Procès de l'anesthésiste Péchier : pourquoi un ami du suspect est "convaincu" qu'il est coupable ?

Kévin Comby

Procès de l'anesthésiste Péchier : pourquoi un ami du suspect est "convaincu" qu'il est coupable ? Anesthésiste à la retraite, Sylvain Serri, qui est un ancien ami et collègue de Frédéric Péchier a longtemps été désigné par le médecin comme étant celui à l'origine des empoisonnements de dizaines de patients pour lesquels il est actuellement jugé. Aujourd'hui, ce dernier est pourtant convaincu d'une chose : Frédéric Péchier est coupable des faits qui lui sont reprochés.

Depuis le 8 septembre dernier, le médecin anesthésiste Frédéric Péchier est jugé à la cour d'assises du Doubs pour plusieurs dizaines d'empoisonnements présumés survenus entre 2008 et 2017 à la clinique Saint-Vincent de Besançon. Ce procès très médiatisé revêt d'ailleurs un caractère exceptionnel avec un nombre important de parties civiles - plus de 150 - et une cinquantaine d'avocats mobilisés. Sur le banc des parties civiles figure un homme que Frédéric Péchier connaît pourtant bien, puisqu'il s'agit d'un ancien ami à lui. Sylvain Serri, également médecin anesthésiste à la retraite âgé de 67 ans, a longtemps été la cible du médecin qui a voulu en faire le véritable empoisonneur à sa place, rapporte franceinfo.

À la barre ce jeudi 18 septembre, l'ancien professionnel explique ainsi avoir subi "un véritable pilori médiatique" pendant longtemps, dont sa famille a souffert. Ému, Sylvain Serri n'a d'ailleurs pas manqué d'adresser ses pensées aux familles des victimes, dont une partie se trouve à ses côtés sur les bancs de la salle d'audience. Ami de longue date avec le docteur Péchier, leur amitié a volé en éclats en février 2016 après un dîner avec leurs épouses respectives. Deux mois plus tard, le 14 avril 2016, Sylvain Serri doit faire face à un EIG (événement indésirable grave). L'une de ses patientes qu'il a anesthésiée décède lors d'une intervention pour une fracture de l'épaule. L'autopsie réalisée sur le corps de la victime révèle alors un surdosage de Tramadol, un puissant antidouleur, qui n'a pourtant pas été utilisé pendant l'acte opératoire, de même qu'un taux de Mépivacaïne (un anesthésique local) trois fois supérieur à la normale. Par la suite, un autre patient du docteur Serri décède dans des situations similaires en 2014, puis un troisième en octobre 2016.

Le cas de Sandra Simard qui a tout fait basculer

S'il explique devant la cour d'assises avoir voulu quitter son poste après cette série de décès traumatisants, c'est finalement un énième EIG en janvier 2017, dont la patiente, Sandra Simard, en sort miraculée, qui fait tout basculer. Rapidement, des soignants mènent l'enquête et les doutes se portent sur Frédéric Péchier. Alors que la police de Besançon mène elle aussi son enquête, ce dernier est placé en garde à vue en mars 2017. Au sein de la clinique, les doutes persistent, "il y a les pro-Péchier qui font des banderoles, une cagnotte… Et dès qu'on dit qu'on n'est pas forcément pro-Péchier, on se fait agonir", a confié Sylvain Serri qui commence à avoir de sérieux doutes à l'époque sur son ancien ami et collègue.

Expliquant ne pas avoir eu de suite une "franche conviction" sur la culpabilité de son ancien collègue, c'est finalement lors d'une confrontation entre les deux hommes le 28 septembre 2017 qu'il explique avoir "perdu toute illusion". "Là, j'ai eu la conviction que c'était lui", a-t-il déclaré à la barre. Présenté comme le coupable idéal par la défense de Frédéric Péchier qui clame son innocence, "plusieurs éléments" dédouanent pourtant totalement Sylvain Serri dans cette affaire. "En 43 ans d'exercice professionnel, c'est la première fois que je vois un accusé désigner publiquement une autre personne comme étant le criminel réel, ce n'est pas une pratique courante dans le monde judiciaire", a ainsi fait savoir l'avocate générale, Thérèse Brunisso.