Plus de 200 attaques d'orques en un an : pourquoi ces cétacés s'en prennent soudainement aux bateaux ?
Des groupes d'orques attaquant la coque et le safran des bateaux. Ces scènes sont fréquemment observées au large des côtes espagnoles et portugaises depuis 2020 et partagées sur les réseaux sociaux : 207 attaques ont été recensées en 2022 et au moins 40 depuis le début de l'année 2023. Et ce sont souvent les mêmes animaux qui semblent s'en prendre aux voiliers et aux bateaux de petite taille : une femelle, baptisée White Gladys et plusieurs juvéniles, agissant par groupes de trois à dix orques.
Les marques visibles sur le corps l'orque femelle montrent que l'animal a été blessé, probablement lors d'une collision ou dans un piège, aux alentours de 2020, quand les "attaques" ont commencé. De quoi interpréter ces violents agissements des orques de Gibraltar - aussi appelés "baleines tueuse" - comme une vengeance des cétacés après un traumatisme.
Une vengeance évidente de la part des orques ?
La théorie a été adoptée par des scientifiques du Groupe de travail sur les orques de l'Atlantique (GTOA) dans un article publié dans la revue Marina Mammal Science. Elle est pourtant loin de faire l'unanimité au sein de la communauté scientifique. "L'idée de vengeance est une belle histoire, mais il n'y a aucune preuve", a rappelé la neuroscientifique Lori Marino, présidente du Whale Sanctuary Project, auprès de la BBC.
Hanne Strager, cofondatrice du centre des cétacés d'Andenes, en Norvège, et auteure de l'ouvrage "The Killer Whale Journals", interrogée par National Geographic, a fermement écarté la théorie de la vengeance. Aucune agressivité n'a en effet été observée par la spécialiste sur les images qu'elle a consultées. Autre preuve : les orques ne s'en sont jamais pris aux plaisanciers réfugiés sur des canots de sauvetage quand leurs voiliers avaient été coulés par les cétacés. "S'ils voulaient blesser les gens sur le bateau, ils pourraient facilement le faire", fait aussi remarquer la neuroscientifique Lori Marino.
Comment explique les charges des orques contre les bateaux ?
Selon Deborah Giles, directrice scientifique de l'organisation Wild Orca, contactée par la BBC, cette population d'orques, qui ne compte plus que quelques dizaines d'individus, a en outre été victime de mauvais traitements humains et de la pêche pour les parcs marins dès les années 60. "Ils ont vu des membres de leur famille être sortis de l'eau et embarqués dans un camion pour ne jamais revenir". Les orques ne s'en sont pourtant jamais pris aux hommes selon elle.
Plus que des attaques, ces interactions pourraient être un nouveau "comportement de jeu" selon ces scientifiques. Les études sur les épaulards ont montré que ces cétacés sont "très intelligents" et sont des "apprenants sociaux". Pour des experts comme Deborah Giles, le safran du bateau, qui est toujours visé par les coups des orques, doit être "attrayant" pour les animaux : "C'est peut-être quelque chose d'amusant pour eux, et ils continueront [à se transmettre la pratique]". Jusqu'à ce qu'ils se lassent.