Turquie : un pont entre deux rives

L'auteur, de nouveau, défend un pays mais surtout un peuple, qui fait la Une des journaux télévisés, car, loin de se laisser emporter par la vague médiatique, il connait les racines de ce pays, de ce peuple. Elles sont profondes et mélangées...


Les pétards et les canons à eau de la pace Taksim, ne doivent pas nous effaroucher. Ces mouvements, restreints aux centres de quelques grandes villes, sont en effet les signes d’une démocratie vivante, d’un pays en marche. Ils ne visent en aucun cas les visiteurs et l’occident.

Au contraire même, ces manifestations devraient éveiller notre curiosité et nous encourager  à re-découvrir la richesse de ce « Pont entre deux rives » dont l’histoire fait pâlir d’envie les nationalistes de tout poil !

 

Une histoire dont les premières traces, Hittites,  sont gravées sur les falaises du col de Karabel qui domine la mer Ionienne : une mer, creuset de notre civilisation, d’où débarquèrent les Macédoniens du Grand Alexandre, les Grecs qui y ont établi les royaumes du Pont, de Pergame, de Bosphore…

 


Cette Asie là n’a rien de Mineure ! Elle devint bientôt Romaine et se crut, pendant quelques siècles, centre du monde civilisé ou plus exactement capitale de l’Empire Romain d’Orient alors que l’Occident sombrait sous les coups répétés des invasions barbares. Byzance, devenue Constantinople rayonne alors des Alpes au Sahara. Constantin, le premier empereur Chrétien y érigea, sur les ruines d’un temple d’Appolon surplombant la mer de Marmara, un église qui devint Sainte Sophie, Sagesse Divine, AyaSofia… Une sainte sagesse vieille de 14 siècle !

                                                                                                                                               

Une terre chrétienne, certes, mais bientôt une terre de conquêtes pour les cavaliers Mongols qui, devenus mercenaires, se joignirent aux troupes des califes Abassides, sunnites,  pour les dominer bientôt. Installés sur les hauts plateaux d’Anatolie, ces « turcs », cousins des Yakoutes, des Bouriates et des Tuvas de Sibérie Orientale, conquirent l’Empire Byzantin qui s’écroulait le 29 mai 1453, quarante années avant la découverte de l’Amérique : Fin d’un monde ancien, naissance d’un monde nouveau…

 


Une nouvel empire se bâtissait  de nouveau à partir de Constantinople devenu Istanbul, des Alpes au Sahara...  La Sublime Porte, gardienne des détroits,  non pas en détruisant l’héritage byzantin, mais en l’intégrant, en le développant, allant jusqu’à donner l’asile aux Juifs chassés par l’inquisition, à devenir l’allié de notre François 1°...

                                                       La Mosquée Bleue: Aya Sofia...


Plus près de nous : Mustapha Kemal, le fondateur de la République Turque, le sauveur des Dardanelles (contre les Anglais et les Français), général nationaliste et laïque, intransigeant qui tenta de mettre au pas, déjà, les Kurdes des provinces orientales mais qui condamna plusieurs fois le génocide arménien. Cette intransigeance, on la  retrouve chez un Erdogan ; déçu par une Europe qui l’a boudé ; un Erdogan qui, sûr de son appui populaire, essaie d’imposer, place Taksim et ailleurs,  sa vision d’une société basée sur les principes de  l’Islam et du modernisme, oubliant un peu vite l’héritage même de la Turquie : un pays nourri de l’antiquité, ouvert, qui s’enrichit des différence des autres.

 

« Lorsque je suis monté sur le pont et que j’ai regardé le paysage, j’ai compris que c’était encore mieux, encore plus beau de voir les deux rives en même temps. J’ai saisi que le mieux était d’être un pont entre deux rives. S’adresser aux deux rives sans appartenir totalement à l’une ou à l’autre dévoilait le plus beau des paysages. »

- Orhan Pamuk -

Gérard Guerrier, directeur général d'Allibert Trekking

photos: Sylvain Cavallini, Alexandre Brean, Zubeyde Caglayan, Gérard Guerrier