Les Mondes d'Aria, le nouveau fleuron de la fantasy française ?

Les Mondes d'Aria, le nouveau fleuron de la fantasy française ? L'univers d'Aria, né de l'imagination fertile de FibreTigre, continue de s'étendre. Après une adaptation en jeu de rôle, en jeu vidéo, en bande dessinée, voici que sort une trilogie de romans. Entretien avec Fabien Clavel et FibreTigre.

Rebelle, la licence Aria, créée par FibreTigre, n'emprunte pas les canaux habituels des cycles de vie d'une œuvre de fantasy à succès. En général, tout commence par un roman, puis un second, un troisième et, au bout d'un moment, viennent les adaptations en jeux vidéo, jeu de rôle, série télévisée ou film. Mais si le célèbre maître de jeu (MJ) FibreTigre aime que ses joueurs suivent les règles, il n'en est pas de même pour son bébé.

L'aventure de l'univers d'Aria a commencé sous la forme d'Actual Play, ces parties de jeu de rôle filmés et streamées en différé ou en direct. Dès 2018, la joyeuse troupe de Games of Rôles connaît un franc succès, qui ne cesse de grandir d'années en années.

C'est tout naturellement, que l'éditeur Elder Craft propose à FibreTigre d'adapter l'univers d'Aria au format jeu de rôle. Suivi en 2022 par une campagne Ulule pour porter l'univers d'Aria en jeu vidéo. Une campagne qui lèvera près d'un demi-million d'euros, rappelant la portée incroyable de ce riche univers.

Mais l'aventure ne s'arrête pas là pour le monde de Fantasy, à l'automne 2024, deux nouveaux médiums accueillent l'univers d'Aria : la bande dessinée et le roman.

C'est Fabien Clavel, l'une des plumes les plus prolifiques et acclamées de la scène fantasy française, qui est chargé par les éditions Nathan, d'imaginer une aventure dans l'univers d'Aria. Choix parfait de l'éditeur, tant le romancier français est passé maître dans l'appropriation et la revisite d'univers classiques. De Troie à Don Juan en passant par la mythologie arthurienne, Fabien Clavel a su donner vie, de manière à la fois originale et respectueuse, à des titres palpitants acclamés aussi bien par les critiques que par le public.

Mais cette fois Fabien Clavel ne s'attaque pas à un " classique", il revisite une œuvre contemporaine, et peut même discuter avec son auteur.

Comment est né le monde d'Aria et comment se l'approprier ? Quelles sont les règles et contraintes à respecter ? Pourquoi un roman dans l'univers d'Aria était un choix logique ? Comment laisser son " bébé" à un autre auteur ? Fabien Clavel et FibreTigre répondent sans fard aux questions de L'Internaute. Morceaux choisis.Fabien Clavel et FibreTigre répondent sans fard aux questions de L'Internaute. Morceaux choisis :

Linternaute.com : FibreTigre, racontez-nous la genèse du monde d'Aria ?

FibreTigre (FT) : On pourrait croire que l'origine est le moment où Webedia-JVTV m'a contacté pour me demander de travailler sur le concept d'une émission twitch. Mais en fait l'origine remonte à deux années en amont. J'ai conceptualisé sur ce sujet avec MisterMV, mais comme le dit l'adage " le mieux est l'ennemie du bien". Et le perfectionnisme sans concession de  MisterMV a fait que ce projet n'a pas vu le jour en deux ans d'ateliers.

Donc quand Webedia m'a contacté, je leur ai proposé ce projet d'Actual Play.

Ils ont été tout de suite enthousiastes, ils m'ont donné une seule contrainte. Le public cible est un public fan de jeux vidéo certes, mais n'est pas forcément un public spécialiste de l'imaginaire. Il fallait donc penser à un univers simple, facile à intégrer quel que soit le background culturel des spectateurs. C'est pour ça que j'ai décidé en créant Aria d'en faire un univers de fantasy simple, juste peuplé d'humains. Il n'y a pas d'orc, d'elfe ou de nain dans le monde d'Aria.

C'est l'ADN de la naissance du monde d'Aria.

Pourquoi une adaptation en roman ? Et comment s'est porté le choix de Fabien Clavel ?

FT : En toute modestie, l'actual play, Games of Role marche très très bien. Et devant la popularité croissante de l'univers d'Aria, j'ai demandé à Sebastien Moricard, le fondateur d'Elder Craft. Qui gère la licence Aria depuis l'adaptation en jeu de rôle, s'il ne pouvait pas étendre ce monde à d'autres médiums. Mon constat est le portage 360 de licences fortes comme Le Seigneur des Anneaux ou The Witcher. L'adaptation en jeu vidéo a poussé, provoqué une adaptation en série live. Et chaque nouvelle adaptation, stimule l'attrait de la licence, la remet au goût du jour. Penser développement horizontal pour arriver à une extension globale. Il a répondu avec enthousiasme à cette sollicitation. C'est par son biais que j'ai été amené à rencontrer Pierre. Dont j'avais entendu les louanges à de nombreuses reprises. Une fois que j'ai initié cette demande, le processus du choix d'éditeur, d'auteur, tout ça a été géré par Sébastien Moricard.

Fabien, vous avez écrit de nombreux romans. Certains dans vos univers, d'autres déjà des adaptations. Quelles sont les différences entre les deux types d'écritures ?

© Éditions Nathan, Elder-Craft, FibreTigre, Fabien Clavel

Fabien Clavel (FC) : Cela peut paraître surprenant, mais avoir un cahier des charges lorsque l'on procède à une adaptation dans un univers préexistant est en fait très confortable d'un point de vue écriture. Toute la partie de création de l'univers est déjà réalisée. Il ne nous reste qu'à piocher au sein de cet univers pour choisir les éléments qui nous inspirent.

Dans ce contexte, ma principale préoccupation est de transmettre le plaisir que j'ai eu à découvrir ce monde à travers mes récits.

On peut se focaliser sur les interactions entre les personnages, sur les arcs narratifs. C'est très confortable d'un point de vue d'auteur, je trouve.

En parlant d'arcs narratifs, est-ce que ce projet a été pensé comme une trilogie dès le départ ?

FC : Quand Nathan m'a contacté, à ce moment-là rien n'était arrêté. Donc j'ai conçu le premier tome de manière qu'il soit autoconclusif. Mais au fil des échanges lors de mon écriture, ils se sont montrés très enthousiastes. J'ai alors proposé de quoi aborder une trilogie. Un arc qui courait sur trois romans. Bien entendu ces suggestions ont aussi été partagées avec les équipes d'Elder Craft. Mais c'est venu en cours de projet, ça n'était pas une volonté dès le départ.

Fabien, êtes-vous aussi joueur de jeu de rôle ?

FC : Oui tout à fait. Je suis un très grand joueur de jeu de rôle. J'ai d'ailleurs adapté plusieurs univers rôlistes en roman. Et comme FibreTigre, j'aime les approches transmédias. J'ai récemment adapté un jeu de plateau en roman. C'est probablement pour cette appétence que j'éprouve que les équipes éditoriales de Nathan on fait appel à moi.

C'est la première fois, où les personnages ont déjà un " corps". Est-ce que vous avez imaginé ces derniers avec la voix de Lydia, Daz et compagnie ?  Est-ce un plus ou un challenge supplémentaire ?

FC : C'est indéniablement un plus d'avoir des personnages autant incarnés. Dans mon cas, je suis parti sur des nouveaux personnages. Pour une raison très simple, comme il existe déjà 8 saisons de Games of Roles, cela m'aurait demandé un travail de documentation colossale de regarder et d'annoter toutes les saisons, pour être sûr de respecter les personnages.

L'approche du roman est de développer une nouvelle intrigue, tout en y glissant bien entendu des clins d'œil aux aventures de Games of Roles, particulièrement dans la saison 1. Il y a aussi des clins d'œil à l'adaptation en bande dessinée qui vient d'être publiée en Octobre 2024.

Le monde d'Aria est extrêmement vaste, utiliser des clins d'œil permet d'ancrer le récit dans le même univers, mais aussi de ne pas s'y limiter.

En parlant de nouveau protagoniste, le personnage principal est une héroïne. Comment s'est fait ce choix ?

© Éditions Nathan, Elder-Craft, FibreTigre, Fabien Clavel

FC : C'est entièrement ma volonté. J'ai pris une héroïne dans un grand nombre de mes romans, et cela va tout à fait dans le sens des valeurs inclusives portées par Elder Craft et Aria.

C'est un choix qui me vient très naturellement. Et je me suis rendu compte assez récemment, que j'ai été fortement influencé par Buffy contre les vampires.

Cette série m'a inculqué qu'avoir une héroïne, c'est non seulement possible mais tout à fait normal.

FT : Games of Rôles a un très grand public féminin. J'ai trouvé ce choix aussi naturel que pertinent.

Est-ce que le but du roman est de recruter un nouveau lectorat ? D'être une pierre en attendant la série tv ou le dessin animé ?

FT : Je souhaite à Fabien un très grand succès pour son livre. J'aimerais que son roman soit adapté en dessin animé. Aujourd'hui, je pense que Twitch est trop hétérogène avec ce que propose la télévision. Par exemple, s'il n'y avait pas CDProjekt derrière le dessin animé Cyberpunk, ce dernier n'aurait probablement pas existé, ou alors de manière totalement différente. Si demain il devait y avoir un dessin animé d'Aria, il serait forcément adapté du roman de Fabien.

Roman, BD et Jeux vidéo : êtes vous surpris par le succès du monde d'Aria ?

FT : Je suis très content de la création et de l'évolution de la licence Aria. À titre personnel je n'ai le nez que dans l'Actual Play.  C'est un sujet qui me prend déjà la majeure partie de mon temps. Aujourd'hui, je ne me considère pas le pilote de la licence Aria, mais comme un des acteurs de cette dernière, celui spécialisé dans l'Actual Play.

En parlant de temps. Vous êtes tous les deux des auteurs prolifiques. Mais quel est votre secret ?

© Éditions Nathan, Elder-Craft, FibreTigre, Fabien Clavel

FT : Cela peut paraître surprenant, mais si on arrive à écrire, et je parle bien d'écriture, pas d'être assis à son bureau à regarder Twitch ou Instagram, en trois mois on a écrit un livre. Ce n'est pas si compliqué en soi de trouver le temps. Il faut réussir, dans sa routine artistique, à avoir un temps de concentration productif et qualitatif. Un stakhanoviste pourrait même devenir sur productif, au contraire.

FC : Je rejoins FibreTigre, quand je suis sur un livre j'écris deux heures par jour.  Pour Aria, comme le timing était très serré j'ai écri un peu plus tous les jours. Si on doit donner un secret, c'est je pense le plaisir. Il ne faut pas avoir à se forcer. J'étais enchanté de travailler sur l'univers d'Aria. Je me suis amusé de la phase de documentation à celle de la narration. Ce qui est agréable quand on travaille sur une licence, c'est que l'on soit aussi bien au service de son histoire qu'au service de l'univers. On sait qu'il y a des gens, fans de cet univers, qui attendent ces histoires. Il ne faut pas les décevoir. Ça met un petit peu la pression, mais avant tout on se dit " il y a des chances que je fasse plaisir à pleins de gens".

En se concentrant sur ces fans de la première heure, on arrive à éprouver un plaisir transitif. Aussi bien au niveau de l'écriture que de l'anticipation de la lecture. D'autant plus quand on évolue dans un univers comme celui d'Aria, très positif, très enjoué. On n'est pas dans un univers sombre, torturé. On est dans un univers d'aventure pure.

L'actual play doit rester un spectacle avant tout.  

 Quelle serait la définition d'un succès pour ces romans ?

FT : Fabien a bien compris l'univers et il est pétri de talent. Mais il n'a pas vu tous les épisodes de Games of Rôle. Et je ne lui en veux pas du tout, tout d'abord il y a beaucoup d'épisodes, et une partie non négligeable est de qualité inférieure au reste. Un succès pour moi ce serait que l'on obtient le feu vert pour une autre trilogie. Auquel cas je montrerais à Fabien deux trois épisodes hyperqualitatifs, pour voir s'il peut puiser de l'inspiration de ces derniers.

A contrario, est-ce que la lecture du roman vous a inspiré ?

FT : L'univers du roman et du jeu de rôle filmé sont trop différents pour parler d'inspiration. Mon leitmotiv c'est l'innovation. J'ai innové par exemple en amenant du public. Et en ce moment, j'essaye d'innover en introduisant le concept de dialogue intérieur. Par exemple, quand un personnage va tuer un autre personnage. Je vais alors l'inviter à jouer son dialogue intérieur, un peu comme Hamlet au moment d'occire le roi. Et à la lecture du roman, je me suis rendu compte de la dynamique, ou plutôt des dynamiques que Fabien avait réussi à développer.

Aujourd'hui, les personnages de l'actual play, dialoguent entre eux. Mais ils ont tendance à camper le même rôle, à rester dans un personnage. Celui qui est plutôt cupide, celui qui est généreux, celui qui est paumé, on adore les revoir, mais j'aimerais travailler à faire évoluer, à enrichir leurs caractères sans apporter de lourdeur. L'actual play doit rester un spectacle avant tout.

© Chroniques des mondes d'Aria © Éditions Glénat 2024

Fabien, à quel moment de l'écriture de ce premier tome, vous êtes-vous dit " je tiens l'univers, c'est bon" ?

FC : Nathan avait besoin des trois premiers chapitres, pour des raisons de promotion auprès de la presse et des libraires. J'ai donc dû envoyer le début du roman. Il faut savoir que c'est quelque chose que je n'aime pas du tout faire. J'aime envoyer soit le synopsis, soit l'intégralité.

Mais pour revenir à la question, le premier signe c'est au moment de l'écriture. Si l'histoire coule toute seule, alors on est sur la bonne voie. Si quand on vient de finir un chapitre on se dit " allez, j'enchaîne sur le suivant", là aussi c'est un voyant on ne peut plus positif. Quand on ne ressent ni fatigue, ni lassitude.

Fabien, qu'est-ce qui vous a attiré dans l'univers d'Aria ?

FC : J'ai rencontré Sébastien, c'est la première personne d'Elder Craft que j'ai rencontré. Je lui ai demandé quelle était LA spécificité d'Aria à ne pas manquer. Il m'a répondu que le leitmotiv d'Aria était " toute action à des conséquences".

Et ça, ça m'a énormément plu. En Fantasy, très souvent, on coupe des têtes, on tranche des gens en deux et il n'y a aucune conséquence. Les rôlistes ont aussi un petit peu cette tendance " mettons le feu à ce bâtiment pour détourner l'attention des gardes" sans se soucier des conséquences.

Vous écrivez souvent des romans jeunesse. C'est important de véhiculer des valeurs ?

FC : Tout à fait, mais d'ailleurs pas que pour des lecteurs jeunesse. Ça n'est jamais mal de rappeler des valeurs à des lecteurs adultes. Au début du projet, les éditions Nathan m'ont proposé de faire ces romans pour un public jeunesse, c'est moi qui les ai convaincus de viser un public Young Adult. Notamment car j'aimerais qu'il y ait un lectorat familial autour de ce roman. Que des enfants et leurs parents puissent lire ce roman et en discuter.

Quand sont prévus les tomes 2 et 3 ?

FC : La trilogie doit sortir sur un an. Ça va aller très vite. Il me faut un à deux mois pour écrire un tome. Plutôt deux car j'aime bien m'aérer l'esprit en passant d'un univers à un autre. Chaque roman est divisé en 20 épisodes. Celà me permet de garder le rythme de l'actual play, très endiablé. Il faut que chaque épisode, tout en apportant une pierre à la saga, ait une finalité en soi. En ce moment j'écris deux épisodes par jour, environ 40 000 signes.

Légendes des mondes d'Aria, tome 1, Fabien Clavel, éditions Nathan, 18,95€