Majorité absolue : qu'est-ce que c'est ? Quelles conséquences ?

Majorité absolue : qu'est-ce que c'est ? Quelles conséquences ? Obtenir une majorité absolue à l'Assemblée nationale, pour le président et le pouvoir en place, n'est pas inédit. Plusieurs élections législatives se sont déjà soldées par des majorités écrasantes dans l'hémicycle...

[Mis à jour le 18 juin 2017 à 15h34] La majorité absolue préoccupe voie obsède bon nombre de commentateurs et de personnalités politiques depuis plusieurs semaines. On s'inquiète ici d'une majorité trop courte pour gouverner et donc d'une instabilité politique pour les prochaines années en France. On se préoccupe là d'une majorité trop hégémonique, plongeant le pays sous un régime quasi-dictatorial... Mais avoir une "majorité absolue", qu'est-ce que cela veut dire concrètement ? Qu'est-ce que c'est, autrement dit comment cela se traduit-il dans l'exercice des responsabilités ? Enfin quelles sont les conséquences d'une majorité absolue, a fortiori quand elle est large et massive.

Lors d'une élection, la majorité absolue correspond à un résultat de plus de 50% des suffrages exprimés, soit plus de la moitié des voix, synonyme d'élection d'un candidat ou d'une liste. Mais lors des élections législatives, le concept est double. Il désigne une fois encore le score obtenu par un candidat dans une circonscription ou par un parti à l'échelle nationale, mais il évoque aussi la composition de l'assemblée qui résultera du choix des électeurs. Avoir la majorité absolue à l'Assemblée nationale à l'issue du résultat des législatives signifie, pour un parti ou pour un exécutif, disposer de plus de la moitié des députés élus, soit 289 sur 577.

Majorité absolue : un élément clé de la démocratie à la française

Cette majorité absolue est un élément clé du fonctionnement de la démocratie. Si un président ou un Premier ministre dispose d'une majorité absolue des députés en sa faveur au sein du palais Bourbon, cela signifie qu'il pourra plus facilement faire adopter ses réformes, sans avoir besoin de s'allier avec d'autres groupes politiques. La majorité absolue est plutôt courante dans la Ve République, a fortiori depuis l'adoption du quinquennat qui a aligné présidentielle et législatives. Un mois à peine après avoir choisi un président de la République, il peut sembler curieux de voter pour ses opposants à l'élection suivante... Ainsi, l'UDR du général de Gaulle disposait d'une majorité absolue en 1968 à l'Assemblée. C'était aussi le cas en 1981 pour le Parti socialiste avec une majorité particulièrement forte. On a retrouvé des majorités absolues en 1993 avec une large victoire de la droite, puis des majorités absolues, mais plus retreintes en 2002 et en 2007 pour l'UMP et de nouveau en 2012 pour le PS.

La conséquence directe d'une majorité absolue à l'Assemblée est que le chef de l'Etat ou le Premier ministre se trouvent avec les mains libres pour gouverner. Plusieurs voix s'inquiètent en revanche, à chaque élection, des pouvoirs accrus que peut donner une majorité absolue à un président de la République, déjà particulièrement puissant dans la constitution. Restent néanmoins des contre-pouvoirs et des contextes qui peuvent nuancer cette analyse. Il y a le'opposition parlementaire d'abord, avec des groupes politiques qui, même à effectifs réduits au sein de l'hémicycle, peuvent avoir un pouvoir de nuisance (au bon comme au mauvais sens du terme), sur les réformes engagées.  Il y a aussi le Sénat, la chambre basse du Parlement, qui vient parfois contrecarrer les plans de l'exécutif et de l'Assemblée.

Majorité absolue et pleins pouvoirs, deux choses différentes

Les exécutifs locaux (Conseils régionaux, départementaux, maires), ensuite, qui disposent aussi de pouvoirs importants depuis les lois de décentralisation, peuvent souvent mener une politique alternative sur un territoire. Hors des institutions, l'opinion s'exprime elle-aussi, parfois avec force. La pression peut ainsi venir des médias, des sondages, mais aussi de la rue, comme la mobilisation contre la loi Travail l'a démontré en 2016. Mais surtout, il ne faut pas négliger la pluralité des voix au sein d'un même parti ou d'un même groupe politique.

Le quinquennat de François Hollande aura été l'illustration parfaite qu'une majorité absolue peut aboutir à des tiraillement voire à des divisions très fortes en son sein. Divisions allant parfois jusqu'à des votes contradictoires entre "loyalistes" et "frondeurs", y compris sur le budget de l'Etat, l'un des marqueurs de la solidité d'un groupe politique. Le renouvellement politique en cours ces dernières semaines, avec des candidats souvent novices, issus de la société civile, d'horizons et de sensibilités très divers, pourrait accentuer ce phénomène. "Les députés novices comprendront-ils la logique de discipline du parti ?" se demandait récemment Pascal Perrineau, chercheur au Cevipof, sur Public Sénat. Certains candidats ont déjà laissé entendre que leur liberté primait sur cette discipline tant souhaitée par les chefs de partis. D'autres ont indiqué un peu benoîtement que l'opposition sera contenue dans la majorité elle-même... Il faudra attendre la résultat de ce dimanche et surtout les débuts des débats au Parlement, pour savoir d'où viendra réellement l’opposition.