Destitution de Macron : les vraies raisons qui poussent Mélenchon à recourir à cette procédure
Jean-Luc Mélenchon revient à la charge. Lui qui avait déjà évoqué l'idée de déposer une motion de destitution à l'encontre d'Emmanuel Macron il y a quelques jours, a cette fois promis d'aller jusqu'à bout. "Le président de la République vient de créer une situation d'une exceptionnelle gravité. La réplique populaire et politique doit être rapide et ferme. La motion de destitution sera déposée", a-t-il écrit sur X en réaction au refus du chef de l'Etat de nommer un gouvernement du Nouveau Front populaire (NFP) exprimé dans la soirée du lundi 26 août.
La décision présidentielle a enhardi la volonté du maître à penser de La France insoumise, si toutefois cela était nécessaire, à initier la procédure de destitution du chef de l'Etat. Comme lorsqu'il a brandi la menace pour la première fois, le 18 août, Jean-Luc Mélenchon peut compter sur le soutien indéfectible des insoumis, mais son idée ne séduit toujours pas l'intégralité des forces du NFP. Elle fait toutefois son chemin dans l'esprit de quelques-uns qui commencent à envisager cette solution face au refus catégorique d'Emmanuel Macron d'entendre leur injonction à nommer Lucie Castets à Matignon. Si l'insoumis en chef est plus emporté par l'idée de déposer une motion de destitution que les autres forces du NFP, c'est parce que cela sert davantage ses intérêts que ceux de ses partenaires du moment.
Jean-Luc Mélenchon n'a sans doute pas renoncé à se présenter à la présidentielle 2027. Il entend en tout cas faire gagner son camp. Toutes les occasions semblent bonnes, dans cette perspective, pour se mettre en avant et se poser tantôt en leader, tantôt en seule alternative. En ce sens, la motion de destitution peut lui servir à plusieurs égards :
1. Il peut rejeter la responsabilité du blocage institutionnel sur Emmanuel Macron
Le NFP ou ses membres refusent de faire partie d'une coalition, Emmanuel Macron refuse de nommer un gouvernement NFP. Qui est responsable de l'impasse ? Le simple fait de lancer une procédure de destitution, prévue par l'article 68 de la Constitution en cas de manquement du chef de l'Etat à ses devoirs, suffit à renforcer l'idée que le président de la République est à l'origine du blocage institutionnel actuel. LFI rappelle à l'envi que la dissolution de l'Assemblée nationale a été décidée par Emmanuel Macron le 9 juin, seul, et pointe son refus de nommer la candidate du NFP à Matignon, malgré la supériorité numérique du groupe à l'Assemblée : tous les ingrédients sont réunis pour faire porter le chapeau au chef de l'Etat. Ce dernier "ne reconnaît pas le résultat du suffrage universel" selon LFI qui l'accuse dans son communiqué de se perdre en "abus de pouvoir" pour renverser la vapeur.
Cette tentative sert aussi bien LFI, et donc Jean-Luc Mélenchon, que les autres partis membres du NFP. Mais le fondateur du parti insoumis a pour lui un argument en plus : il a dit être prêt à renoncer à la nomination de ministres insoumis dans un gouvernement Castets si cela permettait au NFP d'accéder à Matignon. Une manière d'apparaître en chantre de l'intérêt général, défenseur du programme et des idées, ayant sacrifié des postes gouvernementaux qu'il n'avait dans tous les cas que peu de chances d'obtenir et/ou de conserver. Le coup de poker était en définitive bien réfléchi.
2. Il peut se mettre en avant et faire pression sur les autres forces de gauche
Etant le premier à défendre une motion de destitution, Jean-Luc Mélenchon se place comme l'homme de gauche le plus engagé contre l'autorité macroniste au sein du NFP. Une position stratégique puisqu'elle lui permet soit d'apparaître en leader d'opinion si le PS, le PCF et les Ecologistes le suivent, ou en seule véritable force d'opposition dans cette séquence, si ses partenaires politiques, la droite ou l'extrême droite refusent de soutenir la motion.
La motion de destitution est un des (nombreux) sujets qui divisent le NFP, et cette procédure menée à terme risque de fragiliser l'alliance de la gauche. Si celle-ci devait se rompre, Jean-Luc Mélenchon, coiffé de sa casquette de ferme opposant à Emmanuel Macron, pourrait faire porter la responsabilité de l'échec de la gauche aux trois autres partis aux méthodes nettement plus timides.
3. Il place ses pions pour la prochaine présidentielle
Déjà candidat à trois reprises à l'élection présidentielle, celui qui n'a jamais su se qualifier pour le second tour du scrutin prépare déjà son jeu pour le prochain scrutin normalement prévu en 2027. S'il a dit en mars dernier "vouloir être remplacé", il fera tout pour que LFI s'impose à la tête de la gauche : "La prochaine candidature en tête de la gauche sera insoumise", écrivait-il en début d'année.
Si le NFP survit jusque-là, Jean-Luc Mélenchon espère donc en être le chef et si l'alliance se rompt en cours de route, il sera question d'être meilleur que les adversaires et anciens alliés pour l'emporter. S'imposer dès à présent comme le meilleur opposant au pouvoir en place - Emmanuel Macron ne pourra pas se représenter, mais enverra un héritier prétendre à la présidence avant un possible retour en 2032 - lui permet donc de poser les jalons d'un éventuel duel entre lui et Marine Le Pen.