Les baromètres de popularité (partie 3) : Des interprétations souvent hâtives

Nicolas Sarkozy connaîtrait actuellement une "nette progression dans les sondages". Le chef de l'Etat sortant "monte"… mais dans quoi précisément ? Voici la deuxième partie de notre série de chroniques sur les baromètres de popularité.

Pour plagier Galilée, on pourrait cependant s’écrier : "Et pourtant, il monte !" Effectivement, six instituts sur huit ont récemment mis à jour une récente amélioration de la popularité de Nicolas Sarkozy. Mais comment interpréter de telles évolutions ? Le réflexe le plus classique parmi les journalistes, les sondeurs et les conseillers en communication consiste à reprendre l’actualité des dernières semaines, d’y déceler l’ensemble des interventions du chef de l’Etat, d’y ajouter quelques éléments de conjoncture (l’évolution de la situation économique, du taux de chômage ou de la délinquance) et d’en déduire l’impact (positif ou négatif) sur les Français. S’il ne fait aucun doute qu’une proportion non négligeable de la population est attentive à l’actualité, il est tout aussi indéniable que seule une minorité (parmi lesquels figurent notamment les analystes habituels de la vie politique) opère ce suivi scrupuleux des multiples épisodes qui mettent en scène le président. Or paradoxalement, les plus informés sont aussi les plus politisés, c’est-à-dire ceux dont les opinions sur le chef de l’Etat ont le moins de chance de varier ! Il y a souvent une forme d’ethnocentrisme dans les commentaires de sondage. Autrement dit, les commentateurs ont souvent tendance à imaginer que l’ensemble du corps électoral suit quotidiennement l’actualité politique et se montre réceptif (dans un sens ou dans un autre) aux subtiles variations du discours présidentiel (un coup au centre, un coup à droite, selon les pôles de la majorité que Nicolas Sarkozy cherche à séduire). Ne rencontrant généralement les Français "ordinaires" qu’à travers les résultats de sondage, ces commentateurs n’ont en réalité pas beaucoup d’éléments de preuve pour étayer leurs analyses explicatives des changements observés.

 

Certes, les sondeurs mettent à disposition des gouvernants et de leurs entourages des enquêtes confidentielles qui enrichissent la compréhension des mouvements d’opinion : il s’agit parfois d’études qualitatives au cours desquelles des groupes de sondés échangent sur différents thèmes d’actualité. Il peut également s’agir de panels au sein desquels un même échantillon d’interviewés est soumis chaque mois aux mêmes questions. Mais en dehors de ces données qui ne sont communiquées qu’à ceux qui les ont financées, il est extrêmement difficile de savoir avec assurance pourquoi le chef de l’Etat connaît une hausse ou une baisse de popularité. Car les baromètres ne sont pas des panels : si les questions sont identiques à chaque vague d’enquête, elles sont posées en principe à chaque fois à des personnes différentes. Il n’est pas possible de savoir, pour chaque individu, si son appréciation actuelle de Nicolas Sarkozy est la même que celle qu’il avait le mois précédent. On ne connaît donc pas avec précision l’identité et les motivations de ceux qui "changent" d’opinion.

 

Lire les précédentes chroniques de cette série sur les baromètres de popularité :

Partie 1 : Nicolas Sarkozy "monte"… mais dans quoi précisément ?
Partie 2 : Une méthodologie à surveiller