Mahjoub Mahjoubi, l'imam expulsé, pourra-t-il revenir en France ?

Mahjoub Mahjoubi, l'imam expulsé, pourra-t-il revenir en France ? Expulsé de France en direction de la Tunisie, jeudi 22 février, l'imam Mahjoub Mahjoubi souhaiterait revenir en France malgré ses propos jugés contraires aux valeurs de la République. Est-ce possible ?

12 heures après son interpellation, l'imam qui officiait dans une mosquée à Bagnols-sur-Cèze (Gard), Mahjoub Mahjoubi, a été expulsé de France en direction de la Tunisie, jeudi 22 février. Depuis la Tunisie, vendredi 23 février, il expliquait vouloir revenir en France. Son "objectif" est "que la France me donne mon droit, ma légitimité de me défendre, (…) au moins que je puisse m'exprimer devant un juge". Sur BFMTV, le prêcheur a affirmé : "Je vais tout faire pour retrouver les miens, retrouver mon travail, dans les jours ou les semaines qui arrivent." L'imam a assuré que sa "place n'est pas ici", mais avec les siens qui ne sont pas en Tunisie mais "de l'autre côté de la Méditerranée".

Il fait notamment référence à sa compagne et ses cinq enfants, tous de nationalité française, et dont l'un d'entre eux "a un cancer". "Je ne demande qu'à être entendu par les juges. Si je dois être sanctionné, j'accepterai la sanction... Si elle est juste. J'ai vécu quarante ans dans ce pays, le pays des droits de l'Homme et du citoyen. Je ferai tout pour faire valoir mes droits."

Vendredi 23 février, Me Samir Hamroun, l'avocat de l'imam a annoncé qu'un "référé liberté" avait été déposé devant le tribunal administratif de Paris. "Nous contestons cette expulsion sur le fond, la forme, et sur cette procédure. Nous allons maintenant passer par un référé liberté pour démontrer au tribunal administratif qu'il laisse des attaches profondes en France et qu'il n'a quasiment rien en Tunisie", a-t-il indiqué sur RMC.

Pour son avocat, Mahjoub Mahjoubi n'a "jamais tenu" les propos qui lui sont reprochés sur les femmes, "ni en citant des textes classiques, ni en donnant son opinion. Ces mots ne sont jamais sortis de sa bouche. Les propos sur les juifs, il les a tenus dans le cadre d'une prêche. Il n'y a pas de traces de ces propos sur les femmes et lui-même le conteste" a-t-il indiqué. Il a également expliqué le souhait de son client de rentrer en France dès que possible. Un désir suspendu à l'acceptation ou non, du référé liberté déposé par son avocat. "Ce recours a pour but de suspendre la décision de Monsieur le ministre de l'Intérieur et de la renvoyer au fond, qui sera étudié dans plusieurs mois", a précisé son avocat à BFMTV.

Les défenseurs des droits de l'Homme dénonçant une procédure abusive, c'est sur ce point que le juge des référés doit statuer. Il doit décider si l'expulsion était nécessaire et adaptée face au trouble de l'ordre public provoqué par la présence de l'imam en France. Il a 48 heures pour se prononcer, le verdict est donc imminent. Cette décision peut aboutir à l'affirmation d'une "atteinte grave et manifestement illégale" à une "liberté fondamentale" d'aller et venir et/ou de liberté d'expression. Si c'est le cas, l'arrêt d'expulsion sera suspendu et l'imam sera rapidement rapatrié aux frais de l'Etat français. Néanmoins, ce dernier pourrait répliquer en faisant appel au Conseil d'Etat qui devra à son tour confirmer ou infirmer la décision du juge des référés. 

Dans le cas contraire, si le juge des référés confirme la nécessité d'expulser l'imam, ce dernier a prévenu qu'il n'hésiterait pas à faire une succession de recours. Il avait en effet précisé que si son référé n'était pas accepté, il saisirait le Conseil d'Etat puis la Cour européenne des droits de l'Homme. 

Mahjoub Mahjoubi expulsé en Tunisie le jeudi 22 février

"L'Imam' radical Mahjoub Mahjoubi vient d'être expulsé du territoire national, moins de 12 heures après son interpellation", s'était réjoui jeudi soir le ministre de l'Intérieur sur le réseau social X, promouvant au passage la tant décriée nouvelle loi immigration. "C'est la démonstration que la loi immigration, sans laquelle une telle expulsion aussi rapide n'aurait pas été possible, rend la France plus forte", a assuré Gérald Darmanin. Et de renchérir : "Nous ne laisserons rien passer." Arrivé en Tunisie, Mahjoub Mahjoubi a expliqué avoir été "très bien accueilli par les autorités" et sa famille, sous des applaudissements comme indiqué auprès de RMC.

Visé par une demande de retrait de son titre de séjour, l'imam Mahjoub Mahjoubi avait été interpellé jeudi, vers 12h30, à son domicile de Bagnols-sur-Cèze, dans le Gard. L'homme d'origine tunisienne avait été placé en centre de rétention en région parisienne, selon BFMTV. Au moment de son interpellation, Mahjoub Mahjoubi, "sous le choc", selon son entourage, avait pris connaissance de l'arrêté d'expulsion signé par le ministre de l'Intérieur. 

Dans le détail, l'arrêté d'expulsion indique qu'il est reproché à l'imam d'avoir "véhiculé une conception littérale, rétrograde, intolérante et violente de l'islam, de nature à encourager les comportements contraires aux valeurs de la République, la discrimination à l'égard des femmes, le repli identitaire, les tensions avec la communauté juive et la radicalisation djihadiste", a relayé Le Figaro qui a pu le consulter. Toujours selon l'arrêté, Mahjoub Mahjoubi aurait présenté à plusieurs reprises les femmes "comme étant inférieures, faibles et vénales", affirmant qu'elles devraient être "contrôlées par les hommes" et pourraient "être séquestrées au nom de la religion". Parmi les autres reproches qui lui sont faits, on note également des propos "haineux et discriminatoires" qu'il aurait eus en évoquant les "non-musulmans" ou encore "la société française".  

"Nous sommes en train d'assister à une violation inédite des droits fondamentaux et des libertés publiques", soulignait Me Hamroun à BFMTV, ajoutant que Mahjoub Mahjoubi n'a fait l'objet d'aucune convocation pour pouvoir s'expliquer sur la polémique qui l'entoure après la diffusion d'une vidéo d'un de ses prêches.

Une enquête préliminaire pour apologie du terrorisme

L'affaire autour de Mahjoub Mahjoubi a commencé le 18 février avec la diffusion d'une vidéo de l'imam en train de faire un prêche dans lequel il évoque des "drapeaux tricolores qui nous gangrènent" qualifiés par la suite d'étendards "satanistes". Il n'est jamais précisé s'il est question du drapeau français et l'imam assure dans sa défense que non, qu'il a fait un lapsus entre "tricolore" et "multicolore" en voulant parler des drapeaux africains.

Le ministre de l'Intérieur avait immédiatement réagi en demandant le retrait du titre de séjour de l'imam, une initiative justifiée non pas uniquement par les vidéos du prêche, mais par les propos tenus par Mahjoub Mahjoub lors de précédents prêches selon le préfet de Gard, Jérôme Bonet. Le préfet qui avait signalé l'imam au procureur de la République du Gard, estime que les propos en question "remettent en cause les principes de la République". Après les signalements, une enquête préliminaire pour apologie du terrorisme a été ouverte. Le ministre Gérald Darmanin avait pour sa part assuré qu'"aucun appel à la haine ne restera[it] sans réponse".