"Les amoureux de la liberté et du Mali n'ont pas le choix"

"Les amoureux de la liberté et du Mali n'ont pas le choix" Alors que la question d'une intervention militaire pour lutter contre Aqmi et les djihadistes est actuellement en pourparler à l'ONU, Gérard Guerrier, Directeur Général de l'agence de voyage Allibert-Trekking, revient sur la situation actuelle au Mali.


L'Internaute Voyage : Comment avez-vous vu évoluer la situation au Mali depuis le début de l'été ?

Gérard Guerrier (DG d'Allibert-Trekking) : Il faut différencier le Nord Mali du Sud Mali.

Au Nord, les milices djihadistes (MUJUAO, Ansar Dine, Aqmi, etc.) ont évincé les mouvements autonomistes laïques comme le MNLA et font régner la terreur et l'intimidation : obligation de se voiler, interdiction d'écouter de la musique profane, amputation de voleurs, lapidation... Ces populations sont retombées dans un moyen âge. Les djihadistes ont étendu leur présence et contrôlent aujourd'hui des villes comme Douentza et Hombori abandonnées à leur sort par les autorités Maliennes.

"Par soucis de sécurité, nous avons fermé entièrement le Mali."

Au Sud, la vie continue apparemment comme avant. L'agitation politique est pourtant à son comble... Pas facile d'interpréter tout cela, mais il semble que les pays voisins, voire la France, sont à la manœuvre pour tenter de stabiliser les autorités Maliennes écartelées entre autorités "légales" et ex-putschistes, de bâtir une coalition et d'obtenir au minimum la neutralité des Algériens dont le rôle n'a pas toujours été très clair dans le développement du terrorisme au nord Mali.

Quels retours avez-vous de votre agence locale ?

Notre partenaire est établi à Mopti à la frontière Nord Mali et Sud Mali où l'incertitude et la confusions règnent. ll est très difficile aujourd'hui de rentrer en contact avec eux. Internet fonctionne de manière très intermittente, idem pour le téléphone.

Nous avions réuni avec nos clients une somme conséquente d'argent pour leur venir en secours et acheter des semences. Bien qu'ils en aient grandement besoin, ils nous ont demandé de ne pas l'envoyer pour éviter tout risque !

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Le village dogon de Songo près de Mopti. © Claudine Crevola

Les habitants de Mopti situés à moins de 200 kilomètres des positions des Islamistes vivent la peur au ventre en dépit de l'assurance des autorités encore présentes.
Dans le pays Dogon, protégé par la falaise de Bandagiara, les habitants vivent de même dans l'inquiétude, au ralenti, en autarcie. La plupart des flux économiques se sont taris, yc. A commencer bien entendu par les flux touristiques.
La misère est palpable. Si la situation continue, on assistera nécessairement à de fortes poussées migratoires.

 Continuez-vous d'envoyer des voyageurs à Gao ? Tombouctou ? En territoire Dogon ?


Par soucis de sécurité, nous avons fermé entièrement le Mali, le Niger. Par manque de visibilité, nous avons étendu cette fermeture au Sud Algérien. Par contre, nous continuons à programmer la Mauritanie où la population et les autorités luttent courageusement contre les Djihadistes et assurent un bon niveau de sécurité. Nous continuons aussi à programmer le Tchad où la situation sécuritaire nous semble correcte. Il est en effet indispensable de ne pas faire d'amalgame entre ces pays et de condamner injustement la moitié d'un continent avec lequel nous avons tant d'attaches.

 

Quel est votre avis sur la possible intervention demandée par le gouvernement malien à l'Onu et soutenue activement par la France ?

Elle viendra bien tard ! La faute, entre autres, à un gouvernement Malien lâche et très largement corrompu, à un Burkina Faso partiellement à la solde des milices islamistes, à une Algérie compliquée, obsédée par son volonté de contrôler la région et d'empêcher les autres puissances (Maroc, France, Mauritanie, etc.) de s'exercer, à un gouvernement Français empêtré par ses contradictions, soucieux de ne pas réveiller les fantômes du néo-colonialisme. 

"L'intervention ? Elle viendra bien tard !"

Sans être un expert militaire, je constate que depuis un an, le problème militaire s'est considérablement compliqué : les djihadistes sont encore plus riches (et donc plus nombreux) et forts grâce aux rançons payées par les gouvernements européens (en particulier Espagne et Italie), au commerce de la cocaïne, au pillage de l'arsenal Libyen.

Trop tard ? Quelles forces leur feront face : les seules armées de la région réellement efficaces sont les Algériens, les Marocains, le Tchad et dans une moindre mesure les Mauritaniens et les Nigériens... Oublions les Algériens et les Marocains qui se neutralisent mutuellement. Cela fait bien peu de capacité sur le terrain. Et l'appui aérien ne pourra pas tout résoudre. Mais, je crois que les démocraties et les amoureux de la liberté n'ont pas le choix. Ce sera compliqué, dangereux... Et à la fin, un règlement politique sera nécessaire. Alors, autant commencer par là et tenter de réconcilier autonomistes laïques du Nord (touaregs et autres) avec les centralisateurs de Bamako pour éliminer la menace terroriste.


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