvée dans un magazine, mais comme on ne m'a pas rappelé, j'imagine que je n'ai pas été très efficace comme assistant!

Vous êtes complètement autodidacte ?

D'un point de vue parcours oui, on peut dire que j'ai été autodidacte, mais il ne faut pas oublier tout ce que mon éditeur m'a apporté. Il m'a accompagné aussi bien sur le fond que sur la forme, en allant jusqu'à me donner des conseils techniques pour améliorer mon dessin ou la mise en page.

En parlant d'éditeur, alors que vous finissiez l'ébauche des premiers chapitres de Sayonara Football, les équipes éditoriales vous ont proposé d'adapter le roman Tsumetai Kôsha no Toki wa Tomaru de Mizuki Tsujimura. Qu'avez vous ressenti à ce moment ?

Cela peut sembler paradoxal mais j'ai été soulagé. En effet, comme il s'agissait de l'adaptation d'une œuvre écrite par une autrice très connue au Japon, j'avais la garantie que le titre ne risquait pas d'être arrêté en cours de route.

SAYONARA FOOTBALL © Naoshi Arakawa / Kodansha Ltd.

Quelles sont les principales difficultés quand on adapte une histoire déjà écrite ?

L'histoire se passe dans une école très élitiste, il fallait visualiser qui sont et comment se comportent les élèves de ce type d'établissements. Aussi bien leur apparence (coiffure, tenue) que leur gestuelle. C'était un monde qui m'était totalement étranger. Une autre difficulté était liée à la différence de format. On peut dévorer un roman d'une traite, alors qu'avec la publication sous forme de manga, il faut ajuster le rythme afin d'avoir un cliffhanger à la fin de chaque chapitre. Il faut découper intelligemment l'histoire pour garder des moments de tension à chaque parution, pour captiver le lecteur.

Comment avez-vous construit ces cliffhangers ?

Ce n'est pas une histoire très simple à la base. Trouver comment et où la découper n'a pas été évident. J'ai commencé par choisir d'isoler les éléments narratifs qui me semblaient les plus intéressants pour les utiliser en fin de chapitre. Mizuki Tsujimura a été adorable et très ouverte, elle m'a autorisé à ajuster l'histoire si besoin pour affiner le découpage. Il m'est arrivé de changer les répliques. J'ai aussi puisé dans les astuces tirées du monde de l'horreur, afin d'avoir des ambiances plus lourdes, provoquer une sorte d'angoisse vis-à-vis de la suite de l'histoire.

SAYONARA FOOTBALL © Naoshi Arakawa / Kodansha Ltd.

Vient ensuite la série Sayonara Football. Comment êtes-vous tombé amoureux du football ?

C'est une histoire qui remonte à il y a une trentaine d'années. À l'époque, j'étais ado, et l'équipe japonaise de football envisageait de participer à la Coupe du monde. Je regardais les matchs avec mes amis. La J-League, la ligue de football professionnelle japonaise, venait juste d'être créée. J'ai des souvenirs de la Coupe du monde aux USA et particulièrement du match où la France a écrasé le Japon en match amical en 1994, avec notamment un grand Jean-Pierre Papin.

Quand on réalise un manga sportif, il y a deux écoles : celle de l'hyperbole, avec Shinji Mizushima ou Yôichi Takahashi, et celle du réalisme, avec Takehiko  Inoue ou George Morikawa. Comment et pourquoi avez-vous choisi l'école du réalisme ?

Il n'y avait à l'époque pas beaucoup de titres autour du football qui avaient une approche réaliste. Et encore moins de titres sur le football féminin. Et moi j'avais envie de choisir ce thème du football féminin, pour l'aider, autant que je le pouvais, à prendre de l'ampleur. Et comme c'était un sujet un peu "de niche", il n'y avait pas de base de notoriété suffisante pour réaliser un manga sportif de type explosif. Il fallait au contraire toucher les gens par une approche réaliste, presque didactique.

SAYONARA FOOTBALL © Naoshi Arakawa / Kodansha Ltd.

Deux ans après la création de Sayonara Football, l'équipe féminine du Japon a remporté la Coupe du monde de football. Est-ce que vous vous êtes particulièrement projeté sur cette Coupe du monde? Avez-vous imaginé Nozomi sur le podium ?

Je n'avais pas du tout cette dimension internationale en tête. Mon leitmotiv, c'était vraiment que le football féminin gagne en popularité au sein du Japon, même si j'ai crié de joie devant ma télévision lors du coup de sifflet final. Paradoxalement, le fait que l'équipe du Japon ait déjà remporté le titre de champion du monde m'empêche d'ajouter cet objectif dans mon manga. Ce n'est plus un sujet "dont on rêve".

SAYONARA FOOTBALL © Naoshi Arakawa / Kodansha Ltd.

Comment avez vous trouvé votre style pour découper de manière aussi dynamique les scènes de sport dans votre manga? Quelles sont vos inspirations ?

Je n'ai aucune expérience en tant que joueur de football. Je me suis donc énormément documenté via la vidéo ou les magazines spécialisés. Zinedine Zidane est une grande source d'inspiration. La France a un vivier de talents incroyable en football.

Avant de commencer Your Lie in April, vous aviez plein d'idées d'histoires. Pour vous aider à choisir, vous avez demandé à vos éditeurs ce qu'il manquait au sein du magazine. Et ils vous ont répondu "des histoires de romance et de yankees".

La réponse de mon éditeur m'avait fortement surpris à l'époque. D'un côté, avec le style "yankees", on joue sur le côté psychologique – "se donner à fond", " faire fi des limites de la logique ou de la bienséance", "si tu y crois, vas-y" – et il est vrai que Kodansha a historiquement pas mal de titres de ce type au sein de ses magazines. Et je pense avec le recul que le message de mon éditeur était plus que moi, en tant qu'auteur, je me donne corps et âme, comme un héros furyo plutôt que de faire un manga de yankee. En ce qui concerne la romance, c'est la magie du sujet, tout type d'histoire et de mise en place peut contenir de la romance. Mon idée de départ pour Your Lie in April était de faire un manga autour de la musique avec une âme de yankee. Où les protagonistes se donnaient à fond. L'histoire d'amour a pris de l'importance au fil de l'écriture, mais originellement elle n'était qu'un élément du récit.

SHIGATSU WA KIMI NO USO © Naoshi Arakawa / Kodansha Ltd.

C'est un ancien one-shot non publié qui a servi de base pour Your Lie in April. Comment avez-vous su qu'il était temps de revenir sur cette histoire ?

Tout à fait. Je pense qu'à l'époque, je n'avais pas raconté convenablement cette histoire courte, alors je me suis dis que je pouvais m'en servir comme base pour un nouveau récit.

Ce que j'avais envie de dessiner, c'est l'histoire d'une violoniste passionnée.

Shiro Yamano  (éditeur en charge de maître Arakawa) :  Alors que nous étions en pleine réflexion pour une nouvelle série, et que nous jetions un oeil à tout ce qu'avait produit maître Arakawa, j'ai été interloqué par la puissance de la première page de son ancien one-shot. Et nous avons décidé de l'utiliser comme base.

Naoshi Arakawa : Mais si l'on n'utilise qu'un seul instrument, alors l'histoire serait monotone dans tous les sens du terme. J'ai donc décidé d'ajouter le piano pour une question d'équilibre. D'autant plus qu'à l'époque, il n'y avait quasiment aucun manga qui mettait en scène le violon.

SHIGATSU WA KIMI NO USO © Naoshi Arakawa / Kodansha Ltd.

Retranscrire la musique en manga est très difficile. Comment avez vous trouvé votre façon de réaliser ce tour de magie ?

Au moment de me lancer dans ce manga, je ne m'étais même pas posé cette question de la représentation de la musique. D'ailleurs, je n'aurais jamais pu anticiper que les gens se concentreraient autant sur ce point-là. J'avais discuté avec Marimo Ragawa, l'autrice de Mashiro no Oto, un manga sur le shamisen. Elle m'avait expliqué que le découpage d'un manga était une question de rythme, comme une partition de musique. Donc, avec ça en tête, j'ai réussi à associer le tempo des phases musicales au rythme narratif du manga et m'en sortir en créant une œuvre visuellement satisfaisante. J'ai été très surpris des retours positifs sur ce point précisément.

On a l'impression que vous avez utilisé ce que vous avez appris avec Sayonara Football, en mettant en exergue les efforts des musiciens, l'énergie et la passion qu'ils ont à manipuler leurs instruments. Comment avez vous pris cette décision ?

Effectivement, lorsque j'ai réalisé mes reportages dans le milieu musical, en guise de préparatifs à l'écriture de mon manga, je me suis rendu compte que c'était bien plus physique que ce que j'imaginais. C'est un milieu compétitif qui a de nombreuses similarités avec le monde du sport. Ensuite, je n'ai pas consciemment choisi de dessiner de la sueur lors des scènes musicales afin de respecter ce parallèle avec les efforts d'un sportif de haut niveau. Ce qui a motivé mon dessin, c'était de produire les planches qui véhiculent le plus d'empathie et dégagent une image très "classe" lors de ces scènes de musique. J'ai apporté énormément d'attention au réalisme des détails, par exemple la position des mains sur les instruments. J'ai aussi évité au maximum, sur ces scènes, d'utiliser des plans larges. Si l'on utilise un plan large, on peut montrer plus de choses, mais le corps des lecteurs s'éloigne de la scène que l'on illustre. J'ai au contraire essayé de faire des placements de caméras au plus près de l'action possible.

SHIGATSU WA KIMI NO USO © Naoshi Arakawa / Kodansha Ltd.

Kosei, Kaori, Tsubaki et Ryota sont tous les quatres très important pour l'équilibre et le déroulement de l'histoire.  Quel est le premier personnage qui est né ?

Kaori est la première à avoir vu le jour, Kosei est arrivé en second et, au départ, il jouait lui aussi du violon. Mais pour les raisons que j'ai évoquées précédemment, j'en ai fait un pianiste. Pour rendre l'histoire plus accessible auprès des lecteurs qui ne pratiquent pas la musique, j'ai décidé d'introduire des protagonistes comme Tsubaki et Ryota, qui sont plus "communs". 

Est-ce que certains ont changé de rôles ou de caractère au fil de l'écriture ou des discussions avec votre tantô ?

Je ne pense pas avoir discuté plus que ça des personnalités des protagonistes avec mon tantô. Mais les débuts de cette série ont été très laborieux. Le rédacteur en chef du magazine à l'époque m'a fait énormément de retours. Il m'a même demandé de fusionner les deux premiers chapitres et de rendre l'histoire plus simple à comprendre. Et dès lors, avec mon tantô, nous avons plus discuté sur comment faire valider ce premier chapitre par le rédacteur en chef que sur la psychée des protagonistes. On a même fait des réunions d'urgence à ce sujet.

© SHIGATSU WA KIMI NO USO © Naoshi Arakawa / Kodansha Ltd.

Quand Kosei déclare à Tsubaki "tes yeux sont étincelants", on comprend que ce manga est un appel à trouver sa passion. Est-ce le premier message que vous avez voulu faire passer ?

Je ne pense pas que ce soit le message principal de mon œuvre. Au début, je n'avais pas de message particulier à faire passer, j'avais par contre trouvé la fin du récit. Mon but était de faire un récit qui tienne la route jusqu'à ce point final, tout en étant le plus marquant possible. Et pendant que je faisais ce manga, j'étais tellement concentré sur sa réalisation que je n'avais pas le temps pour prendre le recul nécessaire afin de développer un message à passer. Le principal était que cela plaise aux lecteurs. Et les lecteurs japonais ont une très grande culture du manga, donc il faut se distinguer tout en s'appuyant sur ces clés que ce lectorat maîtrise. En ce qui me concerne, j'ai tendance à trouver des messages une fois que la parution est à son rythme de croisière et à ce moment j'ajuste subtilement l'histoire. Mais c'est un processus a postériori de la création du manga.

En parlant de la fin, sans spoiler, il y a un retournement de situation très fort dans ce manga autour du personnage de Kaori. Est-ce que vous l'aviez prévu dès le début? Comment est-il arrivé dans l'histoire ?

Oui, c'est un événement qui était décidé dès le départ. Tout le reste du récit n'est construit que pour arriver à cette conclusion. Cela peut sembler assez horrible et froid de ma part que d'écrire ce genre de scène, mais je souhaitais générer une certaine émotion auprès des lecteurs lorsqu'ils atteindraient ce passage de l'histoire. C'est pour cela que j'ai tout fait pour que les lecteurs développent un maximum d'empathie envers Kaori et Kosei. Quand l'adaptation en anime a été annoncée alors que le manga n'avait pas encore atteint de passage, je me suis senti gêné. J'ai parlé de ce climax au producteur en m'excusant, mais il m'a répondu qu'au contraire c'était très bien. Cela a renforcé ma conviction vis-à-vis de ce retournement de situation.

SHIGATSU WA KIMI NO USO © Naoshi Arakawa / Kodansha Ltd.

On a l'impression que l'interprétation musicale d'une personne reflète sa personnalité. Est-ce que le fait que Kaori refuse de jouer la partition d'un autre de manière académique est un appel à vos lecteurs et lectrices pour qu'ils n'aient pas peur d'exprimer leur individualité ?

En effet, chacun exprime quelque chose de différent en cherchant sa propre musique. Je pense que j'ai essayé de montrer la personnalité de ces protagonistes davantage à travers leur musique et leurs répliques qu'à travers le dessin. Je voulais avant tout que les personnages aient leur individualité, encore une fois pour éviter la monotonie. C'est pour cela que chacun se bat pour une raison différente. Que ce soit pour l'argent, la musique, la rédemption, la reconnaissance…

Vous arrivez à donner une physicalité aux émotions: des couleurs, du son, des lumières brillantes. Tous ces points sont très difficiles à retranscrire dans un dessin en deux dimensions et en noir et blanc. Et pourtant, vous y arrivez avec brio. Quel est votre secret ?

J'ai utilisé différentes techniques. Par exemple, quand Kosei était au fond du gouffre moralement, j'ai utilisé beaucoup d'aplats de noir. Et quand il joue de la musique, j'utilise des trames et du blanc. Mais aussi bon soit le dessin, les dialogues sont pour moi essentiels pour faire passer les émotions.

SHIGATSU WA KIMI NO USO © Naoshi Arakawa / Kodansha Ltd.

Y a-t-il une émotion qui est plus difficile à retranscrire? Si oui, laquelle et pourquoi ?

Je pense que l'émotion la plus difficile à maîtriser est l'humour. Faire rire les lecteurs est vraiment exigeant. Je pense que je serais incapable d'écrire un manga de gags. De manière générale, le plus difficile, au-delà des émotions, est de mettre des indices çà et là tout au long de l'histoire, pour que l'ensemble se tienne, soit cohérent. J'ai fini par comprendre que l'on pouvait faire confiance au lecteur pour combler d'éventuels "trous narratifs". Ils se font leur propre interprétation au fil de la lecture.

Your Lie in April a été un succès phénoménal, aussi bien auprès des fans que de la critique (Manga Award & Kodansha Manga Award). Qu'avez vous ressenti ?

Pour les adaptations en anime et en film, ce sont des œuvres différentes, je me considère comme un membre du staff comme les autres. Je suis très content que des gens aient apprécié mon histoire et que je sois plus connu en tant qu'auteur. Cela dit, le fait que cette œuvre ait été adaptée met la barre très haut pour ma prochaine série, et ça, c'est un peu embêtant.

SHIGATSU WA KIMI NO USO © Naoshi Arakawa / Kodansha Ltd.

Comment vous est venue l'idée de la lettre dans le dernier chapitre ?

J'avais cette image en tête longtemps avant d'écrire le dernier chapitre. Mais j'ai hésité car ça me semblait un peu trop classique. Et j'avais peur que ça paraisse un peu trop vieux comme idée. Mais les lecteurs ont apprécié.

Est-ce que les fabricants de mouchoirs du Japon vous ont remercié pour leur avoir fait gagner énormément d'argent en faisant pleurer tout le pays à la lecture de votre manga ? (rires)

J'ai en effet l'impression que pas mal de lecteurs et lectrices ont pleuré à ce moment. On m'a même raconté que, lors du doublage de l'anime, la production a distribué des mouchoirs aux comédiens de doublage. Et j'ai aussi eu des retours comme quoi des lecteurs ont pleuré dans les supérettes et les librairies en lisant le magazine!

Your Lie in April est un titre très évocateur. On pourrait penser qu'il s'agit d'un mensonge (celui ou plutôt ceux de Kaori, voire de Kosei à lui-même), mais est-ce que le mois d'avril fait référence à la "jeunesse" ? Auquel cas, est-ce que le mensonge n'est pas simplement les sentiments exacerbés de la jeunesse ?

En fait, j'avais décidé d'avoir un mois du calendrier dans le titre et que l'histoire dure une année. Le mois d'avril s'est très vite imposé comme une évidence. C'est le début d'année scolaire au Japon, j'habite aussi très près d'un endroit où l'on voit des cerisiers, donc cette période est assez chère à mon cœur. En revanche, le mot "lie" n'était pas décidé au départ. Je n'aimais pas trop cette idée d'ailleurs, mais il m'a semblé nécessaire d'introduire cette information.

SHIGATSU WA KIMI NO USO © Naoshi Arakawa / Kodansha Ltd.

C'est bientôt l'anniversaire des dix ans de la fin du manga. Est-ce que vous avez préparé quelque chose pour célébrer cette date ?

Je n'ai rien de prévu. J'essaye de dessiner ma série actuelle du mieux que possible. Je suis bien sûr flatté et heureux que l'on me félicite sur mes séries passées, mais je suis concentré à 100% sur le présent.

Comment et pourquoi êtes-vous soudainement passé à un manga de fantasy avec Atwight Game ?

Je n'avais vraiment pas d'autre idée à l'époque. Au fil de l'écriture, je me suis rendu compte que, même si j'adore la fantasy, je ne suis pas très doué pour écrire des récits oniriques. C'est pourquoi la fantasy diminue petit à petit dans ce récit.

En tant qu'ancien pratiquant de kendo, fan de Hokuto no Ken et Kinnikuman, est-ce que votre prochain manga sera un manga de sport de combat ?

Je suis justement en train de réfléchir à ma prochaine série. Le magazine a changé, je dois prendre en compte la nouvelle cible du lectorat. J'ai un peu de mal à me situer par rapport à cette nouvelle démographie, je ne peux pas me contenter de faire la même chose que jusqu'à présent. Le critère principal reste d'avoir la validation du rédacteur en chef : s'il dit non, je ne pourrai pas imposer un style. Mais je ne pense pas que ce sera un manga de combat de toute façon.

SHIGATSU WA KIMI NO USO © Naoshi Arakawa / Kodansha Ltd.

Vous avez depuis toujours mis en avant des personnages féminins très forts. Est-ce que vous allez garder cette marque de fabrique ?

Dans l'univers de la musique, il n'y a pas de différence entre les filles et les garçons. Dans le football féminin, par définition, il n'y a que des filles. C'est assez naturellement que j'ai développé ces personnages féminins forts et majeurs dans mes histoires. Et je compte bien continuer à leur donner la même importance à l'avenir.

Merci aux éditions Ki-oon pour l'organisation de cette entrevue, à Kim Bedenne pour l'interprétariat, aux équipes de Kodansha pour leur aide précieuse et bien sûr à maître Arakawa pour le partage de son temps précieux.