Affaire Bétharram : un homme inculpé pour viol et agression sexuelle, l'enquête s'accélère
L'enquête autour de l'affaire Bétharram connaît une avancée notable. Ce vendredi 21 février, l'un des trois individus interpellés mercredi a été officiellement inculpé pour viol et agression sexuelle.
D'après le parquet de Pau, l'individu mis en examen, né en 1965, est un ex-surveillant de l'établissement catholique du Béarn. Il a été placé en détention provisoire après avoir exercé jusqu'en 2023, avant d'être écarté lorsque l'enquête judiciaire a été ouverte en février 2024.
Plusieurs faits prescrits
Deux hommes placés en garde à vue cette semaine – un ancien membre du clergé né en 1931 et un ex-surveillant scolaire né en 1955 – ont finalement été relâchés, les faits qui leur étaient imputés étant prescrits, a fait savoir le procureur Rodolphe Jarry. Les actes en question auraient eu lieu entre la fin des années 1950 et la fin des années 1980, impliquant notamment une seule victime pour le plus âgé des suspects.
Par ailleurs, l'enquête, ouverte depuis un an, a recensé 112 signalements au 31 janvier, impliquant 11 individus pour des agressions sexuelles et des viols présumés sur une période allant de 1955 à 2004. Huit des personnes mises en cause sont aujourd'hui décédées, et les trois autres faisaient partie des arrestations effectuées mercredi. L'information judiciaire a été ouverte pour des faits de "viol par personne ayant autorité commis entre 1991 et 1994", et "agression sexuelle sur mineur de quinze ans en 2004". D'autres faits "apparaissent prescrits", détaille le parquet.
Quatre ex-employés de l'établissement, accusés d'avoir exercé des "violences graves et répétées" sur plusieurs personnes entre 1979 et 1996, ont également été interrogés par les enquêteurs de la section de recherches de Pau, en charge du dossier. Deux d'entre eux reconnaissent avoir donné des gifles, un troisième concède avoir pu tirer les cheveux de certains enfants "ou leur donner des coups avec le poing fermé", relève le parquet. Ces trois personnes sont toujours libres car "l'ensemble de ces délits" sont "intégralement prescrits".
Une ancienne professeure témoigne
Jeudi 20 février, une ancienne professeure de l'établissement Notre-Dame-de-Bétharram a affirmé à nouveau, dans une vidéo publiée par Mediapart, que François Bayrou et son épouse n'ont pas tenu compte de ses mises en garde concernant les violences subies par les élèves de cet établissement privé béarnais. Enseignante en mathématiques entre 1994 et 1996, période durant laquelle un parent d'élève dépose une première plainte et alors que François Bayrou est ministre de l'Éducation, elle déclare lui avoir adressé un courrier resté sans réponse, insiste Françoise Gullung.
Début février, elle avait confié à l'AFP avoir signalé à plusieurs reprises aux autorités compétentes, telles que la protection de l'enfance et le diocèse, l'existence d'un climat pesant, marqué par une hostilité et des tensions inhabituelles. Dans son échange avec Mediapart, elle évoque un épisode impliquant l'épouse de François Bayrou, alors chargée des cours de catéchisme au sein de l'établissement, où plusieurs de leurs enfants étaient inscrits. "Il y avait une salle de classe dans laquelle on entendait un adulte hurler sur un enfant, on entendait les coups et on entendait l'enfant qui suppliait qu'on arrête", raconte-t-elle.
EXCLUSIF Les révélations de lenseignante qui a lancé lalerte à Bétharram. Professeure à Notre-Dame-de-Bétharram dans les années 1990, Françoise Gullung raconte dans un entretien vidéo à @Mediapart avoir alerté à plusieurs reprises François Bayrou. https://t.co/4yQx6ry36N
— Edwy Plenel (@edwyplenel) February 20, 2025
"C'était normal qu'on les batte"
"Je me retourne vers Élisabeth Bayrou et je lui demande ce qu'on peut faire. Pour moi ça veut dire qu'à deux, on peut peut-être ouvrir la porte. Mais elle n'a pas compris ça. Elle m'a simplement répondu, je ne me souviens pas des termes exacts, mais que ces enfants, il n'y en avait rien à en tirer", ajoute l'ancienne enseignante. "J'avais l'impression que pour elle, ces enfants-là étaient d'une espèce inférieure aux siens (...), que c'était normal qu'on les batte ", déplore-t-elle.
Elle mentionne également un épisode survenu en 1995, lorsqu'elle exprime directement ses préoccupations à François Bayrou lors d'un événement officiel à Pau. "Je lui dis qu'il faut faire quelque chose car c'est très grave ce qui se passe à Bétharram. Et il lui répond : 'oui, on dramatise'."
Confronté à une forte pression depuis quinze jours, le chef du gouvernement a affirmé à plusieurs reprises, aussi bien devant les députés qu'auprès des médias, qu'il n'avait jamais eu connaissance des faits qui lui sont aujourd'hui reprochés. Selon son entourage, l'article de Mediapart "relève d'un délire dangereux", affirmant que "la seule chose qui compte est de permettre aux victimes d'être entendues, de trouver réparation et de voir les coupables répondre de leurs actes".