Edouard Philippe : vrai soutien ou dissident de Macron ?

Edouard Philippe : vrai soutien ou dissident de Macron ? Présent dans Quotidien ce lundi 27 mars 2023, Edouard Philippe se fait rare dans les médias. Au point que sa personne interroge. Est-il toujours un véritable soutien d'Emmanuel Macron ou a-t-il les yeux rivés sur la présidentielle de 2027 ?

Des "conditions de confiance" et "de fluidité qui resteront toute ma vie comme trois années assez exceptionnelles et d'une incroyable densité et richesse." C'est en ces termes qu'Edouard Philippe avait tenu à remercier Emmanuel Macron lors de son départ de Matignon, le 3 juillet 2020. Depuis, beaucoup d'eau a coulé sous les ponts, la vie politique a été chamboulée et Edouard Philippe s'est quelque peu émancipé d'un président de la République qui l'a mis en lumière en lui confiant la direction du gouvernement.

Depuis, l'actuel maire du Havre (Seine-Maritime) a créé son parti, Horizons, décrochant 29 députés à l'Assemblée nationale, avec le soutien de la formation présidentielle. De quoi lui conférer un certain poids dans un hémicycle morcelé, sans majorité absolue. Depuis, des dissonances ont éclaté au grand jour au sein de l'alliance censée soutenir l'action du gouvernement.

Mais jamais, dans la bouche d'Edouard Philippe, une critique directe à l'adresse de son ancien patron. Depuis, pourtant, une relation devenue glaciale. Quelques actes symboliques et des propos au double sens, histoire de rappeler qu'une forme d'indépendance a été prise par l'ex-Premier ministre. Et ce, alors que Macron semble avoir besoin de Philippe. Mais l'inverse est-il vrai ?

Pour Renaissance, le besoin d'Horizons pour gouverner

A l'Assemblée nationale, la majorité ne tient qu'à un fil : le vote sur la motion de censure post-"49.3 réforme des retraites" l'a prouvé. Les objectifs inscrits sur la feuille de route d'Elisabeth Borne ne peuvent être atteints qu'avec des alliances, texte par texte. S'il apparait assez improbable que les députés Horizons s'opposent frontalement au gouvernement –"Horizons est, et restera, un membre de la majorité présidentielle" a affirmé Edouard Philippe le 25 mars-, des embûches peuvent être disséminées, çà et là.

Comme lorsque les députés Horizons ont refusé de voter une proposition de loi visant à imposer une peine d'inéligibilité aux auteurs de violences conjugales, pourtant proposée par la majorité. En interne, nombre d'habitués des coursives du palais Bourbon relatent une relation glaciale entre les membres de Renaissance (le parti d'Emmanuel Macron) et ceux d'Horizons. Les piques adressées par le camp macroniste à l'adresse des philippistes ne sont guère appréciées.

D'autant que, partie de zéro, la formation politique de l'ancien chef du gouvernement commence à véritablement prendre de l'épaisseur : 20 000 membres et 450 maires sont estampillés Horizons. Dans le lot, quelques gros poissons politiques du sud, comme Christian Estrosi (maire de Nice), Hubert Falco (Toulon) ou encore Patrick de Carolis (Arles). L'implantation politique du parti est réelle. Difficile pour Macron et Renaissance, dans ce contexte législatif incandescent, de se brouiller avec Edouard Philippe. Reste qu'il ne compte que deux personnalités dans le gouvernement actuel : Christophe Béchu à la Transition écologique et Agnès Firmin-Le Bodo, déléguée à l'Organisation territoriale et des Professions de santé.

Une prise de hauteur pour capitaliser sur sa popularité ?

Si le parti Renaissance apparaît aujourd'hui bousculé comme il ne l'a jamais été, est-il imaginable de voir Edouard Philippe prendre la lumière ? Vraisemblablement, ce n'est pas la ligne que s'est fixé le maire du Havre. L'heure est plutôt à maintenir l'alliance, comme il l'a déclaré devant tous les cadres de la formation macroniste, samedi 25 mars, en marge du premier congrès d'Horizons. Une alliance, oui, non sans quelques remontrances, notamment sur l'organisation politique actuelle à l'Assemblée, sommant "l'absolue nécessité d'organiser le bloc central" autour d'une majorité "qui pourrait mieux fonctionner." Sous-entendu, moins de cavalier seul de Renaissance et plus d'écoute des propositions d'Horizons.

Mais alors que le climat est particulièrement tendu, pourquoi Edouard Philippe ne sort-il pas réellement du bois, lui qui jouit d'une cote de popularité bien plus élevée qu'Emmanuel Macron (44% d'opinions favorables contre 32% au 1er mars 2023 – Ipsos) ? Le quinquagénaire réserve son propos. A contrario des politiques à la parole incessante, il préfère "parler à bon escient. […] Sinon, on s'épuise dans la parole et on appauvrit sa propre réflexion", comme il l'a confié au Figaro. Sa prise de hauteur pourrait lui servir de tremplin en vue de 2027.

Alors qu'Emmanuel Macron ne pourra pas être candidat à sa réélection, son ancien Premier ministre pourrait tenter de lui ravir la place. En se faisant rare mais en affirmant ses positions -comme il l'a fait sur la réforme des retraites-, Edouard Philippe pourrait ainsi capitaliser sur sa popularité. Ou, a minima, moins perdre de crédit qui pourrait lui fermer les grilles de l'Elysée. En attendant, "Horizons est membre de la majorité, j'ai toujours été clair sur ce sujet, assure Edouard Philippe, qui ajoute à cet axiome : "Nous soutenons le gouvernement et la première ministre. Sans hésitation, sans atermoiement, et avec exigence."

Contemporain