Thomas Legrand - Patrick Cohen : l'affaire des "suppôts de la gauche" prend de l'ampleur, un résumé en 5 actes

Thomas Legrand - Patrick Cohen : l'affaire des "suppôts de la gauche" prend de l'ampleur, un résumé en 5 actes Une vidéo montrant les journalistes du service public Thomas Legrand et Patrick Cohen, en pleine conversation privée avec deux cadres du PS, a provoqué un scandale ce week-end.

Thomas Legrand et Patrick Cohen, deux éditorialistes et journalistes politiques vedettes du service public (France Inter et France Télévisions), attablés dans un restaurant avec deux cadres du Parti socialiste, en pleine conversation de comptoir. C'est la vidéo (volée) publiée par le site web du mensuel L'Incorrect vendredi soir. Un média connu pour sa proximité avec les milieux conservateurs et plaidant pour l'union de toutes les droites.

En moins de 24 heures, relayées par les réseaux d'extrême droite d'abord, puis par une partie du monde politique, à commencer par la ministre de la Culture Rachida Dati, les images vont provoquer un scandale, éclipsant presque la tournée médiatique de la dernière chance de François Bayrou avant le vote de confiance de ce lundi. Thomas Legrand a d'ores et déjà été mis à l'écart de France Inter et l'Arcom a été saisie.

1. La vidéo dévoilée par L'Incorrect

L'affaire Legrand-Cohen a débuté vendredi 5 septembre, quand L'Incorrect a diffusé des extraits vidéo montrant Thomas Legrand et Patrick Cohen attablés avec deux cadres socialistes : Luc Broussy, président du conseil national du PS, et Pierre Jouvet, eurodéputé. Dans cette conversation privée filmée à leur insu le 7 juillet dans un café parisien, les municipales de mars 2026 sont évoquées et on entend notamment Thomas Legrand déclarer : "Nous, on fait ce qu'il faut pour Dati, Patrick et moi". Le sous entendu semble limpide : Thomas Legrand dit oeuvrer pour empêcher la ministre de la Culture d'accéder à la mairie de Paris en mars prochain. 

Pour L'Incorrect, l'extrait prouve une connivence entre les journalistes du service public et le PS pour nuire à l'ancienne ministre de Nicolas Sarkozy, candidate dans la capitale. La publication a été fondée en 2017, notamment par le journaliste proche de l'extrême droite Jacques de Guillebon, financée par l'homme d'affaires Charles Beigbeder et l'ex DRH de L'Oréal, dirigeant de la Fondation Identité Dignité, Laurent Meeschaert.

2. La réaction outrée de Rachida Dati (entre autres)

Dès vendredi soir, Rachida Dati a réagi sur les réseaux sociaux, dénonçant des "propos graves et contraires à la déontologie qui peuvent exposer à des sanctions". Elle a demandé que "chacun prenne ses responsabilités". Cette vidéo a également été relayée et critiquée par de nombreux responsables LR et RN ainsi que par une foule de sympathisants dénonçant les "journalistes suppôts de la gauche".

Le président du Rassemblement national Jordan Bardella a pointé "une preuve supplémentaire" de "la partialité du 'service public' en faveur de la gauche". Jean-Luc Mélenchon a quant à lui qualifié la vidéo de "consternante" y voyant "deux journalistes essentiels de l'officialité PS [qui] complotent pour valoriser un axe 'de Ruffin à Canfin"' et Glucksmann".

On se souvient que le 18 juin dernier, un échange tendu avait eu lieu dans "C à vous" sur France 5 entre Rachida Dati et Patrick Cohen. Interrogée par le journaliste sur les révélations de Complément d'enquête, qui l'accusait d'avoir touché près de 300 000 euros venant de GDF Suez (devenu Engie) lorsqu'elle était députée, la ministre de la Culture avait retourné d'autres accusations au lieu de répondre, demandant de manière insistante à Patrick Cohen s'il avait harcelé ses collaborateurs.

3. La suspension de Thomas Legrand, pas de Patrick Cohen

France Inter a annoncé vendredi soir la suspension à titre conservatoire de Thomas Legrand. Dans un mail interne, la directrice Adèle Van Reeth a justifié cette décision par la "confusion" et la "suspicion" que les propos de l'éditorialiste peuvent générer, tout en condamnant les méthodes "illégales et déloyales" de L'Incorrect. Thomas Legrand n'assurera pas son débat politique dans la matinale de dimanche. "Il ne s'agit pas d'un licenciement", a tout de même tempéré la direction de la radio publique.

Patrick Cohen quant à lui n'a pas été suspendu. "Nous avons regardé de près les citations dans l'article et les vidéos. Nous estimons qu'il n'y a pas les mêmes ambiguïtés", indique Radio France, citée par Le Parisien. Le journaliste devrait être à l'antenne de France Inter lundi matin.

4. La défense de Cohen et Legrand

Les deux journalistes ont vivement réagi pour se défendre de tout "complot" après la diffusion de la vidéo. Dans un texte publié samedi, Thomas Legrand a regretté des "propos maladroits", mais assuré que cette conversation se tenait dans un contexte de "franche explication" avec les cadres du PS, mécontents du traitement d'Olivier Faure sur France Inter.

"C'était tout sauf une réunion conspirative", a abondé Patrick Cohen auprès de l'AFP, dénonçant une vidéo "manipulatoire" et "tronquée". Les deux hommes ont annoncé leur intention de porter plainte contre ceux qui ont diffusé ou même relayé les images, la "captation de propos privés entre journalistes et politiques" étant "totalement illégale" selon eux.

5. L'Arcom saisie

Face à l'ampleur prise par cette polémique et aux doutes sur l'indépendance des journalistes du service public, l'Arcom, le régulateur de l'audiovisuel, a annoncé samedi avoir été saisie. Elle va recueillir "dans les meilleurs délais tous les éléments d'explication auprès de Radio France et France Télévisions afin de s'assurer du respect, par le service public de l'audiovisuel, de ses obligations d'impartialité et d'indépendance", dont elle est la garante.