Marche contre l'antisémitisme : une manifestation historique, l'absence de Macron remarquée

Marche contre l'antisémitisme : une manifestation historique, l'absence de Macron remarquée La marche civique contre l'antisémitisme a réuni 182 000 personnes partout en France le 12 novembre et s'est déroulée dans le calme. Emmanuel Macron a été le seul politique à manquer à l'appel, une absence regrettée par les représentants des cultes.

Elle a été la plus importante manifestation contre l'antisémitisme depuis 1990. La marche civique du 12 novembre a réuni 182 000 personnes partout en France, dont 105 000 uniquement à Paris. Les Français sont donc nombreux à avoir répondu à l'appel de la présidente de l'Assemblée Yaël Braun-Pivet et de son homologue au Sénat Gérard Larcher. Les deux politiques étaient en tête de cortège derrière une banderole "Pour la République, contre l'antisémitisme". A leurs côtés de nombreuses personnalités : la Première ministre Elisabeth Borne, une vingtaine de ministres, mais aussi d'anciens chefs du gouvernement comme Edouard Philippe et d'anciens chefs d'Etat tels que François Hollande et Nicolas Sarkozy. Outre les politiques, les représentants des cultes étaient également en début de cortège.

Emmanuel Macron a, lui, été le grand absent de la manifestation contre l'antisémitisme. Il avait annoncé ne pas participer dans une lettre adressée aux Français et publiée dans Le Parisien, samedi soir. Le président de la République a toutefois promis "d'agir" et il doit recevoir tous les représentants des cultes ce lundi 13 novembre à l'Elysée. Son absence a toutefois déçu le responsable du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), Yonathan Arfi : "Sa présence aurait rendu cet événement encore plus historique". 

La manifestation contre l'antisémitisme a également réuni des célébrités issues du monde culturel, Natalie Portman, Kev Adams, Elie Semoun, Gilles Lellouche, Elsa Zylberstein, Yvan Attal, Charlotte Gainsbourg ainsi que Riad Sattouf. Joann Sfar, Anne Sinclair, Arthur ou encore David Douillet étaient également présents. Mais ce sont surtout des manifestants anonymes qui ont gonflé les rangs du cortège, des Français de toutes les origines et de toutes confessions se sont mobilisés pour dénoncer les violences visant la communauté juive. 

Le RN à l'arrière, LFI à Strasbourg

Toute la classe politique a participé aux manifestations contre l'antisémitisme. Comme il l'avait annoncé, le RN a participé à la marche civique parisienne, mais le groupe politique d'extrême droite a été placé en queue de cortège, bien loin du groupe politique de tête les présidents des chambres du Parlement ayant refusé de manifester aux côtés du RN. La présence du parti de Marine Le Pen a été huée par certains qui n'ont pas manqué de pointer les "racines antisémites" de la formation politique.

La participation du RN a également été dénoncée par les partis de la gauche. Les socialistes, les écologistes et les communistes ont manifesté côte à côte avec la volonté de former un "cordon républicain" face à l'extrême droite et une banderole sur laquelle été inscrit : "Contre l'antisémitisme et tous les fauteurs de haine et de racisme".

Quant à La France insoumise, elle n'était pas présente à Paris mais à la manifestation strasbourgeoise initiée par la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (Licra). "Les forces d'extrême droite n'y étaient pas les bienvenues, donc ça nous a paru être le meilleur endroit pour manifester", a souligné l'élu insoumis François Ruffin.

Une marche calme malgré un petit affrontement

Quelques minutes avant le début de la marche, Gérard Larcher, co-organisateur avec Yaël Braun-Pivet et président du Sénat, avait appelé à un "sursaut républicain". Yaël Braun-Pivet, présidente de l'Assemblée Nationale est revenue sur la présence du Rassemblement National et l'absence de la France Insoumise, estimant que cela ne "devait pas salir" l'événement. Cette présence de Jordan Bardella et Marine Le Pen a été justifiée par cette dernière : "Nous sommes exactement là où nous devons être ", a affirmé Marine Le Pen,  quelques minutes avant de débuter la marche. C'est alors qu'un groupe de militants d'une organisation juive, Golem, a montré son opposition à la participation du RN dans de brefs affrontements, avant l'intervention de la police qui a contenu les manifestants. La manifestation s'est ensuite poursuivie dans le calme. La Marseillaise a été chantée trois fois par la classe politique, réunie en tête de cortège dans un cordon sécuritaire. 

Une fois arrivés près du Sénat, son président, Gérard Larcher, et Yaël Braun-Pivet ont tenu à remercier la mobilisation des citoyens et de la classe politique. La Première ministre Elisabeth Borne s'est également exprimée à la fin de la marche : "les magistrats et les gendarmes sont très mobilisés pour ne laisser passer aucun message de haine, on ne laisse rien passer, on est aux côtés des citoyens juifs." 

Plus de 70 autres rassemblements en France

En plus de cet événement, l'Association des maires de France (AMF) a appelé le jeudi 9 novembre à des rassemblements contre l'antisémitisme "devant chaque préfecture de département", en même temps que la "marche civique". Ces manifestations doivent "permettre à tous les Français qui (le) souhaitent (de) s'associer à cette initiative partout en France". L'AMF précise que la démarche est menée "en accord avec Gérard Larcher et Yaël Braun-Pivet" et ne concerne pas l'Ile-de-France pour ne pas concurrencer la grande marche. L'appel de l'AMF a été entendu : 73 villes en France ont décidé d'organiser un rassemblement, selon une information de BFMTV. 

A Lyon, la marche a eu lieu dans la matinée. Grégory Doucet, maire écologiste de la ville, s'est exprimé depuis la place Bellecour : "Nous devons affirmer notre rejet de la haine de l'autre, comme nous l'avons combattu par le passé", a-t-il déclaré. Plus de 3 000 personnes - dont des parlementaires et élus de la région à l'exception du député LFI Gabriel Amard - sont réunies. A Saint-Malo, entre 1 000 et 2 000 personnes se sont rassemblées dans la matinée. A Nice, 3 000 personnes étaient présentes sur la Promenade des Anglais. A Marseille, le rassemblement aura lieu devant la préfecture. A Strasbourg, le cortège s'est élancé depuis la place de l'Université à 11 heures. Pap Ndiaye, ambassadeur de la France auprès du conseil de l'Europe était présent. " Il y avait au moins 5 000 personnes", a-t-il estimé. Selon lui, "c'est important car cette une cause qui se confond avec la République. Cette manifestation s'inscrit dans ma vie citoyenne".  A Rouen, plus de 700 personnes étaient réunies devant la mairie. "Participer à ce rassemblement (...) est une obligation morale", a affirmé Nicolas Mayer-Rossignol, maire PS de la ville. A Brest, au moins 500 personnes étaient présentes devant l'Hôtel de Ville. 

Emmanuel Macron absent, il s'exprime dans une lettre aux Français

C'est à travers une lettre adressée aux Français qu'Emmanuel Macron a choisi de s'exprimer à propos de la "marche civique contre l'antisémitisme", prévue dimanche 12 novembre à Paris. Après cinq jours de réflexion selon l'Elysée, le président de la république a finalement décidé de ne pas s'y rendre.  Alors que contient cette lettre aux Français ? Emmanuel Macron a dans un premier temps condamné "l'insupportable résurgence d'un antisémitisme débridé". Le chef de l'Etat a également tenu à rappeler que lutter contre l'antisémitisme n'excluait pas les combats contre d'autres formes de racisme : ce combat "ne doit jamais nous diviser ni jamais conduire à opposer certains de nos compatriotes à d'autres". Concernant la guerre entre Israël et le Hamas,  le président de la République a réaffirmé son soutien à l'Etat hébreux. Il a, selon lui, "le droit de se défendre", mais demande au pays "de protéger les civils et les otages à Gaza qui ne sauraient pays du prix de leur vie la folie sanguinaire des terroristes."

La veille, samedi 11 novembre, Emmanuel Macron a  exprimé son soutien aux manifestants et "salue avec respect celles et ceux qui, dimanche, marcheront pour la République, contre l'antisémitisme et pour la libération des otages". L'Élysée a rappelé que "le président de la république combat sans relâche toutes les formes d'antisémitisme depuis le premier jour" et "que des rassemblements viennent, partout en France, relayer ce combat est un motif d'espérance". Depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas, le 7 octobre, 1247 incidents à caractère antisémite ont été enregistrés en France d'après le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin. Invité sur BFM TV, vendredi 10 novembre, il a appelé à "l'unité nationale" pour combattre l'antisémitisme. Alors qu'il participait aux commémorations du 11 novembre, le chef de l'État a été interpellé par une héritière du capitaine Dreyfus : "Monsieur le Président, je suis contente de vous serrer la main mais je voudrais quand même vous dire que, en tant qu'arrière-petite-fille de Dreyfus, je suis un petit peu déçue que vous ne veniez pas à la manifestation demain."

Une classe politique divisée

Dimanche 12 novembre, à quelques heures du début de la marche, la Première ministre Elisabeth Borne a dénoncé "les postures" de LFI et du RN : "l'absence de la France Insoumise parle d'elle-même. La présence du Rassemblement National ne trompe personne", a-t-elle twitté. Ce même jour, Marine Le Pen a justifié sa présence à la marche, rappelant que son père, Jean-Marie Le Pen, condamné pour antisémitisme, avait été écarté du parti : "c'est précisément sur le sujet des ambiguïtés de Jean-Marie Le Pen, que je considérais comme étant une faute politique rendant impossible la continuité d'un combat commun, que nous avons rompu." Elle dénonce une "manipulation politique".

Le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran a énoncé que "le RN n'a pas sa place à cette marche", rappelant les racines antisémites du parti d'extrême droite. Le président du RN, Jordan Bardella, avait en effet assuré que Jean-Marie Le Pen n'était pas antisémite, bien que celui-ci ait été condamné pour antisémitisme. Le président de Renaissance, Stéphane Séjourné, a, lui aussi, confirmé sa présence à la marche, tout en précisant sur les réseaux sociaux : "Pour autant, jamais, je ne défilerai derrière la même banderole que le RN".

Pour ces différentes raisons, les partis de la Nupes, à l'exception de LFI, ont mis en place un cordon républicain afin de se différencier du Rassemblement National. Le but était de "distinguer dans la manifestation un cortège rassemblant tous les républicains et progressistes d'une part, et le Rassemblement national et les forces d'extrême droite d'autre part, auxquels nous ne reconnaissons aucune légitimité à manifester contre l'antisémitisme", selon la Nupes sans LFI. Sur Twitter, la députée Sandrine Rousseau a ainsi écrit, jeudi 9 novembre : "Le RN et Reconquête ne peuvent pas venir à une manifestation contre l'antisémitisme. C'est à eux d'en être exclus, pas aux forces républicaines de s'en exclure. Pas de récupération possible par des partis dont les chefs ont été condamnés pour antisémitisme".