Nouvelle-Calédonie : la réforme constitutionnelle reportée par Macron ?

Nouvelle-Calédonie : la réforme constitutionnelle reportée par Macron ? Plusieurs partis néo-calédoniens, indépendantistes ou non, appellent à un report du vote de la réforme constitutionnelle sur le dégel du corps électoral et au dialogue pour trouver un accord et favoriser le retour au calme. Seront-ils entendus ?

Le corps électoral de Nouvelle-Calédonie sera-t-il élargi ou non ? Sauf accord entre les élus locaux, c'est au Parlement qu'il reviendra de trancher. Emmanuel Macron a refusé de renoncer à la réforme constitutionnelle qui prévoit le dégel du corps électoral calédonien dans une lettre adressée aux élus de l'archipel le 15 mai. Au contraire, il a pressé les politiques calédoniens à renouer le dialogue pour trouver un accord d'ici la fin juin, période à laquelle les parlementaires seront convoqués en Congrès à Versailles pour l'ultime vote sur la réforme. Du moins en théorie.

Les appels à un report du vote de la réforme constitutionnelle se sont multipliés et ont gagné différents camps. Les partis indépendantistes de Nouvelle-Calédonie, opposés à l'élargissement du corps électoral, qui étaient les premiers à exiger un report du texte ont depuis été rejoints par d'autres formations. "A l'exception des Loyalistes et du Rassemblement-LR, toutes les forces politiques (FLNKS, Eveil Océanien, Calédonie Ensemble, Rassemblement National) soutiennent la création d'une mission du dialogue et le report de la date du Congrès" a assuré le président du parti non-indépendantiste Calédonie ensemble, Philippe Gomès, à Nouvelle-Calédonie la 1ère.

Revirements et divisions sur la réforme

Les émeutes en Nouvelle-Calédonie ont poussé plusieurs politiques à revoir leur position sur la réforme constitutionnelle et le dégel du corps électoral. Le Rassemblement national qui a voté l'adoption du texte au Sénat et à l'Assemblée nationale plaide à présent pour un report du vote en Congrès. Jordan Bardella a jugé "irresponsable" d'organiser le vote avant les Jeux olympiques et Marine Le Pen a appelé à un report de six mois des prochaines élections provinciales organisées en Nouvelle-Calédonie et avant lesquelles la question du corps électoral doit être tranchée. Le scrutin, initialement prévu en mai a déjà été reporté en décembre.

Mais le parti d'extrême droite n'est pas le seul à avoir changé de pied. Les Républicains, qui ont également contribué à l'adoption du texte au Parlement, sont désormais divisés sur un éventuel report. Le président du Sénat, Gérard Larcher, et le président du groupe de sénateurs LR, Bruno Retailleau, sont favorables à plus de souplesse. Les politiques s'accordent pour dire que le retour de l'ordre républicain est la priorité et selon Gérard Larcher "le calendrier doit être ajusté" et l'exécutif doit "suspendre la procédure de convocation du Parlement en Congrès" jusqu'au retour au calme, comme le rapporte Le Parisien. Mais les députés LR refusent toute politique de "temporisation". Selon Olivier Marleix, président du groupe LR à l'Assemblée, reporter le texte "serait une faute" et reviendrait à "céder" aux émeutiers et à "ceux qui refusent le dialogue".

Hésitation de Macron sur le vote au Congrès

Un revirement qui gagne jusqu'à la majorité présidentielle. D'abord unanimes sur la tenue du Congrès, certaines voix, dont celle de Yaël Braun-Pivet, s'élèvent pour demander un report du texte. Ils sont une majorité à penser que convoquer le Congrès fin juin est une mauvaise idée et à préférer la reprise du dialogue entre les élus néo-calédoniens. Des voix qui pourraient faire hésiter Emmanuel Macron sur la convocation du Parlement à Versailles. Le chef de l'Etat va-t-il tenir sa position ou entendre les appels des élus locaux et ceux de ses propres rangs ?

Aucune décision ou prise de parole présidentielle en vue, mais Emmanuel Macron a décidé de se rendre sur place pour jauger de la situation. Le président de la République doit se rendre en Nouvelle-Calédonie "dès ce [mardi] soir" pour y installer "une mission" a annoncé la porte-parole du gouvernement Prisca Thévenot à l'issue du Conseil des ministres. "La priorité est le retour à l'ordre. C'est le préalable à tout dialogue", a ajouté la ministre sans donner plus de précisions.

Pas de vote possible au Congrès sans accord ?

A force d'être entendus et repris, les appels des élus de Nouvelle-Calédonie à un report du vote de la réforme constitutionnelle semblent avoir mis à mal la possibilité de voir le texte adopté en Congrès d'ici à la fin juin. "L'absence d'un accord global, réclamé par tous, rend désormais impossible une majorité des 3/5ème au Congrès de Versailles pour valider la réforme constitutionnelle" a estimé le parti Calédonie ensemble à la 1ère. Un argument qui donne à faire réfléchir sur l'intérêt de convoquer le Parlement en Congrès si vite. En cas de rejet, la réforme constitutionnelle devrait alors suivre une nouvelle fois le parcours législatif. Or, le gouvernement souhaite mettre un point final à ce projet de réforme avant les prochaines élections provinciales en Nouvelle-Calédonie.

Le dégel du corps électoral ne peut qu'être le fruit d'un "grand accord" entre toutes les formations politiques, indépendantistes ou non, selon le parti Calédonie, et c'est en ce sens que vont les appels au dialogue des différents partis calédonien. Seuls quelques formations s'opposent à la reprise des échanges : les élus loyalistes et ceux du Rassemblement-LR refusent de dialoguer tant que l'ordre ne sera pas revenu en Nouvelle-Calédonie. Mais le retour au calme pourrait être plus long que prévu et retarder encore les discussions appelées par les autres partis et le gouvernement...

Reste que des échanges "en catimini" seraient en cours entre les élus indépendantistes de l'Union calédonienne (UC) et ceux non-indépendantistes des Républicains calédoniens, dont la présidente Sonia Backès est aussi membre de la majorité. Mais ils sont loin de faire l'unanimité et ne ressemblent pas à "l'accord global" souhaité.