Affaire Pélicot : cette vidéo qui a fait basculer la tournure du procès
Le procès de l'affaire des viols de Mazan se poursuit. Les co-accusés, jugés pour "viols aggravés", défilent à la barre. Gisèle Pélicot, droguée et livrée par son mari à des inconnus pendant des années, a décidé de ne pas demander de huis clos pour le procès et a accepté la diffusion des images des sévices filmées par son mari. Elle souhaite, par ce biais, sensibiliser à la soumission chimique et aux violences sexuelles. La volonté de la victime a toutefois été remise en cause par le président de la cour criminelle du Vaucluse, mais après la contestation des avocats de la victime, les conditions de diffusion ont été débattues ce vendredi 4 octobre.
La polémique a débuté le 19 septembre, quand a eu lieu la première diffusion d'une vidéo, retrouvée dans les fichiers de Dominique Pélicot, montrant des hommes en train d'abuser de Gisèle Pélicot. Classés sous le nom de "Cunni et pipe Jacques", "Jacques doigtage" et "Pipe moi", trois courts extraits ont été diffusés dans la salle d'audience devant toute l'assemblée composées des parties au procès, mais aussi des journalistes et des personnes venues assister au procès. Jacques, le doyen des co-accusés, 72 ans, ne reconnait pas de viols mais "des atteintes sexuelles". La dernière vidéo apparait comme une fellation forcée par Dominique Pélicot lui-même. Des ronflements de la victime, manifestement inconsciente, sont entendus sur les images, rapporte 20 minutes.
Dès le lendemain de cette diffusion qui a secoué toute l'assemblée, le président de la cour a acté unilatéralement que seules les parties présentes au procès pourraient assister aux prochains visionnages. Cela concerne donc les avocats de la partie civile et de la défense ainsi que le ministère public, excluant alors journalistes et public. Il ne voulait pas non plus que les "vidéos de sexe", comme il les a nommées, soit systématiquement diffusées pour chaque accusé, souhaitant privilégier le "cas par cas". "J'ai indiqué que des vidéos seront projetées si c'est nécessaire à la manifestation de la vérité et qu'à ce moment-là, la salle sera évacuée, la connexion avec la salle de retransmission coupée et les diffusions réservées aux parties et à la cour", a-t-il précisé, comme le rapporte BFMTV.
Une décision en faveur de la défense ?
Les avocats de Gisèle Pélicot avaient alors, le 30 septembre, contesté une telle décision. Pour eux, le dossier repose énormément sur ces vidéos, permettant ainsi de confronter les co-accusés à leurs actes. Pour une majeure partie d'entre eux, ils nient avoir intentionnellement violé Gisèle Pélicot et assurent avoir été piégés par son mari. Cette dernière, qui sous l'effet de la drogue ne se souvient de rien, souhaite, pour sa part, que les vidéos soient diffusées devant la cour et les journalistes, mais sans le public.
Du côté de Dominique Pélicot, aucune opposition n'a été manifestée. "La diffusion de ces vidéos en présence de la presse reste du ressort de la volonté de Madame Pelicot, donc Monsieur Pelicot ne peut que se plier à cette exigence", a répondu son avocate Me Béatrice Zavarro à France 3 Provence-Alpes, qui juge cette diffusion "nécessaire". L'ex-mari de Gisèle Pélicot soutient que tous les co-accusés étaient au courant que sa femme était droguée à son insu.
A l'inverse, la défense s'est engouffrée dans la brèche, soutenant la décision du président de la cour. "Je n'ai pas besoin de voir un meurtre en direct pour savoir que c'est effroyable, j'ai du mal à voir ce que ça apporterait dans le débat", avait rétorqué Me Carine Monzat, avocate de l'un des accusés. La défense a, en effet, dénoncé un "déballage nauséabond" et un acte de "voyeurisme". Si la défense s'est opposée à la diffusion publique des images, c'est parce que ce serait dans son intérêt et celui des accusés qui plaident non-coupables selon l'association de la presse judiciaire. "M. Arata a accédé à une demande de certains avocats de la défense, qui ont bien entendu tout intérêt à ce que les journalistes ne soient pas présents pour voir leurs clients dans leurs œuvres, de nous mettre dehors au nom du "caractère indécent et choquant" des images", a déploré l'association dans un communiqué.
Non seulement de servir la défense, les restrictions pour la diffusion des images revient à considérer que Gisèle Pélicot est à l'origine d'un "trouble public" en refusant le huis clos, estime la journaliste et militante féministe Anna Toumazoff sur BFMTV. En ne diffusant pas les images des sévices "on cache le mode opératoire" regrette Me Isabelle Steyer, avocate spécialisée dans les dossiers de féminicides et de violences faites aux femmes. "Ces vidéos, c'est ce que le violeur demande à la violée. Pourquoi tairait-on une scène de viol ? C'est de l'information car, plus largement, ces images détruisent l'image du bon père de famille" utilisée comme défense par les accusés, et plus largement dans de nombreuses affaires de viol.
18:59 - Le public choqué face aux images
Dans la salle de retransmission, le public a finalement eu le droit de voir les images des sévices subis par Gisèle Pélicot. Dix vidéos ont été diffusées. Juste avant le visionnage, une assistante du tribunal a fait passer un message : "Les âmes sensibles, vous n’hésitez pas à sortir". Pendant plus d'une heure, les images se sont succédées, montrant Gisèle Pélicot inerte en train de subir les viols. L'effroi du public face aux images est palpable, un silence de mort règne entre eux. Dès la troisième vidéo, plus personne n'est capable de regarder. "Comment peut-on réagir bestialement, ils s'en servent comme un morceau de viande. J'ai honte d'être un homme", a réagi un homme du public, comme le rapporte BFMTV. "On se doutait que c'était grave, mais visuellement, on ne pensait pas que c'est aussi grave", a témoigné une autre femme présente.
17:30 - Des accusés confrontés aux images des viols
Des images des viols ont été diffusées ce vendredi après la décision de la cour de permettre au public et aux journalistes de les voir. "Il y a ce qu'on dit les accusés à la barre et il y a la réalité que l'on voit diffusée par les écrans dans cette salle d'audience", rapporte une journaliste de BFMTV. Elle donne l'exemple d'un accusé qui avait raconté n'avoir aucun souvenir du viol, prétendant avoir été drogué par Dominique Pélicot. Or, sur la vidéo diffusée ce vendredi, "on voit un homme très conscient, qui semble en parfaite maitrise de ses actes". Un autre accusé disait avoir été "terrorisé par Dominique Pélicot" et n'avoir "pas eu le choix de s'exécuter" alors que sur les images, "à aucun moment on lit la peur sur son visage, on entend pas non plus de menaces dans la bouche de Dominique Pélicot", raconte la journaliste.
13:30 - La défense a tenté de faire maintenir la décision
La défense a, pour sa part, débattu en faveur de la décision du président de la cour. Me Paul-Roger Gontard, principal orateur de la défense ce vendredi, a déclaré : "est-ce que le visionnage des vidéos est utile pour la manifestation de la vérité? On peut considérer que non". La défense souhaitait éviter un "deuxième procès", celui "de la foule". "Nous transformons cette salle en lieu de voyeurisme. Que recherchez-vous, une tribune ne vous a pas suffi? Montrer la soumission chimique, un film ne vous a pas suffi?", s'est agacé Me Olivier Lantelme, autre avocat de la défense, comme le rapporte BFMTV.
13:23 - Les arguments des avocats de la victime ont porté leurs fruits
Ce vendredi, les avocats de Gisèle Pélicot ont eu gain de cause sur la diffusion des images. "Le viol est tellement choquant, tellement indigne, qu'en 2024 la société n'est toujours pas prête à le regarder droit dans les yeux", s'est interrogé Me Stéphane Babonneau, avocat de Gisèle Pelicot, devant la cour ce 4 octobre. Ils ont mis en avant le caractère capital de la diffusion des images, afin d'éviter le "parole contre parole" : "Une perception, c’est subjectif. Tout le monde peut en avoir une différente pour une même scène. La parole de Gisèle Pelicot, sur cette perception, nous ne l’aurons jamais, elle était inconsciente", a rappelé Me Antoine Camus, le second avocat de la victime.
13:11 - Les diffusions des images seront publiques
Un débat s'est tenu ce vendredi matin devant la cour criminelle du Vaucluse suite à la décision du président de la cour sur la diffusion des images, filmées par Dominique Pélicot, des sévices subis par sa femme. Le magistrat souhaitait qu'elle ne soit pas systématique et non accessible aux journalistes et au public. Une décision dénoncée par les avocats de Gisèle Pélicot et les journalistes. Finalement, la diffusion sera bien publique mais pas systématique : "les diffusions ne seront pas systématiques, uniquement dans les cas strictement nécessaires à la manifestation de la vérité (...) ces diffusions seront précédées d'une annonce pour que toute personne sensible ou mineure puisse sortir de la salle", a annoncé la cour, comme le rapporte BFMTV.