"La contraception n'était plus un sujet tabou"

Odile, 61 ans, retraitée, habite Lyon. En 1968, elle avait 21 ans. Elle était éducatrice dans un hôpital et militante pour le droit des femmes.

En Mai 68, j'étais militante dans l'association Mlac (Mouvement pour la libération de l'avortement et de la contraception) à Grenoble.

Toutes les femmes qui faisaient partie de l'association ont vu arriver ce mois de mai avec bonheur en espérant que nos revendications soient enfin concrétisées. Il a fallu attendre un petit peu. Mais nous étions remplies d'espoir.

De cette époque, je retiens un commencement de liberté. On était les grandes perdantes avant. Militantes du Mlac, on était considérées comme des folles, accusées de vouloir prendre le pouvoir. C'était très mal vu de militer, même par les femmes. Elles n'imaginaient pas ce qu'allait leur apporter la liberté de la contraception.

On devait se cacher pour aller chercher la pilule. Je me souviens que je changeais de pharmacie pour ne pas être reconnue. Après Mai 68, je n'avais plus besoin de me cacher. La contraception n'était plus un sujet tabou.


A l'hôpital où je travaillais, tout le monde faisait grève. Il y avait des réunions pratiquement tous les soirs. Grenoble était le seul endroit en France où il y avait de l'essence, grâce aux Jeux Olympiques qui avaient eu lieu quelques mois auparavant.

Alors, avec une bande d'amis, nous avons pu sillonner en voiture la région pour aller aux assemblées générales dans les usines ou à la patinoire de Grenoble. On se retrouvait aussi dans les cafés. A la fin, on payait avec des chèques : les banques étant fermées, on n'avait plus de monnaie. J'ai le souvenir d'une très bonne ambiance. On s'amusait beaucoup : nos copains étudiants et nous qui ne travaillions pas avions eu un mois de vacances pratiquement entier !

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