Ces cinq villes auraient pu être ciblées par la bombe atomique, Nagasaki n'en faisait pas partie
Il y a 80 ans, l'histoire du monde basculait. Le 6 août 1945, pour la toute première fois, l'armée américaine larguait une bombe atomique à l'uranium sur la ville japonaise d'Hiroshima. En quelques secondes, près de 140 000 personnes perdaient la vie. Trois jours plus tard, une seconde bombe au plutonium frappait Nagasaki, faisant environ 74 000 morts. Ces attaques inédites ont poussé le Japon à capituler, marquant ainsi la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Comme chaque année, le Japon rend hommage aux victimes de ces bombardements. Ce que beaucoup ignorent, c'est que Nagasaki n'était pas ciblée à l'origine. Cinq autres villes figuraient sur la première liste établie par les États-Unis lors d'une réunion stratégique organisée le 11 mai 1945. Autour de la table, des scientifiques et des hauts responsables militaires forment le "Comité des cibles" et dressent une liste de cinq villes japonaises, sur ce document daté de l'époque : Kyoto, Hiroshima, Yokohama, Kokura et Niigata. La ville de Nagasaki ne figurait donc pas sur cette liste.
Hiroshima est choisie car elle n'a pas encore été bombardée. Un terrain "idéal" aux yeux des soldats américains, pour mesurer les effets de la bombe, comme l'explique Barthélémy Courmont dans l'Encyclopédie d'histoire numérique de l'Europe. Kyoto, en tête de la liste, était une cible de choix avec plus de 2 000 temples bouddhistes et sanctuaires shintoïstes, dont 17 inscrits au patrimoine mondial. "Cette cible est une zone industrielle urbaine d'une population de 1 000 000 habitants", indique le compte rendu de la réunion.

Pourtant, la ville de Kyoto sera finalement épargnée. Une croyance populaire, relayée par History Hit, attribue cette décision à Henry Stimson, le secrétaire américain affilié à la Guerre. Ce dernier aurait exigé son retrait de la liste après y avoir passé sa lune de miel il y a quelques années. Selon The Atlantic, il aurait aussi insisté pour que la bombe soit "utilisée comme une arme de guerre de la manière prescrite par les lois de la guerre" et donc "lâchée sur une cible militaire".
Une version romancée largement remise en question par plusieurs spécialistes, dont l'historien américain Alex Wellerstein, spécialiste des sciences et des armes nucléaires. Dans son blog, il démonte cette version en s'appuyant sur les journaux d'Henry Stimson, des autobiographies, des biographies, archives... Et selon lui, Henry Stimson et sa femme n'ont pas passé leur lune de miel à Kyoto. Cette version serait apparu en 2002, dans un article britannique évoquant une "seconde lune de miel" sans jamais citer de source fiable.
Henry Stimson se serait pourtant bien rendu à Kyoto avec son épouse, mais en 1926, soit plus de 30 ans après leur mariage. Il écrit dans son journal avoir "dîné délicieusement à l'hôtel Miyako", passé une "magnifique journée consacrée à la visite", et s'être rendu dans un monastère et un temple bouddhistes "sur une haute colline". Il ne parle cependant jamais de "lune de miel". Ainsi, selon Alex Wellerstein, "les raisons qui ont motivé les actions de Stimson à Kyoto étaient plus importantes que le simple fait de passer un agréable moment avec sa femme". D'après lui, Henry Stimson aurait aussi voulu "éviter l'animosité japonaise d'après-guerre".