François Hollande : a-t-il géré la loi sur le logement comme "un amateur" ?
Recalée par le Conseil constitutionnel, la loi sur le logement social a donné lieu à un nouveau couac de Jean-Marc Ayrault. Mardi matin, le Premier ministre annonçait sur France Inter la décision des sages, avant même que ceux-ci se soient prononcés. Une anticipation qui a fait des vagues dans la majorité, forçant le chef du gouvernement à redire son "respect de l'indépendance des juridictions". Mais il y a plus grave selon une partie de la presse, dont Libération et le Canard Enchaîné : l'annulation de la loi sur le logement serait liée à une "erreur de débutant" de François Hollande. Une fois encore, c'est la précipitation de l'exécutif, et notamment de l'Elysée, qui est pointée du doigt. Soucieux de reprendre la main après un été sans relief, François Hollande voulait rapidement lancer une réforme à la rentrée. Les emplois d'avenir et la loi sur le logement social faisaient alors partie des projets les plus avancés. C'est la seconde option qu'aurait alors choisie le chef de l'Etat avant de convoquer le Parlement en session extraordinaire le 10 septembre.
Le 5 septembre, le projet de loi de Cécile Duflot est adopté en Conseil des ministres et est donc prêt à passer devant les parlementaires. Cinq jours plus tard, la commission des Affaires économiques du Sénat commence à examiner le texte et le valide immédiatement. La loi sera défendue par la ministre du Logement l'après-midi même en séance publique, rappelle le Canard enchaîné, et adoptée le 13 septembre. Le texte n'est en revanche pas encore passé par l'Assemblée nationale (il ne sera adopté que le 26 septembre par les députés). Or l'article 42 de la Constitution est formel : il prévoit que "la discussion des projets et propositions de loi porte, en séance, sur le texte adopté en commission". Surtout, il faut que la discussion en première lecture respecte "un délai de six semaines après son dépôt". Une règle renforcée par la réforme de la Constitution voulue par Nicolas Sarkozy en 2009. Cette contrainte légale, bien que peu connue du grand public, va faire couler la loi, le délai de six semaines étant loin d'être respecté.
C'est le sénateur UMP des Hauts-de-Seine Roger Karoutchi qui, le premier, va relever l'incohérence. Alertée, Cécile Duflot va très vite prendre conseil auprès du président du Sénat Jean-Pierre Bel, celui de l'Assemblée Claude Bartolone, ainsi que chez le ministre chargé des Relations avec le Parlement Alain Vidalies. Même l'Elysée et Matignon auraient été contactés par la ministre sans que ni Hollande, ni Ayrault, ne voient vraiment venir le danger. D'où le procès en amateurisme fait au couple exécutif et notamment au Président de la république aujourd'hui. Le Canard enchaîné qualifie ce mercredi les protagonistes de cette affaire de "juristes amateurs". Libération, de son côté, barrait sa une ce jeudi du titre "Les appentis", au dessus d'une photographie de Jean-Marc Ayrault et de François Hollande.
EN VIDEO - Présentation du projet de loi sur le logement social par Cécile Duflot le 5 septembre dernier.