Le mystère de la "grotte du Jugement Dernier" hante encore cette abbaye en France

Le mystère de la "grotte du Jugement Dernier" hante encore cette abbaye en France Cette grotte contient un secret jamais élucidé dans la région historique du Périgord.

Terre de grottes et de châteaux, la Dordogne, qui recouvre l'ancienne région historique du Périgord, est un département mondialement réputé pour son passé préhistorique et médiéval. Au-delà des splendeurs de Lascaux et de ce "pays des 1001 châteaux", un village en particulier, réputé pour être la "Venise Verte du Périgord" affiche une sérénité trompeuse. 

C'est dans un décor de canaux paisibles que cette ville-île encerclée par la rivière Dronne dissimule un secret encore bien préservé. On oublie les reliques classiques, on est confronté à une prophétie médiévale gravée dans la roche que personne n'explique. C'est dans la fraîcheur et l'ombre des falaises calcaires d'une grotte qu'est dissimulé un face-à-face monumental avec la mort.

Les deux bas-reliefs macabres surmontés par les boulins d'un ancien pigeonnier dans la grotte du Jugement Dernier à Brantôme. © david debray - stock.adobe.com

Le mystère commence au creux de la falaise, derrière l'Abbaye Saint-Pierre de Brantôme. On oublie la douceur du paysage en pénétrant dans la grotte du Jugement Dernier : un parcours troglodytique à la découverte de deux bas-reliefs monumentaux et macabres sculptés directement dans la roche calcaire. La stupeur opère lorsque l'on se retrouve face à ce chef-d'œuvre macabre qui défie l'histoire de l'art : un bas-relief de 8 mètres sculpté dans la roche il y a 500 ans qui constitue un véritable énigme, celui du "triomphe de la mort". La scène principale représente un squelette brandissant une faux et triomphant d'une tête couronnée représentée sous un trône et portée par deux squelettes. Autour de la mort, les anges agenouillés annoncent l'Apocalypse avec des trompettes. Au sommet de la scène trône un grand Christ à l'apparence étrange...

Qui a gravé ce "plus grand bas-relief troglodytique de France" et pourquoi ? "On ne sait rien", a répondu Fabrice Dubuisson, l'un des responsables de l'office de tourisme au magazine de voyage Geo, les datations reposant uniquement sur des analyses stylistiques. En effet, il n'existe à ce jour aucune signature ni documentation qui atteste l'identité de l'auteur de ces bas-reliefs, même s'il est supposé que ce serait l'œuvre d'un ou des moines de l'abbaye créée selon la légende au VIIIe siècle et qui servait de refuge aux ermites, connaissant divers usages au fil du temps comme de devenir un pigeonnier (en atteste les 240 boulins près du plafond)... La question demeure également sur les intentions de ses créateurs : pourquoi avoir laissé un témoignage aussi sombre ? Le silence demeure et de nombreux points restent sujets à interprétation. 

La Grotte du Jugement Dernier témoigne de la première occupation troglodytique de l'abbaye de Brantôme. © J G Dugenet - stock.adobe.com

Si le message est clair : quel que soit la puissance ou la richesse, la mort est inéluctable (en atteste la tête couronnée qui porte une bourse autour du cou), le style naïf et brut de l'ensemble du tableau ne rappelle étrangement pas les canons religieux de l'époque. Et le Christ qui trône au sommet - inachevé selon certaines sources - ressemble davantage à une divinité mésopotamienne que biblique. 

Jean Secret, grand archéologue de la Dordogne, aura passé 30 années de sa vie à scruter chaque recoin de la scène sans en élucider le mystère. Selon lui, elles sont les "figures d'un symbolisme hermétique, obscur et confus". Les spécialistes débattent encore aujourd'hui pour savoir si ce bas-relief supposé du XVe siècle s'inspire d'une source locale ou régionale spécifique ou s'il est le fruit d'une interprétation théologique très personnelle. 

Sur la paroi de droite, un second bas-relief, daté du XVIe siècle, montre une crucifixion de 5 mètres de haut. Autour du crucifié, on peut identifier la Vierge Marie, Saint Jean et Marie-Madeleine et distinguer un moine à genoux ou un abbé avec sa crosse et un livre. Cette seconde sculpture a été réalisée pour le coup dans un style plus traditionnel et serait datée du XVIe siècle.

Alors, sont-ce les moines de l'Abbaye de Brantôme qui auraient sculpté ce "triomphe de la mort" comme un sermon silencieux ? Une chose est sûre : ils faisaient de leur vie une obsession pour la mort et le salut alors que l'Europe subissait les ravages de la peste noire et des guerres récurrentes.