25/07/2006
"Que serait une aventure
confortable, un road trip climatisé ?"
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Après plus de 22 000 km à travers l'Asie Centrale, Falk van Gaver et Jean-Baptiste Warluzel sont revenus avec des souvenirs intenses et un récit rocambolesque. Entretien avec ces fous de voyages. |
Quelle était votre motivation lorsque vous avez décidé
de réaliser ce voyage ?
Falk van Gaver et Jean-Baptiste Warluzel : Nous voulions
avant tout réaliser deux films documentaires avec une forte dimension
artistique. Le premier sur la route historique suivie par les
peuples ancêtres des Turcs depuis l'Altaï jusqu'en Anatolie à
travers toute l'Asie Centrale, et que nous avons remontée en 4L
: "La Route turque" (2005, 60'), sans musique ni commentaire,
est un film contemplatif qui a été projeté à plusieurs festivals
où il a été très bien reçu par le public et la critique (Etonnants
voyageurs de Saint-Malo, Trento Film Festival, etc.) : il est
programmé à d'autres festivals dans les mois qui viennent (Cerro
Veronese, Grand Bivouac d'Albertville...). Le second est en cours
de réalisation : "Un Noël au Tibet" (40', 2006) raconte
l'incroyable histoire d'une Fête de la Nativité passée avec des
Tibétains catholiques... Constantin de Slizewicz, Fabrice Hadjadj
et Michaël Lonsdale sont liés à ce projet.
Pourquoi avoir choisit une 4L comme moyen de transport ?
La 4L est une voiture pratique, économique, rustique, sans électronique...
steppique, quoi ! Et jamais de hic... C'est aussi une voiture
mythique, qui a fait ses preuves des décennies durant, notamment
dans nos familles bohèmes et aventureuses... Des amis métalliers
nous l'ont arrangées avec une galerie ultra-légère sur le toit
et un système intérieur de rangement qui nous permettait de dormir
dedans assez confortablement malgré nos gabarits, quand l'environnement
ne permettait pas de dormir sous la tente.
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Piste Kazakhes Photo
© Falk van Gaver et Jean-Baptiste Warluzel |
Y a-t-il un écho particulier aux voyages de Nicolas Bouvier
?
Oui, bien sûr ! "L'Usage du monde" est l'un de ces rares
livres qui a su faire du récit d'un voyage une véritable uvre
littéraire, et le regard de Bouvier, si personnel et si particulier,
reste tellement vivant dans ses pages un demi-siècle après...
C'est pour nous un exemple, tant d'aventure que d'écriture, et
qui a su lier les lignes de Bouvier et les dessins de Thierry
Vernet : nous avons renoué avec cette double approche.
Qu'est-ce qui a été le plus difficile durant cette aventure
?
Les préparatifs, pourtant plutôt courts, et l'attente avant le
départ : visas, etc. Pendant le voyage, quelques difficultés qui
sont le lot de la route et des passages de frontières, etc., mais
sans lesquelles ce voyage aurait été bien insipide.
Que serait une aventure confortable, un road trip climatisé ?...
Les épreuves et inconforts du chemin sont aussi ce à quoi l'on
s'attend et d'une certaine manière ce que l'on cherche en partant
comme cela, et ils sont finalement agréables, vivifiants, et les
plus beaux souvenirs souvent !
Vous semblez proche d'une certaine forme de poésie
le voyage
serait-il en réalité une sorte d'expérience poétique ?
Le voyage est une expérience du monde, de découverte, révélation
du monde : une sorte de dévoilement, et c'est précisément ce que
signifie le mot "poiesis" en grec. La poésie est ce
qui dévoile et révèle la réalité, même cachée, ainsi qu'un vrai
voyage, lent, long, simple... La poésie, comme le voyage, est
allusive, fugace, contemplative et suggestive. Notre approche
du monde, tant par notre aventure que dans l'écriture, le dessin
et l'image, est en ce sens un essai poétique.
Quelle est la région dans laquelle vous vous êtes senti le
plus dépaysé ?
En France, au retour... Le rythme tranquille de la voiture sur
les pistes défoncées d'Asie des mois durant a plutôt opéré sur
nous une forme d' "empaysement", d'enracinement dans la route...
Quels sont vos prochains projets ?
Continuer avec la même simplicité, lier un regard toujours plus
pur à un travail rigoureux. Sans surenchère "aventurière"...
» Lire aussi :
la
route des steppes
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